Engagés pour la 19ème semaine européenne sur l’endométriose

Nous sommes actuellement en pleine 19ème semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose qui a débuté le 6 et se terminera le 12 mars 2023.

Chez France Assos Santé, deux associations de patientes atteintes d’endométriose ont récemment rejoint le réseau : EndoFrance et ENDOmind. A l’occasion de cette semaine de sensibilisation, nous les avons interrogées sur leurs travaux, actions, combats du moment.

L’endométriose en quelques mots…

L’endométriose est une maladie qui concerne une femme sur 10 et apparaît lorsque du tissu semblable à la muqueuse utérine (aussi appelé endomètre), se retrouve dans d’autres parties du corps. Ce tissu s’installe le plus souvent dans l’appareil génital, parfois dans l’appareil digestif, plus rarement dans le diaphragme, voire très rarement, jusque dans les membres ou le cerveau. Au moment des règles, ces tissus peuvent réagir aussi douloureusement que l’utérus et pour 70% des femmes atteintes, ces douleurs sont réellement invalidantes et peuvent parfois se chroniciser en dehors de la période des règles. La multiplicité des symptômes engendre une grande errance diagnostique et actuellement, il faut en moyenne 7 ans pour qu’une femme atteinte d’endométriose obtienne un diagnostic. La prise en charge est compliquée car il n’existe pas de traitement spécifique pour cette maladie. Rappelons en outre que 40% des cas d’infertilité sont dus à de l’endométriose.

LES ACTUALITÉS D’ENDOFRANCE

Yasmine Candau, présidente de l’association

« A l’occasion de cette 19ème semaine de prévention et d’information sur l’endométriose, les bénévoles de l’association organisent 56 actions d’information et de soutien. Sur le mois de mars, c’est plus de 115 événements qui sont prévus avec des conférences, tables rondes, rencontres amicales, etc.

Plus généralement pour 2023, les actions que nous avons à cœur de développer sont dans la continuité de nos travaux entamés en 2022, à savoir, sensibiliser les jeunes de 15 à 25 ans à l’endométriose, en milieu scolaire, et également toucher le monde du travail avec des interventions en entreprise. Ce qui est très encourageant, c’est que nous sommes très sollicités alors que nous ne démarchons personne.

Pour ce qui concerne le monde de l’entreprise, de façon générale, leurs missions « mixité et handicap » sont très demandeuses de conseils. Nous sommes également appelés par les ressources humaines lorsqu’elles sont interpellées par une employée qui ose parler de son endométriose. Nous avons également mis en place en toute fin d’année 2022, des programmes de sensibilisation à destination des équipes de santé et de médecine du travail. Lors de ces réunions où nous rencontrons des infirmières, infirmiers et médecins, ils sont avides d’informations pour pouvoir mieux accompagner les salariés. C’est réellement utile car nous nous rendons compte qu’ils ont finalement une idée assez vague de ce qu’est la maladie et qui se limite souvent pour eux à des douleurs, parfois très invalidantes, pendant les règles. Ils découvrent souvent les formes sévères de la maladie, notamment les atteintes digestives de la pathologie. Nous les informons également sur les prises en charge médicamenteuses ou chirurgicales. Il ne faut pas oublier que la formation dédiée à l’endométriose est extrêmement récente, puisque le décret qui intègre l’endométriose dans les études médicales de second cycle pour les étudiants en médecine est paru en 2020.

Concrètement, lorsque nous sommes contactés par une entreprise, elle nous demande d’intervenir lors d’une réunion qu’elle organise, soit en visioconférence, soit en présentiel. L’intérêt de la visio dans les grands groupes est qu’elle permet de toucher plusieurs sites sur l’ensemble du territoire. De façon générale, les publics auxquels nous nous adressons dans ce contexte sont particulièrement surpris et émus par les différentes formes et les conséquences multiples de l’endométriose sur le quotidien des malades. En outre, nos pistes de réflexion pour permettre de favoriser une relation gagnant-gagnant, entre l’employeur et l’employée qui souffre d’endométriose sont très bien accueillies. Ces pistes d’aide au maintien à l’emploi sont parfois tout simplement de commencer en allant voir le médecin du travail, de demander une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH – Lire notre fiche sur le sujet) quand c’est nécessaire, et pouvoir ainsi bénéficier d’aménagement de poste ou même de changement de fiche de poste, afin de continuer à avoir une activité professionnelle adaptée à sa situation. Bien entendu, d’une femme qui souffre d’endométriose à une autre, selon la sévérité de sa maladie et aussi selon sa propre résilience face à cette pathologie, chacune va réagir différemment et ne demandera pas forcément ce type d’aménagement. En réalité, c’est le ressenti de la qualité de vie qui déterminera pour chacune, ses besoins, ses attentes par rapport à son activité professionnelle. A l’association, nous conseillons de ne pas attendre d’être usée moralement avant de demander de l’aide.

C’est d’ailleurs la même chose pour les jeunes femmes collégiennes, lycéennes ou étudiantes et qui souffrent au point de ne pas pouvoir ses rendre en cours. Pour elles aussi, il n’y a aucune généralité car le ressenti sur la qualité de vie, la tolérance à la douleur physique, ou la réponse aux traitements sont très différents d’une jeune femme à une autre. Nous avons par ailleurs créé une affiche spécifique à destination des infirmières scolaires dont le message est « On n’est pas trop jeune pour avoir de l’endométriose » car de nombreuses jeunes filles nous remontaient que leur médecin pensait qu’à 20 ans, avoir une endométriose est impossible ! Et les infirmières scolaires sont une porte d’entrée vers le diagnostic. Cela vient compléter l’objectif de la BD « L’endométriose de Clara – comprendre la maladie pour les 15-25 ans » éditée chez Dunod en février 2022.

Les hommes sont présents à ces réunions que cela soit en entreprise et en milieu scolaire et ils nous posent beaucoup de questions. Quand on leur rappelle qu’une femme sur 10 souffre d’endométriose, et qu’ils en connaissent forcément plusieurs, ils se sentent tout de suite plus impliqués. J’ai même déjà vu un homme ému aux larmes en réalisant ce que la maladie pouvait représenter de souffrance au quotidien. Récemment, j’ai rencontré plus de 500 élèves de 3ème et de seconde et j’ai été surprise de constater que ce sont les garçons finalement, qui ont beaucoup plus participé que les filles. Ils parlaient de leur mère, de leurs sœurs, et voulaient comprendre, se demandaient s’il y avait des traitements.

Depuis décembre 2022, nous intervenons également de plus en plus dans des congrès médicaux. Les professionnels de santé sont demandeurs d’écouter les patients pour améliorer leurs pratiques. Nous nous félicitons également que des ostéopathes, des kinésithérapeutes, des psychologues par exemple, interviennent de plus en plus dans la prise en charge de la maladie. Nous avons par ailleurs créé un outil, sous la forme d’un livret illustré, offert aux médecins, chirurgiens, gynécologues de ville, sage-femmes, afin qu’ils puissent mieux expliquer la maladie à leurs patientes, pour leur montrer concrètement, lors de la consultation, où est localisée leur endométriose, pourquoi c’est douloureux, à quoi ressemble un utérus en bonne santé, etc. ».

LES ACTUALITÉS D’ENDOMIND

Priscilla Saracco, bénévole à l’association et patiente experte

« Le mois de mars représente pour notre association, un mois entier de mobilisation puisqu’ont lieu, en mars, la semaine européenne ainsi que la journée mondiale consacrées à l’endométriose. Nous avons prévu de nombreux événements et particulièrement notre évènement phare qu’est l’ENDOMARCH 2023, le 25 mars, en présentiel à Paris, après 3 années de pause à cause du Covid. Lors de cette marche revendicative pour faire reculer l’endométriose, le mot d’ordre pour cette année sera de sensibiliser le grand public à la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, annoncée il y a exactement un an, afin de faire le point sur que ce qui a été mis en place et d’alerter également sur ce qui piétine.

A un an de l’annonce de la stratégie nationale, nous sommes en réalité déçus de la façon dont les choses se passent. Un comité de pilotage interministériel avait notamment été entériné, et dont je fais d’ailleurs partie, mais il ne s’y passe rien et l’aspect interministériel est vraiment très relatif. Bien sûr il y a eu ces derniers mois des changements au sein du gouvernement mais cela ne devrait pas empêcher certains acteurs d’avancer sur divers sujets. Par ailleurs, les réponses à nos sollicitations sont quasiment inexistantes dans le cadre de nos relations avec le ministère de la Santé ou la DGOS. Nous avons tellement donné lors de l’élaboration de cette stratégie que nous sommes donc terriblement déçus par son défaut de mise en application. D’ailleurs nous nous rendons également compte que le budget alloué à cette stratégie est très faible, particulièrement sur les opérations de sensibilisation et de communication. On nous demande de soulever des montagnes avec des pelleteuses en plastique.

Par ailleurs, ENDOmind est aussi toujours très mobilisée sur la question de la reconnaissance de l’ALD (Affection de Longue Durée) pour les patientes qui souffrent d’endométriose. Une négociation avec le gouvernement a permis d’obtenir une harmonisation des critères pour la reconnaissance en ALD 31 (ALD hors liste), avec une formation des médecins-conseils de l’Assurance maladie. Dans ce contexte, il a été prévu de faire une évaluation au bout de 18 mois (nous sommes aujourd’hui à 6 mois de l’échéance), afin de mesurer si le nombre de cas déclarés en ALD est cohérent par rapport à la prévalence des cas graves d’endométriose. Nous savons cependant d’ores et déjà que d’un département à un autre, les caisses primaires d’Assurance maladie sont plus ou moins coopératives et avons même des témoignages de patientes qui se domicilient dans les départements réputés plus souples sur la question, pour obtenir enfin leur ALD. Il faut bien comprendre que pour des femmes qui souffrent beaucoup, au mieux au moment de leur règle, mais parfois même en dehors de cette période de leur cycle, la prise en charge de leurs arrêts maladie sans délai de carence systématique est très importante (1). Une reconnaissance en ALD leur permet également de ne pas faire l’avance des frais pour celles qui ont besoin de kinésithérapie périnéale. On constate finalement que l’endométriose est un peu le miroir de la prise en charge de la santé de la femme aujourd’hui en France. D’ailleurs aucune pathologie dans la liste des ALD n’est 100% féminine.

En parallèle pourtant, ces derniers mois, les professionnels se sont mobilisés sur la question des filières de soin endométriose, mais il faudra évidemment plusieurs années avant que tout soit bien organisé et que les patientes qui souffrent de cette maladie puissent toutes être facilement intégrées à des parcours efficaces et cohérents, depuis le diagnostic jusqu’à la prise en charge.

Nous avançons également sur d’autres projets, comme celui de l’ETP (Education Thérapeutique du Patient) que nous continuions à déployer sur l’ensemble du territoire et nous développons aussi des outils à destination des adolescentes. Nous avons notamment élaboré des kits pour les infirmeries scolaires qui comprennent des affiches, des flyers, des livrets d’accompagnement et des supports pour que les infirmièr.e.s scolaires puissent organiser des présentations sur l’endométriose au sein des écoles. Nous avons par exemple mis au point un « info-intox » assez dynamique. Pour le moment, ces kits ne seront disponibles qu’en Occitanie et en PACA car nous manquons de financement pour en envoyer sur tout le territoire, ce qui est évidemment notre objectif. Par ailleurs, nous développons tout un programme de sensibilisation via les réseaux sociaux, pour toucher davantage les jeunes. Enfin, nous travaillons sur des programmes d’ETP destinés aux adolescentes, qui comprendra l’endométriose et la dysménorrhée primaire, principalement sous le prisme du soulagement de la douleur, car si la dysménorrhée primaire peut s’arrêter à la fin de l’adolescence, une chronicisation de la douleur peut s’être déjà mise en place. Dans ce contexte, nous travaillons sur une mallette d’outils spécifiquement prévus pour l’ETP des adolescentes, avec un jeu de plateau, des cartes thématiques, des planches anatomiques et un poster concernant l’échelle de la douleur. Cette mallette sera distribuée aux équipes pluridisciplinaires qui dispensent déjà des programmes d’ETP pour l’endométriose des adultes. Ces équipes ont en effet déjà de l’avance pour développer des programmes spécifiques pour les adolescentes. Plus tôt les patientes ont accès à une prise en charge optimisée et meilleure sera leur qualité de vie. »

 

(1) «  En cas d’arrêts de travail successifs liés à une même ALD, le délai de carence ne s’applique qu’une seule fois au cours d’une même période de 3 ans débutant à partir du 1er arrêt de travail lié à cette ALD » – Source : Service-Public.fr

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