Comment se porte la santé rénale en France en 2023 ?

Alors que la 18ème Semaine Nationale du Rein est entamée, France Assos Santé a interrogé, sur leurs actualités et les avancées à venir dans le champ des maladies rénales, deux associations membres de son réseau, concernées par ces questions, à savoir : France Rein et Renaloo.

Cette année, le thème retenu est : « Une bonne santé rénale pour tous ! Se préparer à l’imprévisible, maîtriser la vulnérabilité ». Or, quand on sait que la maladie rénale est une maladie silencieuse et que chaque année 11 000 patients découvrent qu’ils souffrent d’une insuffisance rénale terminale, nécessitant l’entrée immédiate en dialyse ou le recours à une greffe, on comprend l’intérêt de se préparer à l’imprévisible.

Par ailleurs, le Covid pour lequel les patients dialysés et greffés, immunodéprimés et donc particulièrement vulnérables, paient un lourd tribut, doit nous amener à tirer toutes les leçons afin de protéger les personnes des risques infectieux actuels ou émergents.

Maîtriser la vulnérabilité, c’est aussi et surtout favoriser l’accès des patients insuffisants rénaux aux meilleurs traitements, ceux qui offrent les meilleurs résultats médicaux, la meilleure qualité de vie, la plus grande autonomie et permettent une véritable réhabilitation, et donc une inclusion sociale optimale. En ce sens, Renaloo insiste pour que la greffe rénale soit la stratégie de soins à privilégier, en première intention. L’association rappelle que la greffe est aussi bien moins coûteuse que la dialyse pour notre système de santé. Son développement nécessite que les équipes soignantes soient soutenues, les patients informés et les financements au rendez-vous.

Le nouveau plan greffe 2022/2026 satisfait, sur le papier, les associations de patients, qui restent cependant vigilantes car l’atteinte d’objectifs requiert un portage politique sans faille et un très fort niveau de mobilisation des parties prenantes, à commencer par les établissements de santé dont on connait les difficultés. Les associations de patients sont également attentives à ne pas être exclues des actions conduites au niveau de chaque région.

La santé rénale pour tous ! Relever ce nouveau défi nécessite d’abord un diagnostic précoce des maladies rénales pour mettre en place, au bon moment, des stratégies afin de ralentir la progression de ces maladies. C’est d’autant plus important que des innovations arrivent sur le marché et autorisent de nouveaux espoirs. La vaste opération nationale de dépistage des maladies rénales, qui reprend du service durant cette semaine spéciale, s’inscrit dans ce contexte, où il est permis de croire en de nombreux changements dans le parcours des patients et où de nombreux acteurs du soin pourraient jouer un rôle accru dans leur prise en charge.

Une bonne santé rénale pour tous ?
Saviez-vous que les premiers symptômes d’une maladie rénale n’apparaissent qu’à un stade avancé de la pathologie ? Sans dépistage, il est difficile de repérer les signes d’alerte et c’est une des raisons pour lesquelles 30% des patients démarrent la dialyse en urgence.

Certaines personnes sont plus à risques que d’autres, notamment les malades diabétiques, ainsi que les personnes souffrant d’hypertension ou encore d’obésité.

Pour prendre soin de ses reins, en luttant notamment contre ces 3 facteurs de risque, il est important :

  • D’avoir une alimentation équilibrée
  • De pratiquer une activité physique régulière
  • D’être vigilant sur sa consommation de sel
  • De boire au moins 1,5 litre d’eau, réparti dans la journée
  • De ne pas fumer
  • De veiller à sa consommation d’aspirine, d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (comme l’ibuprofène), de laxatifs et de diurétiques qui peuvent, sur la durée, s’avérer toxiques pour les reins
  • De ne pas abuser des régimes hyper-protéinés qui « fatiguent » les reins

Ce thème de la santé rénale est justement un sujet qui mobilise les équipes de Renaloo. A l’occasion de la Journée mondiale du rein du 9 mars, Renaloo annonce son plan d’action concernant l’ensemble de la prise en charge dans le champ de la santé rénale. Yvanie Caillé, fondatrice de Renaloo précise : « C’est tout le parcours qu’il est nécessaire de repenser, du dépistage précoce jusqu’à la prise en charge des patients en dialyse ou en greffe, en passant par la coordination des soins, l’amélioration de la qualité de vie des patients, et bien sûr la recherche puisque jusqu’ici, l’efficacité des thérapeutiques permettant de freiner les maladies rénales était limitée. Heureusement, cela change… ».

De nouveaux traitements qui supposent une amélioration du dépistage

En effet, la donne pourrait enfin changer en ce qui concerne les maladies rénales avec l’arrivée de nouvelles classes de médicaments, notamment les gliflozines. Développés à l’origine pour le traitement du diabète de type 2, ces médicaments pourraient ralentir la progression des maladies rénales dès leur stade précoce. Cela permettrait donc de retarder, voire d’éviter, le recours à la greffe ou à la dialyse.

Si pour l’instant il n’existe pas de campagne de dépistage ciblée des maladies rénales organisée  par l’Assurance Maladie comme il en existe par exemple pour le cancer colorectal (invitation à effectuer tous les deux ans, entre 50 et 74 ans, un dépistage remboursé à 100%), les associations de patients l’appellent de leurs vœux puisque désormais, des traitements efficaces pourront enfin être proposés à des patients diagnostiqués précocement. De même, les nouveaux traitements de l’obésité devraient permettre de mieux lutter contre ce facteur de risque majeur de progression des maladies rénales.

Jan-Marc Charrel, président de France Rein constate qu’aujourd’hui, les pouvoirs publics comptent beaucoup sur les associations pour assurer le dépistage des maladies rénales, or d’après lui, un effort doit être entrepris avec divers acteurs du soin. Il suggère par exemple d’impliquer les pharmaciens dans le dépistage, puisqu’ils ont la possibilité de repérer, parmi leurs patients, lesquels sont à risques, dès lors qu’ils sont diabétiques, souffrent d’hypertension ou d’obésité. Renaloo de son côté a bon espoir que l’Assurance Maladie se mobilise sur cette question,  et sur les enjeux liés aux parcours des patients soulevés par l’arrivée de ces nouveaux médicaments. Les coûts engagés, notamment pour un dépistage mieux organisé, pourraient être largement compensés par l’économie réalisée grâce à ces traitements qui repoussent l’entrée en dialyse ou en greffe. Rappelons qu’une année de dialyse représente un coût de 80 000 euros environ par patient.

Les associations de patients espèrent aussi une amélioration de la formation et de l’engagement des médecins généralistes.  Ces nouveaux médicaments rebattent en effet les cartes. Les généralistes pourraient être désormais plus impliqués dans le dépistage et dans le suivi des patients à un stade précoce traités avec ces nouvelles molécules.

Les dépistages de France Rein durant la Semaine Nationale

France Rein est particulièrement bien organisée, puisque chaque année, durant la Semaine Nationale principalement, elle effectue 20 000 dépistages, en métropole et dans les départements d’outre-mer. Ces dépistages mobilisent 800 bénévoles et 700 professionnels de santé. Cette opération compte comme un pivot indispensable à la prise en charge des patients puisqu’environ 10% des personnes dépistées durant la Semaine Nationale présentent des signes de maladie rénale. Heureusement ces personnes ne sont pas toutes à un stade avancé de la maladie, mais ce n’est pas rare de diagnostiquer des cas graves lors de ces dépistages. Jan-Marc Charrel commente : « L’organisation des dépistages n’est pas aisée car il nous faut trouver des endroits équipés de sanitaires puisqu’il s’agit le plus souvent d’un test urinaire effectué à l’aide de bandelettes. Ce test prend en compte une dizaine de paramètres. Le paramètre qui nous intéresse le plus est celui de l’albuminurie mais l’on regarde aussi le taux de glucose urinaire qui est un signe de diabète, or le diabète est un facteur de risque de la maladie rénale. Lors des dépistages, nous prenons également la tension des personnes, puisque l’hypertension est un autre facteur de risques. Si les résultats obtenus lors de nos dépistages montrent des signes de maladies rénales possibles, nous remettons aux personnes dépistées, par l’intermédiaire des néphrologues qui nous accompagnent dans cette opération, une prescription pour qu’elles puissent, si elles le souhaitent, effectuer des analyses de sang complémentaires, puis aller consulter leur généraliste ou un néphrologue. ».

Réforme de la tarification à l’acte (T2A)

La récente annonce d’Emmanuel Macron sur la réforme à venir de la tarification à l’acte est bien accueillie par Renaloo et France Rein, qui rappellent que des travaux en ce sens ont déjà débuté pour les maladies rénales chroniques. Pour Jan-Marc Charrel, prévoir des forfaits pour les malades chroniques qui doivent être suivis sur le long terme, voire à vie, est une évidence. Renaloo explique ainsi qu’un forfait « maladies rénales chroniques » a récemment été mis en place, et permet de valoriser des actes qui ne l’étaient pas jusque-là, afin de ralentir la progression de la maladie rénale jusqu’à l’arrivée en suppléance. Magali Leo, responsable du plaidoyer chez Renaloo ajoute : « Un deuxième dossier, à savoir une réforme de la tarification de la dialyse, a également été ouvert, mais il se trouve actuellement au point mort. Cette réforme annoncée de la T2A est une opportunité pour relancer ce chantier, sur lequel Renaloo travaille depuis des années (voir leur article). L’association a d’ailleurs formalisé des propositions concrètes dès 2017 pour mettre en œuvre cette réforme. Chez Renaloo, nous militons depuis longtemps pour que le mode de financement de la dialyse cesse d’encourager les mauvaises pratiques et les rentes de situation, mais soit au contraire indexé sur la qualité des soins, y compris perçue par les patients eux-mêmes. Le sujet n’est pas simple. Il se heurte à de nombreuses résistances mais il est essentiel de les dépasser pour améliorer efficacement les prises en charge. ».

Pour Jan-Marc Charrel, ces facturations au forfait sont un premier pas encourageant mais nécessitent des améliorations, en y intégrant par exemple les programmes d’Education Thérapeutique du Patient (ETP). Il note également qu’il s’agit d’être vigilant et de veiller à ce que les patients soient bien au courant de ce qu’incluent ces forfaits, afin de bénéficier effectivement de tous les soins auxquels ils ont droit. Sur ce point, les maladies rénales chroniques (MRC) ont déjà un peu d’avance, puisque dans le cadre des MRC, il existe déjà un guide-parcours édité par la HAS (Haute Autorité de Santé). Magali Leo fait d’ailleurs remarquer l’urgence que ce guide soit mise à jour, pour prendre en compte l’arrivée des nouveaux médicaments évoqués plus haut.

Un plan greffe ambitieux mais un déploiement qui associent trop peu les représentants des patients

Renaloo comme France Rein ont salué le nouveau plan greffe publié en mars 2022. Jan-Marc Charrel se félicite notamment des apports intéressants inscrits dans le plan, qui reprennent beaucoup le livre blanc de la transplantation rénale sur lequel a travaillé France Rein, en collaboration avec La SFNDT (Société Francophone de Néphrologie, Dialyse et Transplantation), la Société Francophone de Transplantation et l’Association Française d’Urologie. Renaloo a quant à elle réalisé un travail d’expertise sur l’identification des meilleures pratiques européennes et les aspect médico-économiques associés, en collaboration avec les plus grands experts français de la greffe. Cette approche a permis une collaboration étroite avec l’Elysée, le Ministère de la Santé et l’Assurance Maladie, avec un impact fort sur le contenu du plan, notamment en termes de financements et de ressources humaines.

Pourtant, France Rein comme Renaloo constatent avec regret, qu’un an après la publication du plan, les associations de patients sont mises à l’écart de son déploiement. « Nous sommes tantôt confrontés à une forme d’inertie de la part de certaines ARS, tantôt exclus des réunions organisées avec les professionnels de santé », déplore Renaloo. Sur la collaboration avec l’Agence de Biomédecine (ABM), Renaloo entend que l’agence appelle effectivement à travailler avec les associations des patients, mais déplore le climat d’opacité qui persiste dans les faits, les grandes difficultés d’accès aux données et objectifs sur les transplantations pour chaque équipe, ainsi que l’inertie globale qui a marqué la première année de mise en œuvre du plan.

Jan-Marc Charrel partage ce constat qui met à mal la démocratie en santé : « Il ne peut pas y avoir les patients d’un côté et les professionnels de santé de l’autre. C’est pourquoi France Rein a prévu d’entamer un tour des régions avec la SFNDT pour organiser des événements de sensibilisation autour du plan greffe et veiller à ce que ce plan ne se réduise pas à de bonnes intentions sans dérouler un véritable plan d’actions ».

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