Défi de janvier : je ne bois plus mais je fume trop !

Avez-vous entendu parler du défi de janvier sans alcool, inspiré du Dry January anglais, et qui consiste à faire une pause dans sa consommation d’alcool durant tout le mois de janvier ? Que vous l’ayez entamé dès le 1er janvier, que vous ayez pris le train en marche ou que cela vous inspire pour une prochaine pause sans alcool dans le courant de l’année à venir, vous craignez peut-être de compenser l’alcool en augmentant l’usage d’un autre produit comme le tabac, le cannabis, les anxiolytiques, ou même tout simplement le sucre ?
Le docteur Bernard Basset, président d’Addictions France (anciennement ANPAA) fait le point avec 66 Millions d’Impatients sur ce risque.

66 Millions d’Impatients : Y’a-t-il un risque de compenser le fait de ne pas boire par autre une habitude, voire une addiction pendant le Défi de janvier ?

Dr Basset : De façon générale, certaines personnes ont plus tendance à avoir un comportement addictif que d’autres, quel que soit le type de consommation. Mais même sans avoir un tempérament particulièrement addictif, il peut se produire la mise en place de « remplacements » un peu mécaniques quand on fait une pause par rapport à une habitude de consommation, comme celle du Défi de janvier sans alcool.
Evidemment, si l’on fait plus de sport pour compenser les envies d’un apéro entre amis, c’est très bénéfique. Sinon, il existe des astuces pour déjouer les éventuelles tentations et nous les avons regroupées, notamment dans une éphéméride, à l’occasion du défi de janvier, sur la page Twitter d’@aletcoline.

66 Millions d’Impatients : Pourquoi a-t-on parfois des envies de consommer du sucre quand on arrête l’alcool ?

Dr Basset : L’envie de sucre peut effectivement se faire ressentir durant ce défi de janvier sans alcool. On ne peut pas dire, dans ce cas, qu’il s’agit du déplacement d’une addiction vers une autre. Cela est plutôt dû au fait que l’alcool contient naturellement du sucre. Ainsi, les personnes qui arrêtent de boire de l’alcool et ont davantage d’envies de sucre que d’habitude rattrapent en réalité la quantité de sucre non absorbée pendant un tel défi sans alcool. Il n’y a pas de raison de s’inquiéter mais c’est important d’en avoir conscience et de faire attention à limiter peu à peu la consommation de sucre si ces envies persistent car bien entendu, le sucre, et notamment les sucres ajoutés, ne sont pas bons pour la santé.

66 Millions d’Impatients : Peut-on être tenté de fumer davantage de tabac pendant le Défi de janvier sans alcool ?

Dr Basset : Effectivement cela peut arriver et le sujet du tabac est d’ailleurs un sujet en soi par rapport à l’alcool, car contrairement à l’alcool, la grande majorité des gens qui fument sont dépendants au tabac. Faire une pause de tabac est finalement bien plus difficile que faire une pause d’alcool. En outre, l’addiction au tabac est non seulement forte, mais assez rapide. Ainsi, il faut être vigilant car augmenter sa consommation de tabac quand on arrête l’alcool peut entrainer de nouvelles habitudes dont il peut être difficile de se défaire par la suite. C’est peut-être aussi le moment d’utiliser des moyens d’aide à l’arrêt du tabac comme les supplémentations en nicotine par les patchs et les gommes, et, pourquoi pas, essayer la cigarette électronique à la place du tabac, pour ceux qui ont besoin du geste lié à la cigarette ?

66 Millions d’Impatients : Y’a-t-il un risque de consommer une drogue illicite pour remplacer les effets recherchés par l’alcool ?

Dr Basset : Dans la mesure où les personnes qui se lancent dans le Défi de janvier le font pour prendre soin de leur santé, il y a évidemment très peu de chances qu’une personne qui fait une pause dans sa consommation d’alcool et ne consomme pas d’ordinaire de drogue illicite, se mette tout à coup à en prendre. En revanche, un consommateur de cocaïne ou de cannabis qui arrêterait l’alcool pourrait être tenté d’augmenter un peu la fréquence ou les quantités prises habituellement. Mais là encore, si la personne fait le Défi de janvier, c’est en partie pour évaluer si elle a une éventuelle dépendance à l’alcool. Elle sera donc a priori également attentive à l’augmentation de sa consommation d’autres drogues. Finalement, si en arrêtant l’alcool, on compense par l’augmentation de consommation d’autres drogues, c’est sans doute le signe d’un manque de contrôle sur l’alcool et les drogues illicites, et il est utile d’en parler à un professionnel de santé.

66 Millions d’Impatients : Est-il possible que les personnes qui tentent le Défi de janvier se sentent nerveuses, aient des troubles du sommeil et prennent des anxiolytiques ou des somnifères ?

Dr Basset : En principe, si l’on ne souffre pas d’une dépendance par rapport à l’alcool, en faisant le défi de janvier, on se sentira naturellement moins anxieux, et on aura un meilleur sommeil. Cela fait partie des bénéfices connus sur la santé d’une pause dans sa consommation d’alcool et cela peut plutôt aider à baisser ses doses de médicaments si l’on en prend, après en avoir parlé avec son médecin prescripteur si l’on est sous traitement. Ainsi, comme pour les drogues, si l’on ressent finalement de la nervosité ou des troubles du sommeil à l’arrêt de l’alcool, et que l’on est tenté de prendre des calmants, il s’agit peut-être des symptômes de manque et de difficultés à se sevrer. Ce serait alors le signe que l’on a sûrement déjà perdu le contrôle par rapport à l’alcool et que l’on souffre d’une situation de dépendance qui mérite une prise en charge par des professionnels de santé.
Il faut tout de même savoir faire la part des choses. Il se peut que la nervosité soit aussi causée par une situation professionnelle ou personnelle stressante et non pas par l’arrêt de l’alcool.

66 Millions d’Impatients : Si l’on ne parvient pas à tenir le Défi de janvier sans alcool ou que l’on compense avec d’autres drogues, comment réagir ?

Dr Basset : Il faut bien comprendre que les personnes qui se lancent dans un tel défi mais sont en réalité dépendantes à l’alcool, parviendront rarement à tenir plus de quelques jours et seront effectivement éventuellement tentées par des stratégies de remplacement. Cela dit, même si l’on a pris conscience de ces difficultés, un certain déni peut persister. On se dit que l’on n’a pas besoin de l’aide de professionnels de santé, que l’on peut s’en sortir seul. L’idée que l’on peut s’en sortir seul est le raisonnement de la plupart des gens qui sont dépendants. Ils se disent qu’ils pourraient arrêter s’ils le voulaient mais qu’ils n’en ont tout simplement pas envie. Le fait de ne pas parvenir à faire une pause comme celle du Défi de janvier sans alcool, alors même qu’on avait décidé de le faire, est un signe d’alerte qui doit inciter à consulter. Il peut suffire d’aller voir son médecin généraliste, dans un premier temps, de lui dire que l’on a été confronté à des difficultés à arrêter de boire et de lui demander des conseils pour essayer de faire des pauses de plus en plus longues.

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