Covid-19 et troubles psychiatriques : la situation au GHU Paris après la fin du confinement

Avec une file active de 60 000 patients, le Groupe Hospitalier Universitaire Paris psychiatrie & neurosciences (GHU Paris), né du rapprochement des hôpitaux Maison Blanche, Perray-Vaucluse et Sainte-Anne s’occupe d’un Parisien sur 40. C’est donc auprès du Docteur Catherine Boiteux, psychiatre, Chef de Pôle du secteur Ménilmontant et vice-présidente adjointe de la commission médicale d’établissement du GHU Paris, que nous sommes allés nous enquérir de la santé mentale des Parisiens suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19. 

Selon le docteur Boiteux, trois phases se sont succédées depuis le début du confinement. Si la situation était calme au début, le GHU a retrouvé une activité très dense depuis la levée du confinement.

Pour la plupart, et en dehors des cas suivis avant l’épidémie, les patients souffrent de troubles anxieux, de troubles du sommeil, d’addictions. Il s’agit souvent de nouveaux patients, sans antécédents psychiatriques, avec étonnamment une assez grande proportion de jeunes adultes. Pour beaucoup ce seront probablement des troubles passagers peu sévères, mais certains patients ont particulièrement mal vécu cette crise sanitaire sans précédent et ont fait de graves décompensations psychiatriques, au point de devoir être hospitalisés.

Pour certains collègues du docteur Boiteux, ces nouveaux patients représentent la « deuxième vague » des malades indirectement atteints par la Covid-19. Pour elle, il s’agit plus vraisemblablement d’une lame de fond qui pourrait perdurer jusqu’en 2021.

« Cette situation incroyable, nous montre à quel point il est important de ne pas stigmatiser les personnes qui souffrent de troubles psychiatriques. Cette crise sanitaire prouve que cela n’arrive pas qu’aux autres, que l’on peut tous traverser un moment de fragilité, voire de détresse psychique douloureuse. », souligne le docteur Boiteux.

Une première partie du confinement paradoxalement assez calme pour les psychiatres

Selon le docteur Boiteux, durant la première partie du confinement, les prises en charge en psychiatrie ont été assez calmes. D’abord parce que, comme le reste de la population, les usagers de la psychiatrie ont suivi les recommandations nationales qui priorisaient les situations d’urgence. Cette baisse de fréquentation s’est observée de la même manière pour les maladies « somatiques », c’est-à-dire relevant de la médecine générale. Cela pourrait aussi s’expliquer en partie par le fait que les personnes souffrant de troubles psychiatriques, ou les enfants avec des troubles ou phobies sociales ou scolaires, ont finalement apprécié de se retrouver dans leur cocon et ont bien vécu le confinement. C’est d’ailleurs un aspect que nous avions abordé dans notre article sur Les malades psychiques et leurs proches face au COVID et dans celui sur TDAH – Ecole à la maison et retour à l’école. Cependant, le problème est que certains malades ont suspendu leur traitement du fait qu’ils se sentaient mieux et ils ont fait par la suite des rechutes.
Cette période de calme dans la première partie du confinement pourrait également avoir une explication sur le plan neurobiologique. En effet, le stress, que nous avons tous plus ou moins ressenti du fait du confinement soudain et de la peur d’être contaminé, entraine la libération de certains neuromédiateurs comme l’adrénaline. Ce type de neuromédiateurs permet d’assurer notre survie, notamment en nous stimulant face à un danger devant lequel nous agissons ou nous fuyons rapidement. Ainsi, ces neuromédiateurs nous empêchent-ils, par exemple, de sombrer dans la dépression. En cela le stress, dans sa phase aiguë, « fige » en quelque sorte l’apparition de certains troubles psychiatriques.

Les troubles psychiatriques des patients déjà suivis ont ressurgi durant la seconde moitié du confinement

Au cours de la seconde moitié du confinement, les équipes du GHU Paris ont commencé à revoir des patients déjà sujets en psychiatrie, qui avaient interrompu leur traitement par manque de vigilance ou parce qu’ils se sentaient mieux. Certains également souffraient de la promiscuité, puisqu’à Paris, les appartements ne sont pas très grands et il est parfois difficile de faire abstraction de ses voisins. Le GHU Paris a aussi vu revenir quelques patients déjà suivis qui vivent en maisons d’accueil spécialisées, en foyers d’accueil médicalisés, ou en EHPAD. Ces derniers supportaient très mal le confinement et les mesures sanitaires strictes.

Une recrudescence des troubles psychiatriques au moment du déconfinement chez des personnes sans antécédents

Au moment du déconfinement, en plus des prises en charge des patients déjà suivis au GHU Paris, les équipes soignantes ont vu arriver des patients qui n’avaient aucun antécédent psychiatrique et qui ont pourtant fait des décompensations en traversant cette situation de crise sanitaire exceptionnelle. Ces patients, souvent par peur d’être contaminés, n’avaient pas osé se rendre plus tôt chez un médecin ou à l’hôpital.
Si ces nouveaux patients qui consultent ou qui ont été hospitalisés depuis la fin du confinement, n’ont pas d’antécédents sur le plan psychiatrique, ils pouvaient, en réalité, avoir un terrain fragile. L’angoisse générée par la crise sanitaire a entrainé chez eux un premier épisode de troubles psychiques. Cela peut préfigurer l’apparition d’une pathologie chronique, comme une schizophrénie ou un trouble bipolaire mais seul le temps pourra permettre d’évaluer s’il s’agit d’un épisode isolé ou d’une maladie chronique qui débute.
Le docteur Boiteux explique que d’autres patients, sans antécédent ni forcément de prédisposition à des troubles psychiques, se présentent aujourd’hui au GHU Paris, tout simplement parce qu’ils ont très mal vécu cette période et ont notamment associé l’épidémie à une profonde angoisse face à la mort. Ces patients ont peur et des difficultés à ressortir de chez eux et reprendre le cours de leur vie.
Enfin, un troisième type de patients se présente depuis la fin du confinement. Ils ont développé ou augmenté des addictions à l’alcool ou aux drogues et ont besoin de soutien pour se soigner.

De jeunes patients, a priori sans facteur de risques de troubles psychiatriques, se présentent au GHU Paris depuis la fin du confinement

Le docteur Boiteux souligne que le GHU Paris ne s’attendait pas à recevoir autant de cas de jeunes adultes. Ils sont relativement nombreux, entre 20 et 30 ans, à présenter des symptômes de grande confusion, de bouffées délirantes parfois sévères, de dépression et d’anxiété. Le docteur Boiteux précise qu’il s’agit, pour la plupart, de jeunes gens a priori sans facteur de risque, bien insérés dans l’emploi et avec un cadre social et familial stable. D’après les premières observations, il apparaît que ces jeunes patients ont été très perturbés par le fait d’être brutalement coupés du monde, de leur monde, de leur vie sociale et professionnelle. Ce déséquilibre a été un facteur de stress sévère, au point que certains ont dû être hospitalisés.

Consulter rapidement si l’on sent une anxiété qui persiste

Plus tôt on consulte quand les troubles psychiques apparaissent et moins l’on n’aura besoin d’un traitement médicamenteux parfois mal tolérés. Consulter pour un trouble anxieux post-confinement ne veut pas dire que l’on entre dans un circuit psychiatrique lourd pendant des mois ou des années. Quelques séances de psychothérapie peuvent suffire à apaiser les patients et surtout à éviter que les symptômes ne s’aggravent ou ne se chronicisent. Pour réagir rapidement, il ne faut pas hésiter à appeler les plateformes de soutien téléphonique pour être éventuellement réorienté vers les professionnels de santé adaptés selon son cas ou à contacter directement les centres médico-psychologiques (CMP) près de chez soi.

Plateforme Psy Ile-de-France
13h-21h numéro vert gratuit, confidentiel : 01 4800 4800

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