En Aquitaine, à l’Institut d’Éducation Motrice de Talence, l’APF France Handicap a créé le Centre Ressource Aquitain vie intime, affective, sexuelle et handicap.
La vie intime, affective, sexuelle et le handicap sont des sujets qui touchent au bien-être et à la dignité des personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse de handicap moteur, sensoriel ou psychique. Il est éminemment tabou en France, au point que les adolescents et les adultes handicapés, mais aussi leurs familles et les professionnels qui les accompagnent, peuvent se retrouver dans de véritables impasses pour aborder ces sujets, d’autant que ces questions ont parfois des implications éthiques et juridiques.
Pourquoi créer un tel centre ?
L’origine du projet est née du fait que les jeunes en situation de handicap, âgée de 15 à 25 ans, accueillis sein de l’Institut d’Éducation Motrice (IEM) de Talence, sollicitaient déjà l’équipe de l’Institut sur les questions concernant leur vie intime, affective, sexuelle et le handicap. Interpellé, l’IEM a interrogé les professionnels médico-sociaux du secteur du handicap et s’est aperçu que les réponses apportées aux usagers étaient individuelles et finalement jamais vraiment réfléchies collectivement. « Alors que nous nous rendions compte qu’il n’y avait pas de relais spécifiques sur ces questions, à part à un niveau associatif national de l’APF France Handicap, sur les enjeux juridiques, l’IEM a décidé de répondre à un appel à projet de l’Agence Régionale de Santé, justement pour créer un véritable Centre Ressource, au sein de l’IEM et ouvert à tous, sur les enjeux de vie intime, affective, sexuelle et le handicap. », explique Julie Merveilleau, chargée de mission au Centre Ressource Aquitain et ajointe de direction à l’IEM de Talence. Le projet voit alors le jour pour une expérimentation de 3 ans en 2015.
L’organisation du Centre Ressource Aquitain
Le Centre Ressource Aquitain vie intime, affective, sexuelle et handicap a vocation à répondre aux professionnels et usagers de tous âges, vivant à domicile ou en institution, pour tous types de situations de handicap. En effet, non seulement les professionnels médico-sociaux ne sont pas formés à ces questions, mais ils y sont à peine sensibilisés.
Le Centre s’organise autour d’une permanence téléphonique et d’un espace de ressources documentaires. Il propose des consultations, des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle, des groupes de parole, une analyse de pratiques professionnelles, de la formation et du soutien aux familles, des colloques, des conférences, un annuaire des ressources sur le territoire, des audits en structure et de l’appui-conseil, de formation professionnelle, etc.
L’équipe du Centre Ressource, qui s’occupe en réalité également de l’IEM de Talence, fonctionne beaucoup grâce à l’engagement de ses équipes. Il serait très bienvenu et tout à fait pertinent désormais d’accorder beaucoup plus de moyens au Centre Ressource Aquitain et de les pérenniser. Le Centre fonctionne actuellement avec un budget d’à peine 40 000€ par an. « Nous portons le projet à bout de bras depuis 5 ans, avec des moyens très réduits, alors que les demandes affluent et progressent et qu’un véritable besoin a été identifié. Les questions des besoins, des désirs et des droits des personnes en situation de handicap concernant leur vie affective et sexuelle n’est pas secondaire. », commente Patrick Sallette, à la fois directeur du Pole Enfance jeunesse 33 (dont l’IEM de Talence) et du Centre Ressource Aquitain.
Un vrai défaut d’éducation sur les questions de vie intime, affective, sexuelle et handicap
Le sujet du corps, de façon générale, est souvent tabou chez les personnes en situation de handicap et leur famille. Les soignants, les éducateurs, l’entourage évitent d’en parler également. « Dans un tel contexte, on aborde encore moins la question du désir, qui peut exploser au moment de l’adolescence et face à laquelle les familles sont souvent démunies. Les jeunes peuvent s’exprimer via des comportements inadaptés, voire agressifs. Il y a vraiment un « impensé » autour de la sexualité et du handicap. », précise Julie Merveilleau.
Il était d’autant plus important d’entamer une réflexion collective que, parler de sujets en lien avec la vie sexuelle et le handicap, peut soulever des questions légales. Un cadre bien défini est indispensable pour permettre aux professionnels du secteur de répondre plus facilement aux questions des adolescents mineurs et des publics adultes en situation de handicap, quand il s’agit de prostitution, d’assistance sexuelle ou de la simple diffusion d’un film pornographique à un usager qui a besoin de l’aide de quelqu’un pour en visionner. Cela dit, selon Julie Merveilleau, ces questions sexuelles très médiatisées ne reflètent pas la majorité des demandes des usagers. Leurs questions sont souvent bien plus simples et relèvent par exemple d’interrogations d’ordre affectif sur ce qu’est la différence entre l’amour et l’amitié, ou comment faire des rencontres par exemple.
Julie Merveilleau constate que bien que le tabou soit tenace, les lignes bougent quand même depuis ces 5 dernières années, mais qu’en dehors de groupes de parole, des séances de sensibilisation et des consultations, il est difficile d’aller vraiment plus loin et d’aider davantage les usagers.
Le Centre Ressource vie intime, affective, sexuelle et handicap est désormais bien identifié par les professionnels et de plus en plus par les usagers
L’information sur l’existence du Centre Ressource Aquitain circule bien désormais dans les établissements accueillant du public en situation de handicap et entre les professionnels médico-sociaux qui en parlent ensuite aux usagers et à leur famille. En outre, le Centre Ressource organise un colloque tous les deux ans qui attire de plus en plus d’usagers. En 2019, il a rassemblé plus de 450 personnes. Le site internet de l’IEM et la page Facebook du centre sont également de bons relais de communication. Les usagers posent souvent des questions via la messagerie de Facebook. Julie Merveilleau constate qu’ils semblent se sentir plus à l’aise via ce canal de communication que par téléphone, lors de consultations ou de groupes de parole.
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