Anticorps, mémoire immunologique et Covid-19

On entend beaucoup parler des fameux anticorps et d’immunité en général depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Connaissez-vous les mécanismes qui régissent notre système immunitaire ? Ils sont bien entendu très complexes mais avec l’aide du Pr Sophie Candon, immunologiste au CHU de Rouen, nous avons tenté d’y voir un peu plus clair…

66 Millions d’Impatients : Comment fonctionnent les anticorps dans l’organisme ?

Pr Sophie Candon : Les cellules qui fabriquent les anticorps sont les lymphocytes B. Ces derniers, quand ils reconnaissent un agent pathogène, vont s’activer et produire des anticorps spécifiquement adaptés pour se protéger contre cet agent pathogène. Ainsi, plus on rencontre d’agents pathogènes au cours de sa vie, et plus on produit de types d’anticorps différents. À l’adolescence, nous avons tous plus ou moins le même taux d’anticorps et avec l’âge, leur diversité augmente en fonction de l’histoire infectieuse de la personne.
Parmi les anticorps, il y a ceux que l’on appelle les « neutralisants » (NDLR : voir cette étude de l’Institut Pasteur que nous avions citée dans notre article sur les tests sérologiques au Covid-19) qui ont la faculté d’empêcher le virus d’entrer dans les cellules de l’organisme pour les infecter. Pour l’instant, dans le cas de la Covid-19, on ne sait pas vraiment encore pourquoi telle ou telle personne développe, ou non, des anticorps neutralisants, ni dans quelle mesure ils sont plus ou moins protecteurs face à la maladie.

Les anticorps spécifiquement produits pour répondre à un type d’agent pathogène particulier peuvent-il disparaître de notre organisme, comme on le dit concernant les anticorps de la Covid-19 ?

Effectivement, les anticorps peuvent disparaître. Cela dépend du type d’agent infectieux. Pour certains d’entre eux, des anticorps continueront d’être secrétés pendant des dizaines d’années, même à des taux très faibles. C’est le cas, par exemple, des anticorps formés après vaccination pour la variole. En revanche, pour les coronavirus, d’après ce que l’on a pu observer dans le cas des premiers SARS-Cov et MERS-Cov, les anticorps ne circuleraient plus dans l’organisme des gens infectés après 2 ans. Les chercheurs supposent que ce serait la même chose pour la Covid-19 mais c’est en cours d’observation.

Si on a déjà été infecté par un virus et que les anticorps produits en réponse à ce virus ont disparu, est-on encore immunisé ?

Probablement, on peut être « immunisé » sans anticorps mais pas forcément aussi bien armé pour se défendre contre une maladie déjà rencontrée au cours de son existence. En effet, lors d’une infection virale, plusieurs types de cellules immunitaires sont capables de reconnaitre l’agent pathogène afin de l’éliminer : les lymphocytes B, qui produisent les anticorps, mais aussi les lymphocytes T dont le rôle est de tuer les cellules infectées par le virus avant que ce dernier ne se réplique. En outre, pour produire de bons anticorps, un lymphocyte B doit « coopérer » avec un lymphocyte T spécifique du virus à combattre. Une fois l’infection guérie, persiste une mémoire immunologique portée par certains lymphocytes B et T qui ont rencontré le pathogène. Ces lymphocytes T et B « mémoire » sont capables de réagir très rapidement et efficacement en cas de nouvelle infection avec le même virus. C’est ce que l’on appelle en immunologie, la réponse secondaire, à distinguer de la réponse primaire qui correspond à celle liée à une première infection. Ainsi, même si les anticorps spécifiques du virus disparaissent avec le temps, ces cellules « mémoire » confèrent probablement une certaine protection vis-à-vis de l’infection.
Pour la Covid-19, on étudie actuellement les lymphocytes T et B qui persistent après la résolution de l’infection. La question est de savoir dans quelle mesure ces cellules nous protègent dans le cas d’une réinfection. Là encore, comme pour les anticorps, on ne sait pas combien de temps les lymphocytes B ou T qui signent la Covid-19, sont détectables dans l’organisme. A priori, ils perdureraient beaucoup plus longtemps que les anticorps. On suppose que s’il y a une mémoire immunitaire via les lymphocytes B, le ré-enclenchement de la production d’anticorps pourrait être beaucoup plus rapide et efficace et que la maladie, si elle se développe à nouveau, serait moins virulente chez les personnes déjà infectées une première fois. La mémoire immunologique dépend également des lymphocytes T. D’autres études cherchent donc à étudier ces lymphocytes T « mémoire » qui sont plus facilement détectables que les lymphocytes B « mémoire ». Ainsi, même sans trouver d’anticorps dans un organisme, on pourrait cependant savoir si une personne a été, ou pas, infectée par un virus, en cherchant des lymphocytes T qui signeraient une réponse immunitaire à ce virus particulier.

Petit résumé sur la mémoire immunologique dans le cas de la Covid-19

Dans tous les cas, si on a déjà été infecté par la Covid-19, on espère qu’en cas de réinfection, les anticorps neutralisants et le développement d’une réponse immunitaire secondaire plus rapide protègeront de la maladie, ou au moins de ses formes sévères. Les études en cours et futures permettront de préciser si l’immunité développée vis-à-vis de la Covid-19 est protectrice, au moins partiellement, ou non.

 

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