Avec la crise sanitaire liée au COVID-19, les étudiants mais aussi beaucoup de lycéens, collégiens et même certains écoliers ne retourneront pas en classe avant septembre. Le sommeil des jeunes français risque donc d’être très perturbé, surtout ceux des adolescents, qui ont naturellement tendance à se décaler.
Peut-on prévenir ce risque de déphasage du sommeil des jeunes ? C’est un sujet que nous abordons ici avec les réponses du docteur Sylvie Royant-Parola, psychiatre et spécialiste du sommeil.
Elle recommande de ne pas laisser les jeunes décaler trop fortement leur sommeil et prendre l’habitude de se lever après 10h. Faute de quoi, le sommeil des jeunes risque d’être difficile à réguler à la rentrée en septembre.
66 Millions d’impatients : POURQUOI LE SOMMEIL DES JEUNES, SURTOUT DES ADOLESCENTS, SE DÉRÈGLE-T-IL FACILEMENT ?
Dr Royant-Parola : À l’adolescence, l’horloge biologique est modifiée. Cela est dû, en partie, au fait qu’à cette période de la vie, la sensibilité des cellules de la rétine à la lumière est exacerbée. D’ordinaire, la sécrétion de mélatonine, une hormone qui favorise l’endormissement, est bloquée lorsque l’on est exposé à la lumière. Sa production reprend quand il y a de l’obscurité. Chez les adolescents qui sont donc plus sensibles à la lumière, le blocage de la mélatonine va être plus marqué. Le sommeil aura tendance à se faire sentir plus tardivement et il leur sera donc plus difficile de se lever tôt.
En outre, à l’adolescence, l’horloge interne change de rythme et est un peu supérieure à 24 heures. Chez les personnes plus âgées par exemple, elle sera plus courte.
Si l’adolescent commence à décaler ses horaires de lever, de mauvaises habitudes de sommeil peuvent se mettre en place très vite, et si elles s’installent, elles seront difficiles à rattraper en septembre.
COMMENT ÉVITER CE DÉCALAGE DU SOMMEIL DES ADOLESCENTS ?
Il est important que les adolescents ne se lèvent pas après 10h et à des heures les plus régulières possibles. Cela permet d’être exposé à la lumière (du jour si possible) dès le début de la journée et de donner de bonnes informations à son horloge biologique.
Pour cette raison, l’idéal est de pratiquer une activité physique, si possible en plein air, essentiellement le matin.
Le week-end, une grasse matinée ne devrait pas excéder plus de deux heures de décalage par rapport au lever habituel en semaine.
LA LUMIÈRE DES ÉCRANS EST-ELLE AUSSI ACTIVE SUR LA SÉCRÉTION DE MÉLATONINE QUE LA LUMIÈRE NATURELLE ?
Toute source de lumière le soir, et notamment celle très puissante de la lumière bleue émise par les écrans d’ordinateurs, de téléphones et de tablettes, va retarder la sécrétion de mélatonine et donc l’endormissement. Chez les adolescents et leur sensibilité accrue à la lumière, l’exposition aux écrans le soir est particulièrement néfaste sur leur sommeil.
Les écrans de télévision n’émettent pas cette lumière bleue et ne sont peut-être pas aussi problématiques. Cependant, les téléviseurs de nouvelles générations semblent émettre une luminosité puissante.
Il y a un autre aspect qui joue sur l’activation des cellules de la rétine sensibles à la luminosité, c’est le contraste entre la lumière générale dans la pièce et l’usage d’un écran. Il vaut mieux regarder un écran dans une pièce éclairée que dans une pièce obscure. L’usage de son portable dans son lit, lumière éteinte, avant de se coucher, est donc à éviter.
COMMENT RÉGULER LES JOURNÉES ET LE SOMMEIL DES JEUNES QUI NE REPRENDRONT PAS LES COURS AVANT SEPTEMBRE ?
Ne pas aller en cours ne veut pas dire être en vacances. Pour ceux qui vivent en famille, il est important de mettre en place des rituels de vie, tous ensemble. Le petit-déjeuner ou un moment sportif en famille peut être un rendez-vous idéal et qui oblige les jeunes à se lever.
Mon conseil est de discuter avec ses enfants d’activités plaisantes à planifier le matin, qu’elles soient scolaires, sportives, culturelles ou récréatives. Cela motivera les jeunes à garder un lever matinal régulier.
Dans l’ensemble, si on explique aux jeunes pourquoi on leur demande de ne pas se coucher, ni se lever trop tard, la plupart enregistrent l’information et l’appliqueront un jour, même si ce n’est pas immédiat et que les parents ont l’impression de parler dans le vide.
COMMENT EXPLIQUER AUX JEUNES QUE LA QUALITÉ ET LA RÉGULARITÉ DE LEUR SOMMEIL ONT UN IMPACT SUR LEUR SANTÉ ?
Le sommeil est le premier facteur qui permet d’être en bonne santé. Un bon sommeil est un sommeil qui s’organise à des heures régulières et avec une durée suffisante. Il a un rôle régénérateur de nos cellules, de nos réserves énergétiques, il répare notre organisme et a un rôle actif sur nos capacités d’apprentissage. Un bon sommeil permet au cœur de se reposer, agit avec efficacité sur la redistribution calorique et sur l’élimination des déchets de l’organisme. Il a aussi un impact sur notre bonne immunité.
A contrario, un sommeil perturbé peut avoir un impact négatif sur toutes les fonctions citées. En dehors de la fatigue qui est une conséquence immédiate, un sommeil troublé va impacter les performances scolaires, et physiques, pour ceux qui sont sportifs. Cela peut entrainer des accidents, comme en scooter chez les jeunes. Plus tard, un sommeil insuffisant ou mal régulé pourra entrainer des problèmes cardiaques, du surpoids ou de l’obésité, du diabète, etc.
QUEL EST L’IMPACT DU CANNABIS OU DE L’ALCOOL SUR LE SOMMEIL DES JEUNES ?
Dans les deux cas, ce sont de faux-amis du sommeil. Le cannabis a un effet anxiolytique et peut permettre un sommeil plus serein mais il diminue dans le même temps la sécrétion de mélatonine et retarde donc l’endormissement et l’heure du lever le lendemain.
Quant à l’alcool, c’est plutôt l’effet inverse. Il aide à l’endormissement mais la qualité du sommeil sera mauvaise et les effets résiduels le lendemain entraineront de la fatigue et une baisse des performances.
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Crédit photo : Kinga Cichewicz
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