Déconfinement et angoisses

Déconfinement : j’ai peur de sortir

Alors que l’heure est au déconfinement, au retour à une vie sociale et au travail en chair et en os, à la reprise des transports en commun, certains ont peur de sortir de chez eux. Loin de leur domicile sécurisé et sécurisant, ils peuvent avoir le sentiment de perdre le contrôle, d’être en danger face à cette maladie, au point parfois de multiplier les précautions avec excès, voire de rester encore très (trop ?) enfermés.

Comment s’adapter et comment repérer les signes d’une angoisse naissante, voire envahissante, face au déconfinement et au fait de reprendre nos vies d’avant ? C’est ce que nous avons demandé au docteur Mady Denantes, médecin généraliste à Paris, et à Chantal Danoun, psychologue clinicienne.

Des appréhensions à sortir du confinement chez certaines personnes

Chantal Danoun, psychologue à Paris, a animé un groupe de patientes quelques jours après le déconfinement et a constaté que parmi elles, plusieurs avaient apprécié être confinées. Elles se sont habituées à leur « cocon » et n’éprouvent même plus le besoin de sortir alors même que le confinement est levé. Selon Chantal Danoun, il n’y avait pas d’inquiétude particulière dans le discours de ses patientes mais elle a senti qu’un vrai travail serait peut-être nécessaire pour certaines d’entre elles, afin de les aider à renouer avec une vie sociale, du plaisir, de l’envie de sortir à nouveau et d’avoir des activités en dehors de ce « cocon ».

Le docteur Denantes a également noté ces derniers jours que certains patients ont véritablement peur de sortir de chez eux. Elle reconnaît, dans la mesure où les consignes ont changé, et changent encore d’un jour sur l’autre, avoir du mal à rassurer ses patients sur les bonnes habitudes à adopter pour sortir de leur confinement et éviter au maximum d’être contaminé ou de contaminer leur entourage. Ainsi se raccroche-t-elle au peu de certitudes acquises par rapport à cette maladie.

Les règles qui font consensus

Le Docteur Denantes rappelle ainsi que non seulement on peut désormais sortir de chez soi, mais qu’il est même recommandé de sortir ! C’est bon pour la santé de tous, petits et grands, à condition de rester plus prudent si l’on est « à risques » face au Covid-19.

Pour limiter les risques de contamination, il y a des consignes sur lesquelles on peut et on doit s’appuyer :

  • Se laver les mains, avec de l’eau et du savon ou du gel hydroalcoolique si l’on n’y a pas accès :
    • Quand on arrive quelque part
    • Avant de cuisiner
    • Avant et après les repas
    • Après être passé aux toilettes
    • Occasionnellement dans certaines situations à « risques », comme lorsqu’on entre ou que l’on sort d’un supermarché par exemple
  • Garder une distance d’un bon mètre avec les personnes qui nous entourent
  • Porter tous un masque dans les transports en commun
  • Si deux personnes doivent se rapprocher, comme pour une consultation médicale par exemple, chacune doit porter un masque
  • Si possible, restreindre encore un peu le nombre de proches que l’on voit et élargir le cercle petit à petit

Quand la peur du déconfinement tourne à l’obsession par rapport aux gestes barrières

Chantal Danoun explique que la frontière entre la prudence et l’angoisse est parfois ténue et que lorsque l’on bascule dans l’obsession, cela peut conduire à des comportements de surprotection inadaptés. Elle prend conscience que certains de ses patients ont besoin d’aide pour apporter de la rationalité dans ce qu’ils éprouvent, sans jamais pour autant contester leur ressenti, ni nier que leur appréhension face à la maladie est légitime. Le rappel des consignes de base est un cadre rassurant. Cependant, il est important, dans la mesure où l’on n’a pas d’activités en contact avec du public notamment, d’appliquer ses consignes avec mesure. Se laver les mains toutes les heures quand on est chez soi est excessif. Ne jamais réussir à sortir, pour une simple promenade dans la rue, sans gants, ni masque doublé d’une visière, montre là aussi qu’une véritable angoisse et donc une forme de souffrance psychique sont bel et bien présentes.

À propos des gants, le docteur Denantes ajoute qu’il n’y a pas de risque que le virus passe à travers la peau et que les gants ne sont utiles qu’en usage unique, à condition de ne pas se toucher le visage et de les jeter juste après avoir été exposé à une situation à risque. Mettre et remettre des gants, que l’on garde toute la journée dans ses poches ou dans son sac, ne fait que déplacer le virus avec soi, si l’on y a été exposé.

Le cas des enfants

Le docteur Denantes explique que les enfants sont finalement peu touchés par le Covid-19 et très rarement affectés par des formes graves. Elle prend beaucoup de temps pour rassurer les parents et faire passer le message qu’ils ne sont pas en danger. Les enfants seraient même assez peu vecteurs de la maladie. Cela n’empêche pas qu’ils doivent se laver les mains souvent car ils peuvent, comme tout le monde, transporter le virus sur leurs mains s’ils ont touché une surface infectée. Chantal Danoun rappelle d’ailleurs que les enfants peuvent tout à fait comprendre et appliquer les consignes pour les gestes barrières. Il ne faut pas hésiter à leur expliquer concrètement la situation. Elle ajoute cependant qu’au sein d’une famille, si les parents sont angoissés, les enfants risquent de l’être également. Cela pourrait empêcher le retour à l’école, qui de l’avis de tous les spécialistes de santé et éducateurs du secteur de l’enfance, est bénéfique pour leur bien-être. Il faut être attentif à ce que les enfants ne croient pas que l’autre est un danger. De même que l’on apprend aux enfants à traverser la route, on doit leur apprendre à vivre avec cette part de risque lié à la Covid-19, mais à vivre malgré tout.

Il faut, selon la psychologue, pour les parents, comme pour les enfants, un temps d’adaptation pour bien vivre le déconfinement et le retour à l’école. Ce temps sera différent selon les familles. En revanche, si un enfant présente une angoisse soutenue à retourner à l’école, peut-être faut-il se demander s’il n’y a pas une raison sous-jacente, comme un cas de harcèlement à l’école par exemple.

Revoir ses proches les plus fragiles face au Covid-19

Pour le docteur Denantes, cette question est sans doute la plus délicate en période de déconfinement. Les personnes âgées ou présentant une situation de santé à risque (diabète, maladies cardiaques, obésité, 3ème trimestre de grossesse, traitement immunosuppresseurs, etc), doivent pouvoir sortir également. Il était même déjà important de sortir régulièrement pendant le confinement car, chez les personnes âgées et malades, le risque de perdre en mobilité est sévère.

Pour les réunions de famille, le docteur Denantes précise que les situations sont différentes selon que les grands-parents ont 60 ans ou 90 ans, puisque plus on est âgé et plus les risques de succomber à des symptômes graves sont importantes. Dans l’ensemble, les petits-enfants peuvent commencer à revoir leurs grands-parents mais il est pertinent d’attendre encore au moins une ou deux semaines avant d’envisager les contacts physiques, afin d’évaluer l’évolution de l’épidémie. Le mieux est, si possible, de se retrouver dans un jardin ou lors d’une promenade en plein air pour éviter d’être dans un endroit clos. Evidemment, le lavage des mains est d’autant plus important si l’on est en présence de personnes très âgés ou malades et pourquoi pas également le port du masque pour les protéger, dès que les enfants sont en âge de le mettre. Chantal Danoun ajoute qu’il est important de bien expliquer aux enfants que ce n’est pas eux qui « apportent la mort » car les informations véhiculées au début de l’épidémie mettaient beaucoup les enfants en cause dans la propagation du virus. La psychologue précise également que, bien que le masque serve surtout à protéger les autres, les enfants peuvent le voir comme une protection individuelle. Il vaut mieux alors prendre le temps d’expliquer aux plus petits que la raison pour laquelle on ne leur donne pas de masque est qu’ils sont moins à risques et non pas parce que leur vie est moins importante. Enfin, si les tout-petits veulent porter un masque comme les plus grands, il ne faut pas le leur refuser.

Quand on identifie que l’on est angoissé face au déconfinement, que peut-on faire ?

Le fait de parler à ses proches de ses angoisses éventuelles liées au déconfinement peut déjà aider. Cependant, si les proches sont eux-mêmes angoissés, ou si l’on se sent en souffrance malgré tout, il ne faut pas hésiter à s’adresser à son médecin traitant qui peut prendre en charge un patient angoissé et le réorienter si besoin, vers un confrère psychiatre, psychologue ou psychothérapeute. Le pharmacien aussi est un bon référent à qui parler et il saura orienter les patients, le cas échéant.

De nombreuses plateformes d’écoute existent et peuvent également être très utiles. Certaines se sont créées spécifiquement durant la crise sanitaire liée au Covid-19 (consulter notre liste).

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