Alcool : le point sur ma consommation après 2 mois de confinement

Avec l’engouement des Français pour les visio-apéros, le stress engendré par la crise sanitaire et économique, cette situation si particulière de confinement, on pourrait s’attendre à ce que les Français consomment davantage d’alcool. Des études sont d’ailleurs en cours pour l’évaluer. Pourtant, en moyenne, depuis le début du confinement en France, les ventes d’alcool en magasins sont stables par rapport à d’habitude, ce qui pourrait laisser supposer que la consommation générale a même baissé puisque les Français n’ont plus l’occasion de boire de l’alcool dans les bars et les restaurants. Et vous, avez-vous noté une différence par rapport avec votre consommation d’alcool ?

Pour nous aider à faire le point sur le sujet, le docteur Bernard Basset, président de l’ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) a répondu à nos questions.

66 Millions d’IMpatients : Le confinement est-il un bon moment pour faire le point sur sa consommation d’alcool ?

Dr Bernard Basset : Le fait d’être dans un lieu unique, où l’on sait qui consomme quoi, nous permet de mieux évaluer sa réelle consommation d’alcool quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. On le mesure moins bien en temps normal, où l’on consomme également de l’alcool chez des amis, au restaurant ou dans des bars par exemple.

Voici pour rappel, les repères de consommation à moindre risque :

  • Ne pas boire plus de 10 verres d’alcool par semaine
  • Ne pas boire plus de 2 verres d’alcool par jour
  • Ne pas boire d’alcool au moins 2 jours par semaine

Rappelons qu’entre que 41 000 décès sont liés à l’alcool chaque année en France.

Si l’on boit plus que d’ordinaire en confinement, peut-on développer une addiction à l’alcool en deux mois ?

Dr Bernard Basset : On peut développer de mauvaises habitudes mais par définition, l’addiction suppose que l’on ne serait plus capable de s’en passer, que l’on ne maitrise plus sa consommation et que le produit s’impose à vous. Une légère augmentation de consommation pendant quelques semaines ne conduit donc pas forcément à une addiction à l’alcool mais les repères de consommation à moindre risque sont valables autant en situation normale qu’en situation de confinement.

Pour ceux pour qui le confinement va durer, est-ce un bon moment pour réduire sa consommation d’alcool, voire pour se sevrer ?

Dr Bernard Basset : Il y a deux types de situation à distinguer :

  • Celle des personnes non dépendantes à l’alcool et qui prennent la décision de réduire ou de faire une pause dans leur consommation d’alcool pendant le confinement, pour des raisons de santé. Elles ont alors toutes les chances d’avoir des bénéfices sur leur santé, leur sommeil, surtout s’ils tiennent cette habitude après le confinement. Cette période de confinement est peut-être propice pour ceux qui consomment de l’alcool principalement de manière occasionnelle.
  • En ce qui concerne les personnes dépendantes à l’alcool, qui ont donc une maladie, une conduite addictive face à l’alcool, il n’est pas recommandé de faire un sevrage seul, sans un accompagnement par un professionnel de santé pendant cette période de confinement. Cela peut se révéler dangereux et conduire à des troubles somatiques graves comme des convulsions, de hallucinations, des pertes de contrôle de son comportement, voire des comas et mener à ce que les personnes mettent leur vie en danger.

Les professionnels de l’addictologie sont disponibles en ce moment, même si c’est la première fois que l’on fait la démarche d’en parler ?

Dr Bernard Basset : Que cela soit pour un suivi, une rechute après plusieurs années, ou pour une première écoute et orientation, les professionnels de santé et associatifs sont accessibles pendant cette période de confinement et de post-confinement, via des lignes d’écoute, des réunions en visio-conférences, des téléconsultations ou des consultations présentielles pour les situations les plus difficiles. On peut également appeler son médecin traitant qui pourra réorienter ses patients.
Il faut savoir que si l’on a développé une vraie dépendance à l’alcool, le travail pour s’en détacher est difficile et il ne faut surtout pas hésiter à avoir recours à un professionnel.
Les proches aussi, parfois désemparés, peuvent bénéficier de soutien.
Alcool Info Service – 0 980 980 930

Quels conseils donnez-vous aux personnes qui avaient entamé un travail pour lutter contre leur addiction, ou celles abstinentes, qui font une rechute ?

Dr Bernard Basset : Il est indispensable que ces personnes ne rompent pas le lien avec leur thérapeute. Si elles reçoivent moins en présentiel, les structures ont maintenu des consultations par téléphone ou visio-conférence.
Il est bien entendu important d’appeler si on replonge, car le thérapeute est là pour aider, soutenir, proposer des solutions. Les personnes abstinentes, en général, font partie de mouvements d’entraide comme les Amis de la santé, Alcool Assistance ou les Alcooliques Anonymes par exemple. Il ne faut pas hésiter à solliciter à nouveau leur réseau de soutien puisque beaucoup de réunions de ces réseaux continuent de se tenir malgré le confinement, en visio-conférence.

 

Quelques mots de François Moureau, président délégué chez Alcool Assistance

« Les membres de nos Lieux d’Accueil se sont organisés pour rester joignables pendant la crise sanitaire par téléphone, mails et communication moderne et nous avons aussi nous-mêmes pris les devants pour contacter nos adhérents dépendants à l’alcool et autres addictions, que nous accompagnons tout au long de l’année. En ce moment, nos adhérents les plus fragiles sont surtout ceux qui vivent seuls. Nous n’appelons pas pour vérifier s’ils ont recommencé à consommer mais prendre de leurs nouvelles et leur apporter un soutien pour qu’ils gardent le moral le cas échéant. Le lien social est essentiel dans notre réseau et dans notre démarche de soutien. C’est à eux de voir ensuite s’ils ont envie de parler de leur éventuelle consommation. Nous ne sommes jamais dans le jugement. C’est un aspect très important et qui est valable aussi pour les proches. C’est parfois difficile pour l’entourage de la personne addictée mais il faut faire confiance à la personne en difficulté. Si la personne a reconsommé, il faut rester positif et l’encourager à repartir du bon pied en l’aidant à se souvenir des bénéfices que lui apportent les périodes d’abstinence. Dans l’ensemble, pour les proches, il vaut mieux éviter les reproches surtout pendant une phase de consommation, d’autant que cela peut entrainer des violences verbales ou physiques. Le mieux est d’en reparler le lendemain et proposer à la personne malade de contacter un professionnel ou des réseaux d’entraide comme le nôtre. Je précise que nous sommes également à l’écoute des proches pour les soutenir. ».

 

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Photo by Guillermo Nolasco on Unsplash

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