Tour de France de la santé insulaire : Les îles bretonnes du Ponant

Voyageons un peu cet été avec un tour de France de nos délégations insulaires, ou qui ont des îles sur leur territoire. Nous avons déjà fait escale en Corse, passerons bientôt aux Antilles, à la Réunion et nous arrêtons cette semaine en Bretagne, pour rencontrer, dans chaque région, les coordinateurs régionaux de France Assos Santé, et mieux cerner les enjeux médicaux, l’offre de soins et l’accès aux soins ainsi que la vitalité de la démocratie en santé sur chacun de ces territoires.

Nous voici donc cette semaine en Bretagne où nous avons fait le point avec Vanessa Marie, coordinatrice de la délégation. 12 îles exactement, parmi les 15 que comptent ce que l’on appelle les îles du Ponant, se trouvent en région Bretagne. Leur superficie et leur population sont très hétéroclites, et influent sur l’offre des soins disponibles sur chaque île. Cependant un Contrat Local de Santé dédié spécifiquement aux îles bretonnes du Ponant, élaboré en 2016 et qui est en cours de renouvellement, permet de n’oublier aucune d’entre elles.

Situation des îles et organisation des infrastructures de santé

D’une île à l’autre, la situation est très variable, du fait de leur taille et de leur nombre d’habitants à chacune, ce qui engendre des différences importantes en termes d’infrastructures et donc de dynamique concernant la santé.

12 îles dépendent de la Bretagne parmi les 15 îles du Ponant (les îles du Ponant incluent également Chausey en Normandie ainsi que les îles d’Yeu et d’Aix respectivement en Pays de la Loire et en Nouvelle Aquitaine.). Les 15 îles comptent 16 396 résidents à l’année et reçoivent, en outre, annuellement, plus de trois millions de visiteurs (source : Chambre régionale des comptes Bretagne).

Vanessa Marie remarque : « On peut imaginer que la principale difficulté sur une île soit justement son isolement, cependant, ce point est rarement évoqué lors des réunions avec l’ARS, alors que l’isolement des « zones blanches bretonnes » (isolées sur le plan médical et numérique notamment, et situées principalement dans le centre de la région), est quasiment systématiquement abordé. Pour autant l’accessibilité, la distance pour rejoindre le continent et la fréquence des liaisons sont autant d’éléments conditionnant l’accès aux soins. Par ailleurs, l’accès au numérique est peu évoqué du fait de la population vieillissante en évolution plus importante que sur le continent. »

Concernant l’offre de soins des îles sur le seul territoire breton, Belle-Île est la seule à disposer d’un hôpital de proximité et d’un EPHAD, tandis que Molène n’est même pas pourvue d’une pharmacie. L’île de Groix, quant à elle, se situe entre ces deux cas de figure, avec un « pôle santé », géré par des professionnels qui sont parvenus à imprimer une bonne dynamique sur leur territoire. Sur chaque île, les enjeux ne sont évidemment pas les mêmes mais toutes sont concernées par les 3 millions de visiteurs annuels, principalement concentrés en été, qui fragilisent l’accès aux soins car les infrastructures ne sont pas adaptées pour les accueillir malgré le renforts de soignants durant la saison touristique.

Par ailleurs, toutes les îles ne sont pas situées dans le même département, ce qui complexifie encore davantage la gestion des politiques de santé, puisqu’administrativement, elles ne dépendent pas des mêmes autorités. C’est pourquoi un Contrat Local de Santé spécifique aux îles bretonnes du Ponant a été mis en place en 2016.

Des spécificités de santé sur les îles ?

Vanessa Marie précise : « Nous n’avons pas connaissance de l’existence de pathologies particulières sur les îles. Le taux de suicide, qui est important en Bretagne par rapport à la moyenne nationale n’est pas plus élevé sur les îles par exemple. En l’occurrence ce taux de suicide significatif est notamment dû au fait d’une surreprésentation, en Bretagne, du monde agricole, qui traverse une crise difficile depuis quelques années, de la présence de territoires très isolés, qui affectent les relations sociales, le tout aggravé par des modes de consommation d’alcool à risques. On constate cependant un taux de mortalité par cancer plus défavorable par rapport à la moyenne de la région et une participation plus faible au dépistage organisé du cancer du sein et colon-rectum par rapport au continent. »

Voir les chiffres de Santé publique France

Le Contrat Local de Santé (CLS) des îles bretonnes du Ponant

En 2016, l’ARS et la région Bretagne ont mis en place pour 4 ans, un contrat local de santé avec les îles bretonnes du Ponant, dont les accords ont finalement été maintenus jusqu’en 2022. Un état des lieux et pas moins de 56 fiches-actions ont été mis en œuvre.

Vanessa Marie souligne : « Parmi les actions évoquées dans le CLS, la question des déplacements sur les lieux de consultation est très souvent soulevée. De notre côté, à la délégation, nous n’avons jamais été sollicités concernant des défauts de prise en charge pour les frais de déplacement et d’hébergement des habitants des îles qui avaient besoin d’aller se faire soigner sur le continent, alors que le sujet des remboursements sur le reste du territoire breton remonte souvent jusqu’à nos oreilles. C’est pourtant un facteur de renoncement aux soins sur les îles quand il faut pouvoir payer des frais hôteliers pour se faire soigner. »

Parmi les axes du CLS de 2016, on retrouvait par exemple l’organisation :

  • L’organisation de l’offre de soins du premier et deuxième recours,
  • L’organisation des soins non programmés,
  • L’organisation des parcours de soins entre les îles et le continent,
  • Améliorer le dépistage des cancers,
  • Prévenir la souffrance psychique et le suicide,
  • Prévenir les conduites addictives,
  • Prévenir les risques sanitaires liés à l’eau et à l’alimentation, puisque sur une île, il peut y avoir des problèmes d’approvisionnement en eau potable,
  • La lutte contre l’isolement des personnes âgées et handicapées et de leurs aidants.

Vanessa ajoute que la délégation bretonne de France Assos Santé a été sollicitée pour participer aux réunions concernant le nouveau Lontrat Local de Santé des îles du Ponant et que de nouvelles études devraient permettre de réfléchir aux prochaines priorités et stratégies. D’ores et déjà, les enjeux qui se dégagent sont les suivants : le vieillissement de la population, l’attractivité des professionnels de santé, la surmortalité générale et prématurée, la santé environnement, le transport, la période estivale et la démarche participative avec la population.

La démocratie en santé sur les îles bretonnes du Ponant

Les seuls représentants des usagers des îles bretonnes du Ponant se trouvent sur Belle-Île-en-Mer. Un projet de maison des usagers sur l’île est même en discussion. Les RU des Belle-Île se félicitent qu’il y ait une bonne dynamique entre eux, la direction de l’hôpital et les médecins. Vanessa Marie rapporte que le personnel est très à l’écoute et que l’une des principales difficultés pour les usagers est liée à l’accès géographique des soins, car toute l’offre est concentrée au niveau de la commune du Palais, alors que l’île est assez grande. Il y a également une problématique d’accès aux médecins spécialistes, qui interviennent par le biais de vacations qui sont insuffisantes pour répondre aux besoins de la population. Par ailleurs, il manque une prise en charge sur place pour les patients en chimiothérapie, qui doivent se rendre sur le continent pour recevoir leur traitement et doivent donc supporter un trajet par bateau qui n’est pas très confortable dans une telle situation. Une réflexion est en cours pour aménager des salons adaptés à ces patients sur les bateaux qui assurent la traversée. Cela dit, Vanessa Marie déplore qu’en Bretagne, les patients des îles sont tout autant victimes que les continentaux, des délais d’attente pour les consultations et les examens médicaux. « Quasiment toutes spécialités confondues, ces délais se sont considérablement allongés partout dans la région, même dans les grandes villes comme Rennes ou Brest. C’est devenu un véritable problème sur le territoire. », insiste la coordinatrice qui poursuit : « Évangéliser les îles sur la démocratie en santé n’est pas une priorité. Même à Belle-Île où il y a des RU, la priorité est plutôt portée sur l’accès aux soins. Nous sommes finalement assez peu en contact avec des associations qui auraient des actions particulièrement liées à la santé insulaire, mais ceux que nous connaissons, comme les Semeurs en santé sont très dynamiques (voir notre article sur les Semeurs de santé). Nous avons eu pendant 3 ou 4 ans un bénévole de notre comité régional qui était à Belle-Île, ce qui nous permettait d’avoir des informations assez précises sur l’activité de la santé sur l’île. Bien évidemment, plus nous avons de contacts directs sur un territoire et plus nous pouvons prendre la mesure des enjeux de santé qui s’y jouent. Il serait utile que nous identifiions des personnes relais dans les îles pour mieux comprendre leurs besoins. ».

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