Mayotte : retards dans l’aide et inquiétudes sanitaires

Un peu plus d’une semaine après le passage de l’ouragan Chido, et les ravages qu’il a causés, Mayotte est toujours confronté à une situation de désolation et de détresse humaine. Communication, électricité, fourniture d’eau potable, produits de première nécessité : les difficultés logistiques empêchent d’aider efficacement la population de l’archipel français. Témoignages sur place et retour sur des actions menées par deux de nos associations membres.

Drapeaux en berne en cette journée de deuil national, en solidarité avec nos concitoyens de l’archipel de Mayotte, dévasté le 14 décembre dernier, par le passage de l’ouragan Chido. Solidarité qui, si elle se traduit par un afflux important de dons, notamment suite à l’appel de la Fondation de France, a bien du mal à s’organiser, en termes logistiques. Si l’on recense officiellement 35 morts, chiffre probablement très en deçà de la réalité, et 2 500 blessés, beaucoup de Mahorais sont aujourd’hui sans abri, tandis que les communications n’ont pas été partout rétablies, que la fourniture en eau reste parcimonieuse et sujette à de nombreuses coupures et que les habitants manquent toujours de produits alimentaires et hygiéniques.

« L’eau courante, non potable, a été rétablie ce lundi, à Mamoudzou, après dix jours sans une goutte. Elle sera disponible à raison de six heures toutes les 36 heures, témoigne une habitante de l’agglomération située dans le nord de l’archipel, la zone la plus touchée par le cyclone. A Kavani, un quartier de Mamoudzou, l’hôpital de campagne qui doit être opérationnel ce mardi, selon les autorités, n’est toujours pas debout, à l’heure où l’on se parle. Ce matin, on n’apercevait aucune tente ».

Manque de nourriture, d’eau et de soins

Dans les bidonvilles écroulés de Kavani, près de son domicile, elle n’a, à ce jour, encore vu aucune équipe de secouristes envoyés pour fouiller les débris et tenter de retrouver des personnes vivantes. « En fait, les gens sont livrés à eux-mêmes. Ils ont faim, ils sont soif et ne reçoivent aucun soin. Les personnels soignants, qui font ce qu’ils peuvent avec le peu de médicaments et de matériels en leur possession, alertent depuis plusieurs jours sur l’absence de prise en charge par les services de l’Etat des personnes qui, suite au passage de l’ouragan, ont trouvé refuge dans les centres de mise à l’abri qui ont tenu le coup. Certains, notamment les enfants, présentaient de petites blessures, comme des coupures au pied provoquées par les taules qui se sont effondrées. Dans les conditions sanitaires qui sont les nôtres, avec des rues envahies de poubelles, d’excréments, etc., et le manque d’eau, on peut redouter que ce qui n’aurait nécessité que quelques points de suture ne se transforme en catastrophe, avec l’apparition déjà de plaies infectées ou de problèmes cutanés », décrit-elle. Sans parler des milliers de personnes sans papiers, invisibles, et que la peur d’être arrêtés va détourner des centres de soins. A noter que les cabinets médicaux qui sont en mesure de le faire devraient rouvrir dans le courant de la semaine, selon les autorités de santé.

Autre motif d’inquiétude : l’acheminement des produits alimentaires. Car si les entrepôts qui les stockent semblent avoir été épargnés par l’ouragan, reste à les convoyer. Notamment vers le sud qui, s’il a été moins dévasté que le nord, est encore aujourd’hui coupé du reste du département : communication non rétablie et route principale (et unique) non déblayée. Or, la situation est inquiétante, nous confiait Antufaty Hafidhou, la présidente de France Assos Santé Mayotte, lors du seul, et bref, échange téléphonique que nous ayons pu avoir avec elle, quelques jours après le passage de l’ouragan, depuis la localité de Brandrélé : « Les champs de manioc et de bananiers ont été anéantis, ainsi que les cultures maraîchères. Ce qui se profile, c’est le risque de famine ». Et dans le même temps, plus aucun conteneur (eaux, nourriture, mais aussi matériaux de construction et véhicules) ne semble sortir du port de Mayotte, en direction des terres. Et cela, en dépit de la mise en place du pont maritime depuis La Réunion, le 19 décembre dernier.

Mobilisation de nos associations membres

France Alzheimer La Réunion a lancé, à l’initiative de sa présidente, Sandrine Nallatamby, l’idée d’un appel au don. Idée pour l’instant soumise aux bénévoles de l’association, dont elle attend le retour. Bonne nouvelle, « l’ensemble des collègues des structures de l’association, présente à Mayotte, sont sains et saufs », assure-t-elle. Reste les patients, et les aidants, dont beaucoup ne cachent pas leur colère. Même soulagement à la Fédération APAJH – Association pour Adultes et Jeunes Handicapés, représentée à Mayotte depuis 2017 – mais pas encore membre de notre délégation France Assos Santé Mayotte. « Notre première préoccupation au lendemain de la catastrophe a été de prendre contact avec les quelque 200 salariés de la fédération sur place. Ça a été long, car nous sommes présents sur tout le territoire mahorais. Depuis Paris, nous avons très vite envoyé une palette de vivres par avion, une seconde doit partir cette semaine depuis l’île de La Réunion. Et toujours à La Réunion, nous avons mis en place une cellule d’urgence, de soutien aux aidants, familles ou proches, avec une personne capable de répondre en shimaoré, l’une des langues de Mayotte », raconte Céline Diaz, chargée de communication à la Fédération APAJH.

Les quelques échanges que nous avons pu avoir avec des acteurs associatifs présents à Mayotte ou à La Réunion témoignent d’une situation alarmante pour le territoire mahorais. Nous sommes encore loin de pouvoir faire le bilan de la catastrophe, en particulier en nombre de victimes. Les nombreuses crises qui ont jalonné l’actualité avant le cyclone (eau, choléra, émeutes sociales, démantèlement des bidonvilles etc.) pourraient toutes se conjuguer. France Assos Santé appelle à ce que des moyens matériels, financiers et humains conséquents et durables soient mis en place pour éviter une crise d’une ampleur jamais connue dans ce territoire et plus largement en France.

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