Mayotte, un territoire d’Outre-mer avec des enjeux de santé très spécifiques

France Assos Santé Mayotte, la plus jeune des délégations régionales de notre union, créée fin septembre 2021, se confronte sur son territoire à des problématiques de santé publique singulières pour lesquelles il est nécessaire d’apporter des réponses adaptées et contextualisées.

Une population officiellement très jeune, mais bien plus âgée en réalité

64% de la population de Mayotte a moins de 18 ans, selon les chiffres de l’INSEE. On pourrait croire que les enjeux de santé de ce territoire visent essentiellement une population très jeune et c’est d’ailleurs comme cela que les politiques de santé publique sont construites. La présidente de France Assos Santé Mayotte, Antufaty HAFIDHOU, nous explique que c’est loin d’être la bonne approche : « Tous les chiffres de l’INSEE sont faux, quand on a plus de la moitié de la population de Mayotte qui n’est pas recensée, on ne peut pas dire que 64% de la population a moins de 18 ans. Il n’y a que 260.000 habitants recensés, sachant que concrètement on est plutôt 400-500.000 habitants à Mayotte ».

On se demande comment c’est possible d’avoir plus de 200.000 habitants qui ne sont pas recensés ? « Une bonne partie de la population actuelle est rentrée clandestinement sur le territoire et n’a jamais eu des papiers d’identité. Ceux qu’on recense, les 64% jeunes, sont ceux qui sont nés à Mayotte, souvent de parents en situation irrégulière. On recense les enfants à l’hôpital, mais pas leurs parents », résume Antufaty HAFIDHOU.

En réalité, les besoins en santé de la population de Mayotte ne peuvent pas se réduire aux besoins d’une population jeune, les personnes plus âgées ont aussi droit à la santé, malgré leur situation irrégulière. Les migrants, arrivés essentiellement d’Afrique, via les îles Comores, ont souvent un grand besoin de soins de santé.

La représentation des usagers à Mayotte très peu connue

Dans le contexte décrit, il est difficile de parler de la représentation des usagers, car la moitié de la population est dans une situation de grande précarité et ne connait pas ses droits.

Antufaty HAFIDHOU, qui est membre de l’Union Départementale Confédération Syndicales des Familles de Mayotte (UDCSF), explique les difficultés à toucher cette population particulièrement fragile : « Nous, les associations, nous sommes là pour aider tous ceux qui sont en besoin, peu importe leur situation. Les personnes en situation irrégulière ont peur, elles se cachent pour ne pas être dénoncées et très souvent on les retrouve à l’hôpital où elles vont quand elles n’ont plus le choix. Certains migrants arrivent par la mer dans une situation de santé très précaire ou ils sont déjà malades chez eux, ils arrivent épuisés et avec un grand besoin de soins ».

Interrogée sur le nombre de représentants des usagers à Mayotte, Antufaty a du mal à indiquer des chiffres, d’autant plus que l’Agence Régionale de Santé Mayotte, créée récemment, en 2020, n’a pas plus d’informations. « Je connais 6 ou 7 RU, mais j’espère qu’il y en a plus. C’est ce qui nous amène à vouloir mettre en place les formations de RU en Mayotte pour qu’on puisse avoir au moins 2 RU par commune », ajoute la présidente de France Assos Santé Mayotte.

Actuellement il y a 5 associations adhérentes à la délégation Mayotte. Une dizaine d’associations sont en train de faire la démarche d’agrément.

Une politique de santé inadaptée aux réalités du territoire

Basées sur une population à moitié moins nombreuse qu’en réalité, les politiques de santé sont inadaptées aux réalités du terrain. La capacité d’accueil à l’hôpital n’est pas dimensionnée pour absorber des besoins de santé d’une population quasiment double que celle déclarée. « Tout est saturé, tout est insuffisant. Un exemple très parlant : les lits en réanimation. Il y en avait 12 avant le covid, après on a rajouté 5 pour arriver à 17. On ne sait même pas s’ils vont rester 17 en dehors de la crise sanitaire. 17 lits pour plus de 400 000 personnes c’est largement insuffisant », regrette Antufaty HAFIDHOU.

La gestion de la crise sanitaire a été très compliquée à Mayotte. Confrontés à la dengue comme principal problème de santé, les malades restaient chez eux, alors qu’ils avaient le covid. La prise en charge a été très difficile, il y a eu beaucoup de décès dont on ne sait finalement pas s’ils étaient dus au covid ou à la dengue.

Avec l’arrivée du vaccin en 2021, et grâce aussi à l’action des associations, Mayotte est arrivée à des taux de vaccination supérieurs aux autres régions d’Outre-mer. « On n’a pas eu des réticences face à la vaccination, les gens acceptent plus facilement à se faire vacciner que dans les autres régions d’Outre-mer, ils sont même demandeurs », ajoute la présidente de France Assos Santé Mayotte.

Des enjeux de communication singuliers

En termes de communication, la principale complexité est la maîtrise de la langue et l’illettrisme majoritaire sur ce territoire. « On est à 73 % d’illettrisme à Mayotte (sur les personnes recensées) ce qui est énorme. Ce n’est pas évident de faire passer les messages. Cela pose des soucis même au niveau pratique, lors des consultations, les patients n’arrivent pas à communiquer avec les soignants sans intermédiaires, ce qui peut altérer la communication », souligne la présidente de France Assos Santé Mayotte.

L’accès aux outils numériques est évidemment plus difficile que dans le reste de la France. Il y a très peu de personnes qui y ont accès. Même la radio ne touche pas toute la population. Dans ce contexte, les enjeux de communication sont très particuliers : « On est beaucoup sur de l’affichage format papier, avec des messages en langue mahoraise. Pour parer à l’illettrisme, il faudra faire des affiches avec beaucoup de visuels, des outils vraiment adaptés aux spécificités locales », ajoute Antufaty.

Des objectifs ambitieux pour France Assos Santé Mayotte

Interrogée sur les priorités de France Assos Santé Mayotte, la présidente évoque quelques chantiers essentiels. « Apporter aux usagers les moyens pour les premiers soins de proximité, accélérer la mise en place d’un service de psychiatrie qui manque actuellement à Mayotte, créer des filières de santé dans l’éducation nationale pour inciter les jeunes mahorais à s’orienter vers les métiers de la santé, voici les principaux chantiers à mener à Mayotte. On est aussi en train d’élaborer, avec l’ARS, le projet régional de santé qui n’existe pas actuellement », explique Antufaty HAFIDHOU.

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