Défi de janvier, le retour ! Coup d’envoi en ce début d’année 2025 de la 6e édition de cette campagne de prévention axée sur l’alcool. Plus dynamique que jamais, le collectif qui porte à bout de bras cette manifestation s’est doté pour cette nouvelle édition d’un logo et d’un site relooké, sans oublier l’application Mydéfi, lancée en 2024 et qui reprend évidemment du service. Entretien avec Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président d’Association Addictions France.
En 2025, le Dry january devient le Défi de janvier, avec un nouveau site et un nouveau logo. Qu’est-ce que cela change de franciser cet événement apparu au Royaume-Uni ?
Bernard Basset – Avec le Défi de janvier, on essaie de donner une identité et une tonalité joyeuse qu’on a toujours voulu, depuis le début en 2019, mais qu’on a construit progressivement, puisque cette nouvelle édition, la sixième, se déroulera à nouveau sans le soutien des pouvoirs publics. Là, on affirme le choix de cette note ludique pour mobiliser les personnes autour du défi, à la fois par l’appellation française, « Défi de janvier », moins puritaine peut-être que « Janvier sec », la traduction littérale de « Dry January », et par un logo choisi avec l’ensemble des associations partenaires, qui confère à l’événement une note un peu exubérante. Le tout donne au défi une visibilité plus importante vis-à-vis du public, en accord avec l’esprit qui l’anime : volontariste, mais pas normatif. Chacun le relève à sa mesure et surtout dans la bonne humeur.
Pas de reproches à craindre : c’est chacun à sa mesure…
Bernard Basset – De fait, certains feront le défi jusqu’au bout, d’autres essaieront de s’y confronter une semaine, une quinzaine de jours… L’essentiel est de participer, pour réaliser la place que tient l’alcool dans notre vie et prendre conscience de l’importance qu’il y a à relever ce défi. En résumé, c’est une communication qui s’affirme, se confirme, en vue d’embarquer, si possible, le plus de personnes possible.
Cette nouvelle présentation n’est-elle pas aussi une forme de pied de nez aux alcooliers et, au-delà, aux pouvoirs publics qui, vous le rappeliez, ne soutiennent pas le Défi de janvier ?
Bernard Basset – Oui, c’est une façon de montrer que, malgré le manque de soutien, nous continuons avec dynamisme à relever le défi de la prévention à l’endroit de ce qui reste tout de même le 2e facteur de mortalité évitable, via un événement qui n’est pas du tout triste, à l’image de son nouveau logo. On est optimiste, tous ensemble, unis dans un collectif, pour relever le Défi de janvier.
Ce Défi est aussi le succès d’un collectif…
Bernard Basset – Absolument, et il faut remercier tous ceux qui se sont mobilisés au sein de ce collectif, Addictions France bien sûr, mais plusieurs autres associations aussi telles que Addict’Aide, RESPADD, la Ligue contre le cancer, France Assos Santé, la Fédération française d’addictologie, les patients experts via France Patients Experts Addictions, sans oublier certaines villes et de grandes institutions, à l’instar de l’AP-HP, entre autres. C’est vrai que ce mouvement qui a commencé de manière un peu improvisée est peu à peu devenu un collectif très important et qui, surtout, rencontre l’adhésion de la population. L’an passé, près de 20 % des adultes de plus de 18 ans ont relevé le défi de janvier, ce qui est considérable.
Que ce soit via le site internet du Défi de janvier, avec un nouvel habillage pour la 6e édition, et l’application Mydéfi, cet événement vise deux objectifs : informer et conseiller les participants, et recueillir des données en vue de travaux scientifiques, deux axes importants dans votre démarche…
Bernard Basset – Effectivement, il y a l’action de prévention, à savoir relever un défi, mais on essaie aussi d’en mesurer l’impact sur la santé des personnes. Début décembre, les premiers résultats de l’étude JANOVER, menée par l’hôpital Le Vinatier, à Lyon, ont montré que, quand on fait le défi, les effets bénéfiques que l’on ressent immédiatement, durant le défi, se poursuivent dans les mois suivants, jusqu’à six mois après son arrêt. Cela confirme ce que des études conduites au Royaume-Uni ou en Belgique, avaient déjà rapporté. Mais nous voulons que cette observation, et toutes celles qui suivront, servent à des études les plus solides possible afin de continuer à défendre le défi, d’une part, et de l’autre, à plaider auprès des pouvoirs publics en montrant son efficacité.
D’autant que ce défi touche tous les publics, c’est une autre révélation peut-être un peu inattendue ?
Bernard Basset – Oui, c’est la grande surprise : d’une part, la réussite du défi, et d’autre part, l’adhésion de tous les publics. Le public jeune est le plus important, ce qui n’a rien d’étonnant, par rapport à l’idée de relever un défi – et d’ailleurs, on visait a priori les 18-30 ans, tranche d’âge où les consommations sont moins installées –, mais on constate effectivement que cet événement rencontre du succès d’autres catégories, à la fois d’âge et sociales.
Et d’ailleurs qu’il s’agisse de Mydéfi ou du site internet, le coaching et les conseils s’adressent à tous les consommateurs…
Bernard Basset – Le Défi de janvier s’adresse à la population générale, mais pas a priori aux personnes qui ont un trouble avec l’alcool. Pour autant, on a toujours essayé d’inclure les personnes en difficultés, en disant qu’elles pouvaient toujours relever ce défi, à la condition de se faire accompagner. Les anciens buveurs qui sont abstinents sont intégrés dans la démarche, et contribuent largement à son succès. Au final, il y a des conseils adaptés à tous les profils. On essaie d’être le plus pédagogique possible, le plus entraînant possible pour ce défi.
En termes d’habitudes de consommation, l’analyse des données recensées font nettement ressortir que, tous publics confondus, le pic a lieu le week-end…
Bernard Basset – On le sait, les manières de boire ont changé. Auparavant, l’alcool, et en particulier le vin, accompagnait tous les repas. Aujourd’hui, les consommations sont moins continues et souvent avec une recrudescence en fin de semaine. Or les quantités d’alcool absorbées en une fois sont plus importantes que celles consommées régulièrement. Depuis de nombreuses années, les responsables associatifs ont développé toute une pédagogie sur les risques liés à ces pics de consommations. Avec le Défi de janvier, on offre une possibilité de se mobiliser pour répondre à ces risques.
En novembre dernier, l’OFDT a publié un rapport qui fait état d’une baisse des consommations en 2023, mais d’une hausse des hospitalisations, en lien justement avec ces excès de fin de semaine…
Bernard Basset – Les consommations baissent en moyenne, et en particulier chez les jeunes, ce qui constitue évidemment une bonne nouvelle, pour la prévention, mais il y a toujours des comportements de binge drinking, qui sont particulièrement à risque. Comportements qu’il convient maintenant de prévenir.
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui vont s’engager dans le Défi de janvier ?
Bernard Basset – Je leur dirais que c’est un moment idéal, après des fêtes de fin d’année, de faire un point sur sa consommation d’alcool et d’essayer de relever le défi. Personne ne nous jugera si on le relève plus ou moins longtemps, ni sur la manière de le faire, etc., cela reste une bonne occasion d’évaluer la place de l’alcool dans sa vie, sa vie sociale, et surtout d’éprouver les bénéfices d’une période de pause.
Selon vous, les personnes évaluent mal leur consommation ?
Bernard Basset – Effectivement, les gens mesurent mal ce qu’ils boivent. En outre, il y a des fausses croyances, comme celle qui veut que le vin protège du cancer, alors que c’est le contraire : il le favorise, notamment en ce qui concerne le cancer du sein chez les femmes. En résumé, il y a une mauvaise évaluation des quantités consommées et une méconnaissance des repères en matière de risque. Le Défi de janvier est l’occasion de faire le point sur toutes les données exactes fournies par les scientifiques, via le site internet et l’application Mydéfi. La Société française d’alcoologie (SFA) participe à notre collectif. C’est une société savante qui réunit tous les chercheurs et universitaires qui travaillent sur le sujet de l’alcool. Ils publient et/ou actualisent l’ensemble des informations sérieuses sur les effets de la consommation de l’alcool sur la santé.
Les jeunes sont majoritaires à relever le défi. Considérez-vous que le faire à plusieurs est un atout ?
Bernard Basset – C’est toujours un renforcement d’annoncer à son entourage qu’on relève le Défi de janvier. Cela revient à s’engager publiquement à le faire et on a tous à cœur de respecter ses engagements pris devant les autres. Evidemment, si on est plusieurs à prendre cet engagement en même temps, on est conforté dans son choix. On a donc tout intérêt, si on le souhaite, à prendre l’engagement publiquement, et à le relever à plusieurs car on se renforce les uns les autres dans la détermination.
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