Les patients en PREMS (et en PROMS)

Alors que se déroule en ce moment la semaine de sécurité des patients sur le thème « Faire des patients les acteurs de leur propre sécurité », nous avons choisi de parler de deux indicateurs de mesure de la qualité des soins, qui ont la particularité d’être rapportés par les patients eux-mêmes. Il s’agit des PREMS (Patients-reported experiences measures) et des PROMS (Patients-reported outcomes measures), qui mesurent, pour le premier la perception des patients sur leur expérience des soins, pour le second leurs retours sur les résultats des soins sur leur état de santé.

Ces deux concepts ne sont pas nouveaux et de nombreux pays, comme le Canada, les Pays-Bas, la Suède, ou les États-Unis, etc. s’en servent depuis plus de 20 ans. En France, des initiatives ont pu être mises en œuvre dans ce sens, comme avec e-Satis pour les PREMS, le questionnaire national d’expérience et de satisfaction, proposé suite à une prise en charge dans un établissement de santé, hôpital ou clinique, ou le projet article 51 PromCat, qui permet de mesurer l’efficacité de la chirurgie de la cataracte grâce aux recueil des PROMS avant puis après l’intervention. Cependant, ce type d’approches est encore timide et les acteurs du monde de la santé restent souvent frileux à l’idée de s’en emparer.

Pourtant, prendre en considération le point de vue du patient sur son parcours de soins et les résultats sur son état de santé est un prérequis essentiel dans les procédures d’amélioration des pratiques. Des exemples vertueux, partout dans le monde, démontrent l’efficacité d’intégrer les PREMS et les PROMS dans les évaluations de qualité des soins.

PREMS pour “Patients-reported experiences measures”, c’est-à-dire les mesures de l’expérience de soins, rapportée par les patients

Les questionnaires de PREMS sont donc orientés sur l’EXPÉRIENCE de la prise en charge, uniquement vue par le patient. On pourrait dire qu’entre les PREMS et les questionnaires de satisfaction, il n’y a qu’un pas ! Concrètement, la nuance, si l’on prend comme exemple la gestion de la douleur lors d’une prise en charge chirurgicale, pourrait se jouer ainsi (exemple cité par Laetitia May dans sa présentation HAS) :

  • Pour un questionnaire de satisfaction, on demanderait au patient hospitalisé : « Êtes-vous satisfait de la façon dont vos douleurs ont été prises en charge ? » ;
  • Pour un questionnaire de PREMS, on demanderait plutôt : « Avez-vous reçu des antalgiques pour vos douleurs ? ».

Pour reprendre une citation de la HAS, issue du Recueil du point de vue des personnes hébergées ou accueillies en EHPAD :

« Pour résumer on peut dire que la satisfaction mesure ce que les personnes pensent de leurs soins ou de leur accompagnement, sur la base de leurs préférences, de leurs attentes individuelles, le « quoi » ; l’expérience va au-delà des opinions pour découvrir le « comment » et le « pourquoi » qui les sous-tendent. Ces deux orientations sont complémentaires et nécessitent de mobiliser des méthodes et outils spécifiques.« 

On pourrait dire que les PREMS tendent vers une recherche d’évaluation plus factuelle, moins subjective que le questionnaire de satisfaction. Ils seront surtout utiles pour travailler sur l’amélioration de la communication avec les patients, sur la réactivité, la coordination des équipes. Les PREMS ne sont pas particulièrement innovants et sont souvent, et de plus en plus, utilisés dans l’évaluation de la qualité des soins. On les retrouve, ainsi que mentionné dans l’introduction, dans le questionnaire e-Satis, lancé en 2016 par la Haute Autorité de Santé (HAS). Ce même type de projets existe aussi au niveau national ou régional dans de nombreux pays comme en Belgique, Nouvelle-Zélande, Australie, Canada, Allemagne, etc. En France, on peut également citer les PREMS utilisés dans le projet ComPaRe porté par l’AP-HP et par l’Université de Paris (projet qui recueille également des PROMS), mis en œuvre sous la forme d’une plateforme collaborative pour les personnes souffrant de maladies chroniques.

Le Dr Jean-Pierre Thierry, médecin en santé publique et conseiller médical de France Assos Santé précise :

« On sait que l’expérience ressentie par le patient va influer sur son état de santé. Par exemple, dans une enquête sur la chirurgie du canal carpien, on a observé que si les PREMS sont bons, cela a un impact sur le nombre d’indemnités journalières. Cela dit, l’expérience patient peut être excellente alors même que l’on a effectué des actes peu pertinents ou que les résultats médicaux ne sont pas optimums. Finalement, ce sont indubitablement les PROMS qui permettent de faire vraiment la différence sur l’évaluation des résultats d’un traitement. ».

PROMS pour “Patients-reported outcomes measures”, c’est-à-dire les mesures des résultats des soins, rapportés par les patients

Il s’agit ici d’interroger directement le patient sur la vision qu’il a de son propre état de santé, sans qu’intervienne une interprétation par le médecin ou un tiers. Si l’on reprend l’exemple précédent sur la douleur après une chirurgie, on posera donc comme type de question : « Avez-vous eu des douleurs après votre opération ? ». On peut ainsi interroger les patients sur les symptômes qu’ils ressentent (douleurs, nausées, anxiété, etc.), sur diverses capacités fonctionnelles (le patient est-il capable de s’habiller seul, de monter des marches, etc.), ou sur sa qualité de vie. Les questionnaires de PROMS peuvent être auto-administrés au proposés lors d’entretiens, selon diverses échéances, avant, pendant et après le parcours de soins. L’intérêt des PROMS est double et peut servir à la fois au niveau individuel et au niveau collectif. En effet, à un niveau personnel, ce type de questionnaires peut améliorer la communication entre le patient et son équipe soignante, et ainsi la qualité de sa prise en charge grâce aux recueils et aux suivis de certains symptômes ou indicateurs pertinents pour le patient. À un niveau collectif, les PROMS permettent aux établissements de santé, aux équipes de soins, aux institutions, etc. d’évaluer leurs pratiques, leurs stratégies et souvent de se comparer entre eux pour apprendre les uns des autres, pour gagner en efficacité et sécurité des soins. Cela semble évident, sur le principe, de systématiser le recueil des résultats des soins auprès des patients, pourtant la France a beaucoup de mal à s’emparer de ce type de procédures.

« Cette résistance à utiliser les PROMS pourrait tenir au fait que déontologiquement, en médecine, il y a une obligation de moyens mais pas de résultats et que persiste une réticence culturelle, au niveau des professionnels de santé et des institutions, à mesurer et rendre transparents leurs résultats. Pourtant, ne pas les mesurer, c’est accepter une non-qualité dont on ne prend pas toujours conscience, voire accepter les dérives de pratiques. La situation devrait cependant évoluer positivement puisque de plus en plus de professionnels reconnaissent l’intérêt des PROMS. D’ailleurs, le ministère de la santé vient de demander à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission où il cite explicitement les PROMSLa perspective est de modifier le financement des établissements pour privilégier la qualité sur la quantité. Rappelons aussi que certains médias, comme Newsweek, qui édite un classement international des hôpitaux, valorise désormais mieux les établissement qui ont mis en place des PROMS. ».

Jean-Pierre Thierry

Créer des référentiels internationaux autour des PROMS

Le grand reproche que leurs détracteurs font aux PROMS est qu’ils ne sont pas objectifs, comme le serait un résultat sanguin, puisque tout est basé sur le ressenti et la restitution des patients. C’est pourquoi un consortium international baptisé ICHOM (International consortium for health outcomes mea- surement), fondé en 2012, travaille sur la validation de preuves et la standardisation des PROMS applicables à l’échelle mondiale. La France, avec le projet PromCat, a ainsi rejoint un programme très ambitieux autour des interventions de la cataracte, dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Avec la participation du conseil national professionnel d’ophtalmologie (plus d’infos ® ici), il vise l’inclusion de15 000 patients d’ici 2024. D’autres spécialités devraient également s’engager dans cette démarche. Au niveau national, en France, on peut également citer les exemples de PROMS utilisés dans le questionnaire de la plateforme participative MoiPatient de l’association Renaloo, ou encore dans l’étude Vivre COVID 19 de France Assos Santé.

L’utilisation des PROMS se développe un peu partout dans le monde, au bénéfice de la sécurité, de l’efficacité et de la pertinence des soins pour les patients. De nombreux exemples, classés par pays, sont repris dans ce rapport de la HAS intitulé « Qualité des soins perçue par le patient – Indicateurs PROMs et PREMs – Panorama d’expériences étrangères et principaux enseignements ». Citons pour illustrer l’intérêt des PROMS, l’exemple précurseur et vertueux de la Martini Klinik en Allemagne, spécialisée dans le traitement des patients atteints de cancer de la prostate et qui réalise 2600 interventions par an. Depuis 1992, l’établissement utilise systématiquement les PROMS pour évaluer la qualité des soins et pour permettre à leurs chirurgiens d’améliorer leurs techniques d’intervention. Leurs résultats sont éloquents puisque la Martini Klinik déplore 2 à 10 fois moins de complications que les autres sites allemand n’utilisant pas les PROMS (lire leurs résultats dans cet article).

3 commentaires

  • marjorie pinaud dit :

    Bonjour

    je travaille dans un établissement qui accompagne des personnes cérébrolésées et nous souhaiterions savoir vers qui nous tourner pour pouvoir disposer de questionnaires de type PREMs/PROMs. Merci

  • Jaouannet Pauline dit :

    Juste en précision par rapport à l’autre commentaire : la plupart des questionnaires doivent faire l’objet d’acquisition d’une licence d’utilisation qui n’est a priori pas très onéreuse et en plus cela donne souvent accès au réseau des autres utilisateurs, donc c’est une étape à ne pas négliger. A noter que la traduction en français doit être validée. PROMIS et ICHOM sont deux banques de questionnaires très intéressantes.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier