Tout comme il y a 5 ans, France Assos Santé se mobilise et interpelle les candidats à la présidentielle autour de 20 propositions pour l’avenir du système de santé, émanant de milliers d’hommes et de femmes, représentants des usagers issus d’associations agréées de santé, d’après leur constat et échanges sur le terrain avec les patients et les acteurs du monde de la santé.
Et comme il y a 5 ans, malheureusement, les déserts médicaux restent au cœur des débats et des préoccupations des Français puisque, d’après les données fournies par les DREES* pour le rapport de l’Assemblée nationale de janvier 2022 sur la proposition de loi d’urgence contre la désertification médicale, 11,6% des Français vivent actuellement dans un désert médical.
Vivre dans une zone qui manque de médecins et de structures de soins de façon générale, c’est soit attendre trop longtemps pour une prise en charge, soit renoncer totalement à se faire soigner, au risque de voir ses symptômes s’aggraver, des douleurs, des maladies se chroniciser, d’accélérer une éventuelle perte d’autonomie, et de finalement se retrouver aux urgences, parfois trop tard. C’est une véritable perte de chance, ni plus, ni moins.
Or, si la moyenne d’âge des médecins baisse très légèrement (49,3 ans en 2021, contre 50,7 ans en 2012), les médecins âgés de plus de 55 ans en France représentent 45 %, contre 34 % en moyenne dans les pays de OCDE. Dans le même temps, la population française vieillit. Son espérance de vie a augmenté ces dernières années mais son espérance de vie en bonne santé décline. Ainsi, les besoins médicaux des Français sont de moins en moins bien assurés.
L’inégalité territoriale en matière d’accès aux soins se creuse. Ainsi, pour reprendre les données du rapport de l’Assemblée nationale, « Le taux de personnes résidant dans une commune ayant accès à moins de 2,5 consultations de médecine générale par an et par habitant (quand la moyenne nationale est de 4) est passé de 8,6 % en 2015 à 11,6 % en 2019. Ce taux varie fortement en fonction des territoires. Il est par exemple de seulement 4,1 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur, contre 24 % en Centre-Val de Loire. ». Cependant c’est une idée reçue de croire que les déserts médicaux ne concernent que les zones isolées, difficiles d’accès et sous-peuplées. Les grandes métropoles peuvent également être touchées.
Plusieurs des 20 propositions de France Assos Santé concernent directement ou indirectement ce sujet de la désertification médicale, notamment :
- Garantir à chacun l’accès aux soins et la continuité des soins en proximité, 24h/24, sur tout le territoire, en développant de nouveaux lieux de santé pluridisciplinaires : installation et collaboration de médecins généralistes et spécialistes, d’infirmières, de kinésithérapeutes, de dentistes…
- Réguler la répartition de tous les professionnels de santé sur l’ensemble du territoire par une contrainte d’installation dans les zones sous-dotées, en fonction des besoins de la population.
- Développer et garantir les moyens de l’hôpital public pour qu’il puisse assurer l’ensemble de ses missions : l’accès et la continuité des soins pour tous, l’accompagnement, la prévention, la formation, la recherche et l’enseignement.
- Garantir à chacun l’accès à une offre de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, quel que soit le lieu de vie (domicile, EHPAD, hôpital).
- Rapprocher les professionnels de santé des populations éloignées des soins et/ou à mobilité réduite en généralisant les permanences médicales et les équipes de soins mobiles.
*Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
Céline, 38 ans, vit à Bezons
Au cours de ces 5 dernières années, nous avons déménagé et habitons juste à côté de Colombes, à Bezons exactement, qui se trouve cependant dans un autre département. Nous avons également eu un deuxième enfant. Côté médecin traitant et pédiatre pour les enfants, la situation ne s’est en revanche pas du tout arrangée. Le pédiatre est trop loin de chez nous et mes enfants ne sont pas vraiment suivis par un médecin attitré. Nous avons un médecin traitant mais en réalité, ce n’est qu’administratif. Il est tout le temps complet et ce n’est pas possible de le consulter à temps lorsque nous ou nos enfants tombons malades. Pour les urgences, le mieux que l’on puisse obtenir avec lui, c’est une consultation dans un délai de 3 jours au minimum. En fait, notre médecin traitant ne nous connaît pas. L’alternative que sa secrétaire propose quand nous appelons pour le voir rapidement est de nous rendre aux urgences de Colombes, mais je culpabilise à l’idée d’encombrer les urgences pour des maux sans grande gravité comme une grippe par exemple. J’avoue que nous faisons donc finalement beaucoup d’automédication. J’ai cependant trouvé une « technique » depuis très récemment avec un médecin installé à côté de chez nous et qui propose la prise de rendez-vous sur internet. Elle n’a jamais de consultations libres avant 3 semaines, mais je réserve des rendez-vous très à l’avance tous les 10 jours. Ainsi si quelqu’un à la maison en a besoin, je le maintiens, et si personne n’en a besoin, je l’annule et me console en me disant que cela servira à une autre famille qui aurait une urgence. L’autre solution quand mon mari ou moi sommes malades et avons besoin d’un arrêt de travail en urgence est de nous rendre à la pharmacie qui est équipée d’une cabine de téléconsultation avec du matériel pour prendre sa température ou sa tension par exemple. Je m’en suis servie 2 fois pour des suspicions de covid, et dans l’un des cas, il s’est révélé que j’avais effectivement le virus. J’avoue que cela a été très pratique car j’ai fait le test directement sur place et je suis repartie avec les médicaments mais c’est quand même malheureux d’en arriver là alors que nous vivons en ville. Heureusement que nous n’avons rien de grave et que nous n’avons pas besoin de suivi pour une maladie chronique par exemple.
Jean, 80 ans, vit en Dordogne
Je vis à 7 km d’une ville, mais cependant en pleine campagne. J’avais un médecin traitant mais elle a pris sa retraite il y a deux mois. Avant même qu’elle prenne sa retraite, j’ai tenté de trouver un nouveau médecin traitant, sans succès. Je suis allé interroger des médecins jusqu’à une vingtaine de kilomètres de chez moi, ce qui ne serait en réalité pas du tout idéal pour moi car j’ai désormais du mal à me déplacer. De toute façon, à chaque fois j’ai reçu la même réponse, à savoir que les médecins ne prennent pas de nouveaux patients.
Par ailleurs, j’ai régulièrement besoin de prendre rendez-vous avec des spécialistes, un cardiologue et un neurologue notamment, pour lesquels il y a respectivement 2 mois et 5 mois d’attente. Actuellement, si j’ai un problème de santé, a priori banal, comme une gastroentérite par exemple, ma seule alternative est d’aller aux urgences, qui sont déjà complètement débordées.
Je vais peut-être pouvoir avoir recours à un service de médecins gériatres qui se déplacent sur notre zone, à domicile. J’espère que cela pourra fonctionner car je passe beaucoup de temps à chercher des solutions. Récemment, une amie a fait un malaise chez moi, j’ai tenté d’appeler du secours, mais personne ne pouvait se déplacer rapidement. J’ai fini par l’emmener moi-même aux urgences alors que j’étais si inquiet que je n’étais pas vraiment en état de conduire. Je ne suis pas d’une nature anxieuse, mais j’avoue être soucieux par rapport à cette situation. Si mon état de santé s’aggravait, je ne saurais pas vraiment vers qui me tourner, comment m’organiser. J’essaye de ne pas trop y penser.
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