Nous sommes à un peu plus de la moitié du Défi de janvier. Certains ont craqué pour une coupette avec la galette des rois, d’autres ont tenu bon. Mais le principal est de poursuivre l’aventure pour quelques jours encore même si l’on ne parvient pas à résister à toutes les tentations. C’est en tout cas ainsi que le perçoit et le présente le Pr Amine Benyamina, psychiatre et addictologue, membre du collectif à l’initiative du Défi de janvier.
Le Défi de janvier est-il fait pour tout le monde ?
Amine Benyamina – Tout à fait ! Le Défi de janvier, tel que nous le proposons, est un défi qui fonctionne à tous les coups puisque l’important n’est pas de tenir tout le mois sans jamais boire une goutte d’alcool : l’important est de commencer le défi. Une fois commencé, on a déjà gagné son pari ! Le Défi de janvier n’est ni une contrainte, ni un sevrage. L’idée est simplement de se dire : « Et si j’essayais ? ». Il peut s’agir de faire une pause sobre après les fêtes, de faire un point sur son rapport à l’alcool, de perdre un peu de poids, etc. Peu importe les raisons, l’idée est de participer à un Défi collectif qui est devenu populaire, et qui se veut avant tout ludique. Si l’on parvient à ne rien boire durant tout le mois c’est parfait, si l’on fait le Défi seulement deux semaines ou un jour sur deux c’est aussi déjà formidable. Le principal est que l’on a alors rompu l’habitude de consommer de l’alcool très régulièrement, voire tous les jours, même pour ceux qui ne boivent jamais plus d’un ou deux verres.
Il y a un phénomène de mode autour des défis. Cela ne finit-il pas par lasser certaines personnes ?
Amine Benyamina – C’est vrai, les défis sont à la mode. Cependant, avec le Défi de janvier, on parle de relever un défi de santé publique, pas de réaliser une performance, ce qui n’a parfois pas grand intérêt. Le principe du défi est intéressant car il mobilise une énergie positive. Cela dit les Anglo-Saxons ne parlent pas de défi puisqu’ils ont baptisé cet événement « Dry january ». En France, nous avons choisi le terme de défi en écho au défi brestois qui existait avant le Défi de janvier. Comme son nom l’indique, il a été organisé à l’échelle de la ville bretonne dès les années 1980, et consistait à ne pas boire d’alcool pendant 3 jours. Il y a forcément des personnes qui se lassent des challenges, mais leur résistance à se lancer dans le Défi de janvier n’est peut-être pas tant liée à cette lassitude qu’à l’appréhension d’évaluer leur rapport à l’alcool. Même si le Défi de janvier a de plus en plus de succès, la majorité des Français ne le fait pas… encore ! J’ajoute qu’il est regrettable que cette opération, qui prend de plus en plus d’ampleur chaque année, n’obtienne toujours pas un soutien de la part des pouvoirs publics.
L’aspect « défi » fait-il partie des méthodes utilisé par l’outil de prévention dont nous parlions l’an dernier, à savoir le RPIB pour repérage précoce et intervention brève ?
Amine Benyamina – Effectivement, la notion de défi peut se rapprocher de méthodes utilisées dans le RPIB. Avec le RPIB, on cherche notamment à mettre en évidence un déclencheur motivationnel. Or un défi est en soi un bon déclencheur motivationnel. Le défi joue sur un sentiment d’efficacité personnel. Dans le cas du Défi de janvier, plus on enchaîne les jours sans alcool et plus on augmente sa capacité à résister et la confiance en soi. Se défier pendant un mois, pour beaucoup, va participer à un changement d’habitudes qui perdurera souvent après la fin du Défi de janvier. Nombre de ceux qui ont participé au Défi de janvier disent, par exemple, répondre ensuite moins automatiquement aux sollicitations ou aux invitations à boire. On peut faire le point individuellement sur ses propres motivations à faire une pause dans sa consommation d’alcool pendant le Défi de janvier, mais l’avantage d’un phénomène général, national, valorisé socialement, comme l’est désormais le défi, est qu’il peut aussi suffire de se laisser porter par le mouvement collectif et observer simplement tout au long du mois quel est notre rapport face à l’alcool. On a du mal à le savoir si on n’essaye pas et essayer alors que des dizaines de milliers de participants se poseront les mêmes questions que nous durant le mois de janvier est plutôt rassurant, stimulant. Par ailleurs, ce défi tombe à un moment assez opportun : après les excès des fêtes de fin d’année, nous sommes nombreux à prendre la résolution de faire un peu attention à notre alimentation, à notre consommation d’alcool ou de cigarettes, etc. Ce mouvement collectif est bel et bien un moteur motivationnel en soi.
On a donc intérêt, pour optimiser ses chances d’aller au bout du Défi de janvier, de le faire avec plusieurs personnes ?
Amine Benyamina – Il est plus facile de faire le Défi de janvier en groupe et de le faire savoir. On se sentira alors plus fort pour résister aux tentations, notamment aux invitations plus ou moins insistantes à boire auxquelles la plupart des participants nous disent être confrontés. Cela dit, on remarque aussi que maintenant que le Défi de janvier est de plus en plus connu, ces invitations à boire sont de moins en moins insistantes, d’année en année.
Peut-on se sentir en situation d’échec si l’on s’est lancé dans le Défi de janvier et que l’on n’est pas parvenu à se passer de boire ?
Amine Benyamina – On peut effectivement ressentir un sentiment d’échec si l’on n’a pas tout à fait cerné l’esprit du Défi de janvier, et ce serait très dommage. Il s’agit d’essayer, de participer avant tout et de faire de son mieux. Il faut le prendre comme un jeu ! Je sais, par exemple, que certains, qui le font pourtant tous les ans, ont tendance à boire le premier jour, car finalement le cerveau résiste un peu malgré la bonne volonté. Il n’est pas question de s’en vouloir. Il peut arriver que l’on fasse des entorses parce qu’un moment festif exceptionnel se présente, parce qu’un soir, plus fatigué qu’à l’ordinaire, on n’a pas l’énergie de résister ou parce que l’on se trouve confronté à de réelles difficultés face à l’alcool, révélant peut-être une addiction sous-jacente. Dans tous les cas, on a gagné, puisque l’on a pris soin de soi et initié une prise de conscience. Pour les personnes qui auraient rencontré de très grandes difficultés à se passer d’alcool, le Défi de janvier sera peut-être le déclenchement pour en parler à son médecin traitant et entamer un parcours de soin. Une chose est sûre, avec le Défi de janvier, on ne peut pas échouer : le tenter, c’est déjà être gagnant.
Laisser un commentaire public