Le nombre de Français bénévoles dans les associations est estimé à 12,5 millions. Parmi eux, de moins en moins de seniors, de plus en plus de jeunes. Mais l’engagement, en particulier de ces derniers, est plus ponctuel. Comment les structures associatives vivent ces nouvelles donnes ? Comment s’adaptent-elles ? Eléments de réponse à l’occasion de la Journée Mondiale du bénévolat ce jeudi 5 décembre.
Selon la dernière étude de Recherches et Solidarité La France bénévole, le retour au niveau d’engagement d’avant crise sanitaire et la reprise observée en 2023 se confirment cette année : 24% des Français sont aujourd’hui bénévoles en associations, comme en 2019. Mais désormais, les plus représentés sont les 25-34 ans (30 %), devant les 70 ans et plus (24 % en 2024 contre 34 % en 2019). « Ces dernières années, il y a effectivement un vrai rajeunissement de nos bénévoles, et c’est très bien », se réjouit Coline Cosserat, responsable nationale du Bénévolat et des Engagements chez Les Petits Frères des Pauvres.
Au total, dans cette association qui accompagne les personnes âgées isolées, près de 15 000 bénévoles donnent de leur temps, en majorité de façon régulière. « Tous et toutes se sentent utiles, reprend-elle. Notre richesse est leur diversité. Mais ils ont en commun l’humilité, l’écoute, le goût des autres et l’envie de faire bouger le regard de la société sur les aînés. » Si jusqu’à présent, le « portrait type » du bénévole chez Les Petits Frères des Pauvres correspondait à celui d’une femme, en activité, de 60 ans et plus, il est en train d’évoluer. « Certes, elles restent majoritaires, mais nos données sur les nouveaux arrivants montrent qu’il y a de plus en plus d’hommes qui nous rejoignent, et de plus en plus de jeunes, aussi », confirme Coline Cosserat.
« Sans bénévole, notre association ne peut pas exister »
Du côté d’EndoFrance, association qui soutient les femmes souffrant d’endométriose, ses bénévoles, un peu plus d’une centaine, sont assez logiquement et historiquement des femmes entre 25 et 35 ans. « Par rapport à la maladie qui nous concerne, cette tranche d’âge correspond pour beaucoup à l’âge moyen où le diagnostic est posé, et donc à une prise en charge efficace et à un bon recul sur sa propre histoire. C’est donc le moment où l’on se dit qu’après avoir reçu de l’aide, on peut à notre tour apporter notre soutien à d’autres personnes », explique Yasmine Candau, sa présidente. Leurs missions sont diverses, essentiellement des fonctions de terrain, au contact des personnes malades et de leur entourage. Toutes sont occupées par des femmes atteintes d’endométriose. Elles consistent à répondre à des mails de demande d’informations (30 000 courriels reçus l’an passé), organiser des actions (près de 700 en 2023), comme des groupes de paroles, des tables rondes avec des professionnels de santé, des permanences dans les hôpitaux, etc. Des fonctions support liées à la gestion de l’association sont aussi proposées. « Sans bénévoles, notre association ne peut pas exister, insiste Yasmine Candau. Le bénévolat chez nous est un vrai engagement car on a en face des personnes en souffrance. Cela prend du temps pour acquérir les bons éléments de langage sur la maladie. Mais à la clé, il y a aussi un fort sentiment d’utilité et de fierté. » En moyenne, le bénévolat chez EndoFrance dure dix-huit mois. Cette durée est à corréler avec le fait que la tranche d’âge 25-35 ans, majoritaire dans la structure, correspond souvent à une forte période d’évolution professionnelle et personnelle.
Faire avec le régulier et le ponctuel
Chez Les Petits Frères des Pauvres, les missions des bénévoles sont également nombreuses. La principale : un accompagnement individuel (visite à domicile ou en établissement) une fois par semaine, ou toutes les deux semaines. « Des visites pendant lesquelles, au fil du temps, ils vont créer un lien très particulier, de confiance, avec les personnes âgées isolées. Rentrer dans leur intimité n’est pas forcément simple, d’où le fait de s’engager sur de la régularité, bénéfique pour la personne accompagnée, mais aussi pour soi en tant que bénévole », note Coline Cosserat. L’engagement peut aussi prendre la forme d’un accompagnement collectif ponctuel dans le cadre de séjours vacances ou de réveillons de Noël, ainsi que de missions d’appui aux équipes. « Il est important de travailler de façon complémentaire ces deux aspects, l’engagement régulier et plus ponctuel. Cette cohabitation est essentielle car tout le monde n’a pas les mêmes disponibilités. D’ailleurs, être moins disponible n’est pas propre aux jeunes, les seniors aussi peuvent avoir des agendas personnels bien remplis ! », ajoute-t-elle.
« L’arrivée de jeunes suscite de l’audace, de la créativité »
La dernière étude de Recherches et Solidarité La France bénévole alerte sur la structure des associations. Selon ses conclusions, elle serait en danger, à cause d’une proportion de bénévoles engagés chaque semaine en repli (9 % en 2024 contre 10 % en 2019). EndoFrance mise sur son réseau fort de 3 000 adhérents et sur ses actions, pour donner envie à des femmes de rejoindre l’association durablement. Les Petits Frères des Pauvres s’attachent à garder leur attractivité envers les seniors, tout en capitalisant sur cette jeunesse de plus en plus mobilisée. « Nous avons besoin de toutes les générations, toutes forment notre colonne vertébrale », estime Coline Cosserat.
Quant à l’arrivée plus massive des jeunes, elle est, à bien des égards, bénéfique, poursuit la responsable nationale du bénévolat. « Elle suscite de la créativité, de l’audace, favorisant ainsi la capacité à se réinventer, à penser les choses autrement. Pas seulement au regard des besoins des bénévoles, mais aussi de nos personnes accompagnées. Cela ne se fait pas sans soulever des questions, sans bousculer des équipes parfois encalminées dans des habitudes. Mais ce renouveau a permis de créer un autre lien entre les générations », observe-t-elle.
Un bénévolat à vocation professionnelle
Lou est un des exemples de cette jeunesse engagée. À 23 ans, elle est bénévole au Planning Familial depuis trois ans. Alors étudiante à Lorient (Bretagne), elle est contactée par un groupe de femmes qui souhaite monter une antenne locale de cette association féministe, intersectionnelle et d’éducation populaire. « À l’époque, je ne connaissais pas vraiment la structure mais j’étais déjà féministe. Cela m’a tout de suite motivée. Au lycée, j’avais déjà fait partie de plusieurs associations, sans que cela ne dure vraiment. Là, en colère contre de nombreuses injustices et discriminations, je me suis reconnue tout de suite dans les causes défendues » raconte-t-elle. Rapidement, elle trouve sa place auprès de personnes vibrant pour les mêmes combats qu’elle et dans des actions concrètes sur le terrain : « Aller parler à des jeunes qui ont l’âge de mes frères et sœurs ou le même que le mien, il n’y a pas si longtemps encore, les faire réfléchir, leur donner des informations sur l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle qui m’auraient été utiles quelques années auparavant, c’était chouette ! Je me sentais utile ». Son bénévolat lui prend beaucoup de temps, ponctué de plusieurs réunions par semaine, d’interventions ou de formations le week-end. « J’avais doublement de la chance, je bénéficiais du statut d’étudiant engagé à la fac, ce qui m’a permis de dégager pas mal d’heures pour le Planning Familial. J’avais aussi un contrat rémunéré entre un lycée et l’université, qui ne m’obligeait pas à avoir un autre travail pour payer mes études », explique-t-elle.
Aujourd’hui, Lou est plus qu’à temps plein dans l’association, entre Bretagne et Paris. Après y avoir fait un service civique l’an passé, elle y poursuit son bénévolat, mais dans une moindre mesure, ayant été embauchée en alternance par le Planning familial en septembre dernier comme assistante ingénierie formation. « Décrocher ce poste sans mon bénévolat n’aurait pas été possible. En plus des clés de compréhension du monde qui me sont utiles tous les jours et des compétences très différentes de mon parcours universitaire en lettres que j’ai acquises, être bénévole au Planning Familial m’a apporté beaucoup. Ce n’est pas sur les bancs de la fac, par exemple, que j’ai su ce que j’aimais faire, ni ce que j’avais envie de faire de ma vie. C’est vraiment grâce au bénévolat que j’ai pu mieux me connaitre et trouver une orientation professionnelle. Ça a fait naître une vocation », confie-t-elle, dans un grand sourire.
Un article complet et bien documenté !