Dons d’organes : un protocole strict en France

Le don d’organes hors de danger ? Après un bond spectaculaire des inscriptions au registre national des refus fin octobre, suite à un fait divers américain faisant état du réveil d’un homme au début de l’opération visant à prélever certains de ses organes, leur nombre est revenu à la normale. Tous les acteurs s’en félicitent, à commencer par les près de 22 000 personnes en attente d’une greffe.

Tectonique des plaques ou effet domino, quoi qu’il en soit le buzz médiatique autour du cas non avéré – une enquête est en cours – d’un Américain de 36 ans qui serait revenu à la vie lors d’une opération destinée à prélever une partie de ses organes, a suscité immédiatement un afflux d’inscriptions au registre national des refus qui compte environ 500 000 noms. Rappelons qu’en France, en l’absence d’inscription sur ce registre, toute personne décédée est, selon les termes de la loi, présumée consentante aux dons de ses organes et/ou tissus humains.

Durant une semaine, mi-octobre, le nombre d’inscriptions est passé de 100 à plus de 1 000 par jour, selon Marine Jeantet, directrice de l’Agence de la biomédecine, invitée de l’émission Carnets de santé, le 9 novembre dernier sur France Culture. Aujourd’hui l’agence, dont l’une des missions est la promotion du don d’organes et de tissus humains, l’assure : le vent de panique est retombé aussi vite qu’il était monté. Et sur le terrain, cette « news » reprise en boucle par les médias n’a eu aucune incidence sur l’activité de greffe et/ou de prélèvement dans les centres hospitaliers.

« En France, ça ne peut pas arriver, affirme André Le-Tutour, le vice-président de la Fédération nationale des déficients et transplantés hépatiques (Transhépate). Les unités de coordination hospitalière des prélèvements d’organes et de tissus travaillent en étroite collaboration avec les services de réanimation, où les personnes qui ont été déclarées en état de mort cérébrale sont envoyées. » De fait, la procédure pour déclarer la mort encéphalique, autrement dit la destruction irréversible du cerveau, est très encadrée. Parmi les multiples obligations, outre qu’il faut connaître la cause du décès, il faut aussi éliminer tous les facteurs confondants, qui pourraient simuler une mort alors que le patient n’est pas décédé (prise de stupéfiants, par exemple), et pratiquer toute une batterie d’examens. Et l’ensemble des paramètres recueillis, soulignait Marine Jeantet, le 9 novembre dernier, sont constatés par deux médecins seniors différents qui signent deux certificats de décès. « C’est le seul cas, en France, où on demande un certificat signé par deux médecins pour être sûr qu’ils aient la même interprétation, séparément. »

Faire reculer le taux d’opposition

Ces précisions sont d’autant plus importantes et indispensables que la demande de prélèvement d’organes est souvent faite dans des circonstances dramatiques, à la suite du décès brutal, accidentel ou non, d’un proche, enfant ou conjoint, notamment. Rassurer les citoyens, dans pareils contextes, est essentiel.

Or, se désole André Le Tutour, « ce genre d’information non vérifiée est totalement contre-productif et peut détruire un travail de plusieurs années de sensibilisation de la population au don d’organes et de tissus humains. » D’autant que la défiance à l’égard de ce don reste très prégnante, voire préoccupante, comme en atteste la hausse constante du taux d’opposition établi à 36,1 % en 2023, soit une hausse de 9,4 % par rapport à 2022 – en Espagne, il est stable à 15 % depuis plusieurs années. Début 2024, 21 866 patients, dont une majorité est atteinte d’insuffisance rénale, étaient en attente d’une greffe, dont 11 422 exactement en liste active. En 2023, 823 personnes en liste d’attente sont décédées, faute de greffe.

Le travail d’information mené l’ensemble des acteurs du don d’organes est un préoccupation constante. Le 28 octobre dernier, Renaloo, la voix des maladies du rein, a émis une dizaine de propositions pour faire reculer l’opposition au don d’organes. Cette urgence éthique, selon les termes de l’association, a fait l’objet d’une publication intitulée La Déclaration de Paris.

Et de son côté, le collectif Greffe+, qui regroupe entre autres Transhépate, Greffe de vie, France Rein et Vaincre la Mucoviscidose, a initié en 2023 le projet des villes ambassadrices du don d’organes (VADO), une action qui permet aux élus et citoyens de s’engager aux côtés des soignants, des patients et de leurs proches, pour sauver plus de vies. Plus de 700 villes ont adhéré à ce projet en faveur du don, dont le symbole est un ruban vert. « Le collectif Greffe+ participe au Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, dont la 106e édition se tiendra les 19, 20 et 21 novembre 2024, à Paris. Une communication a d’ores et déjà été envoyée aux 36 000 communes françaises pour les inviter à signer la charte ville ambassadrice », rapporte André Le-Tutour. Et le réseau des ambassadeurs du don ne cesse de s’agrandir, se félicite-t-il, avec des pharmacies, des entreprises et désormais des clubs sportifs, porte d’entrée essentielle pour sensibiliser les plus jeunes.

« La greffe est un traitement inestimable, observe le vice-président de la Fédération nationale des déficients et transplantés hépatiques. Elle permet de prolonger la vie de milliers de personnes. J’en suis un exemple, moi qui vis depuis 35 ans avec le même greffon. » Chaque jour, entre 2 et 3 personnes décèdent en France faute d’organes.

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