Dans les quatre départements et régions d’outre-mer (DROM) que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, la prévalence du diabète est plus de deux fois supérieure à celle relevée dans l’Hexagone. Comment lutter contre ce fléau qui engendre de nombreuses et sévères complications de santé ? Faisons le point sur la situation dans ces DROM, en ce 14 novembre, date de la Journée Mondiale du diabète.
En quelques chiffres
Le baromètre de Santé publique France de 2021 révèle que les prévalences du diabète connu, chez la population adulte (18-85 ans), à la Réunion, en Guadeloupe, en Guyane et à la Martinique sont respectivement de 13,6 %, 12 %, 11,6 % et 11,5 %. A titre de comparaison, en France hexagonale, la prévalence en 2016 chez les 18-74 ans était de 5,7 % et dans le monde en 2021, chez les 20-79 ans, elle atteignait 10,5 %, toujours selon Santé publique France.
La proportion des femmes touchées dans ces DROM par le diabète est également plus élevée : 59 % en Guadeloupe et Martinique, 57 % en Guyane, 54 % à La Réunion, contre 45 % dans l’Hexagone. En revanche, l’indice de masse corporel (IMC) moyen des personnes souffrant de diabète dans ces 4 territoires est plus faible, même si la majorité des malades est en surpoids. On note aussi un âge moyen de diagnostic plus jeune à La Réunion et en Guyane (63 et 61 ans) comparé aux Antilles (68 ans en Guadeloupe et 67 ans en Martinique) ou à l’Hexagone (68 ans). On remarque aussi dans les résultats de l’étude Entred que les personnes diabétiques ultra-marines présentent, dans l’ensemble, davantage d’indicateurs sociaux-économiques défavorables qu’en France hexagonale.
Lutte contre la sédentarité
D’après l’Observatoire Régional de Santé (ORS) de La Réunion, seuls 6 personnes sur 10, quel que soit leur âge, atteignent le niveau recommandé d’activité physique, et un tiers des Réunionnais passent plus de 3 heures par jour sur leurs écrans, en dehors de toute activité professionnelle. Passer plus de trois heures par jour devant un écran concerne même plus de la moitié des 18-30 ans.
De façon générale, à La Réunion comme aux Antilles, le climat chaud et le manque de transports en commun n’encouragent pas à se déplacer à pied. Des initiatives ont pourtant vu le jour pour inciter à bouger. En Guadeloupe, des « Parcours sportifs de santé sécurisés » (P3S) ont été mis en place un peu partout sur le territoire, assortis d’interventions régulières d’éducateurs formés en « sport et santé ». Cependant, pour Marie-Elise Sextius, l’environnement en Guadeloupe reste obésogène. Selon elle, l’aménagement de pistes cyclables, par exemple, pourrait déclencher de nouvelles habitudes de vie…à ceci près que les familles en situation de précarité, dont on sait qu’elles sont plus à risque de souffrir d’obésité ou de diabète, parfois dès l’enfance, n’ont pas les moyens de s’offrir des activités physiques ou sportives.
Des mesures ont été prises pour tenter d’inverser la tendance, comme la pratique de 30 minutes de sport supplémentaires à l’école. Cependant, la présidente d’AGOSSE note que bien souvent, les enfants en situation d’obésité suivis par son association sont justement dispensés de sport. Il s’agit en réalité de sensibiliser sur cet enjeu de la sédentarité, non seulement la population générale mais aussi en amont les décideurs, comme les élus ou les prescripteurs, dont les médecins généralistes.
Des territoires mobilisés pour passer à l’action
Heureusement les lignes bougent. En Guadeloupe, Marguerite Kancel se félicite de voir qu’une amélioration des habitudes de vie de la population est en marche. L’AFD régionale, qui compte environ 25 bénévoles formés, est bien soutenue par l’agence régionale de santé (ARS) et la Sécurité sociale de Guadeloupe, même si les moyens manquent pour déployer suffisamment d’actions de terrain. « Chaque semaine, nous sillonnons l’île pour mieux faire connaître et prévenir le diabète. Nous organisons des groupes de parole, des rencontres de proximité, des séances d’activité physique, des ateliers de cuisine. Si jusqu’ici le diabète de type 2 touchait surtout les personnes âgées, aujourd’hui il touche aussi des adultes actifs. On ne peut plus concentrer nos efforts sur les publics seniors uniquement. Il nous faut aussi déployer des actions auprès des entreprises pour encourager l’activité physique notamment », rapporte Marguerite Kancel.
A La Réunion, la délégation de France Assos Santé a fait partie des 12 partenaires de l’ARS réunis autour de l’ambitieux Programme Réunionnais de Nutrition et de lutte contre le Diabète (PRND) 2020-2023 qui avait fixé 3 objectifs : réduire les facteurs de risques, dépister précocement et mieux traiter pour réduire les complications du diabète. Car si l’enjeu est important en termes de prévention des facteurs de risques et de la prévalence, il l’est aussi en ce qui concerne la prise en charge des patients diabétiques.
La prise en charge des personnes diabétiques en question
A La Réunion, Véronique Minathy fait état d’un manque de spécialistes (ophtalmologues, cardiologues, dentistes…), pourtant nécessaires pour suivre correctement les personnes qui ont un diabète, et prévenir ainsi les éventuelles complications. Louise, 72 ans, vit en Guadeloupe. Elle souffre d’un diabète de type 2 depuis plus de vingt ans et ne trouve plus d’endocrinologue qui aurait des disponibilités pour la recevoir. Elle n’est donc plus suivie que par son médecin généraliste. Marguerite Kancel confirme que si la plupart des Guadeloupéens ont un médecin traitant, obtenir un rendez-vous avec un diabétologue est plus difficile malgré l’aide, pourtant assez bien organisée en Guadeloupe, du service SOPHIA de l’Assurance maladie, qui propose un accompagnement individualisé des patients chroniques.
Ces constats recoupent les statistiques de l’étude Entred qui indique que le recours à un généraliste, dans les 12 derniers mois, pour les personnes diabétiques interrogées, était de 91 % en Guadeloupe et 93 % en Martinique, soit le même taux que celui relevé dans l’Hexagone. En revanche, le taux n’est que de 86 % à La Réunion et de 70 % en Guyane, très défavorisée. Et seules 15 % de ces personnes avaient eu recours à un endocrinologue à La Réunion et 19 % en Martinique contre 22 % dans l’Hexagone. Les habitants ultra-marins sont également plus exposés aux risques de complications liées au diabète. L’étude Entred rapporte qu’« en population diabétique, les hospitalisations pour amputations de membres inférieurs étaient, respectivement 1,5 et 1,3 fois plus fréquentes en Martinique et à La Réunion, en 2021, par rapport au reste de la France ; les hospitalisations pour accident vasculaire cérébral (AVC) étaient 1,5 fois plus fréquentes à La Réunion et les hospitalisations pour insuffisance rénale chronique terminale 2 fois plus fréquentes en Martinique, 1,7 fois à La Réunion, 1,6 fois en Guyane et 1,3 fois en Guadeloupe ».
Pour terminer sur une note positive, donnons la parole à Josèphe, 73 ans, qui vit en Guadeloupe et souffre d’un diabète de type 2 depuis trente-sept ans. « Grâce à une activité physique régulière, une perte de poids en 2019, un approfondissement de mes connaissances sur le diabète et ma participation à un programme d’ETP, j’ai réussi à maintenir un bon équilibre de mes glycémies ces dernières années et à sentir un mieux-être au fur et à mesure que j’améliorais mon mode de vie, raconte-t-elle. Cela vaut la peine d’être acteur de sa santé même si, dans le cas du diabète, il s’agit d’un long parcours qui nous confronte forcément à des difficultés ».
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