Faire « pour et avec » les patients-usagers-citoyens : visite de la MSP participative de Rennes Nord/Ouest

A la Maison de Santé pluriprofessionnelle (MSP) Rennes Nord/Ouest, dont la spécificité est d’être multisites, travailler en partenariat avec tous les acteurs médico-sociaux du quartier et s’intégrer au plus près des besoins des usagers en les incluant en amont de tous les projets est une évidence et un engagement depuis le début de son aventure.

Candidater pour participer à l’expérimentation SECPA, structure d’exercice coordonnée participative, allait donc de soi. Le point avec l’équipe de la MSP rennoise sur ce qui a changé depuis mars 2022, date de son intégration dans le programme SECPA.

A la MSP Rennes Nord/Ouest, la notion de participation des usagers est un principe ancré dans le fonctionnement de l’association qui la gère depuis sa création, en 1979. En effet, plusieurs usagers sont membres du bureau de l’association et/ou du conseil d’administration. Par ailleurs, les « patients-usagers-citoyens » sont largement encouragés à mettre en place des actions et projets sur des thématiques de santé et de bien-être. Isabelle Jusselin, infirmière en charge des actions de santé participative à la MSP ajoute qu’il a été question de mettre en place une commission des usagers mais que pour l’instant, trop peu de candidats se sont manifestés pour la formaliser. « Cela ne veut pas dire que nous n’y parviendrons pas car il faut pouvoir prendre en compte ceux qui sont au cœur du soin et du quartier. Les habitants sont plus à même de savoir ce qui leur est utile et leur convient. Dans l’ensemble, nous faisons toujours en sorte que nos actions soient orientées sur leurs besoins et attentes », précise-t-elle.

Elle remarque cependant que les usagers les plus impliqués au sein de l’association et de la MSP ne sont pas forcément représentatifs de la population alentour. Il y a dans les quartiers de Beauregard et Villejean, au cœur desquels la MSP est implantée, une richesse multiculturelle que l’association souhaiterait retrouver dans ses instances.  En attendant, les équipes de la MSP prennent le temps d’aller sur le terrain pour rencontrer l’ensemble de la population desdits quartiers, afin de bien comprendre leurs besoins.

Ainsi, l’un des premiers axes d’amélioration de la démarche participative, que le financement SECPA a permis pour la MSP, a été d’envoyer sur le terrain, durant trois mois, un binôme ayant pour mission de questionner les habitants ainsi que les principaux acteurs de la santé et du champ social du quartier, pour mieux cerner leurs problématiques. Un tel travail était d’autant plus important que la MSP Rennes Nord/Ouest est multisites et rassemble pas moins de 115 professionnels de santé pour 22 000 habitants sur son territoire.

L’apport de l’expérimentation SECPA 

En premier lieu, les 115 professionnels de santé et 22 000 habitants ont pu être épaulés par une équipe élargie de coordinateurs, médiateurs et accueillants en santé qui compte désormais 10 salariés. « Comme nous faisions depuis longtemps en sorte de faciliter l’accès, pour nos patients, à des thérapies normalement non remboursés par l’Assurance maladie, comme l’ergothérapie ou la psychomotricité, nous mobilisions du temps de coordination pour chercher des financements externes, au détriment d’actions ou d’accompagnement au plus proche des usagers », souligne Johanna Abolgassemi, directrice de la MSP.

Par ailleurs, les informations obtenues par le binôme envoyé sur le terrain ont permis de faire remonter les principales thématiques sur lesquelles les personnes interrogées avaient des attentes, comme l’alimentation, l’activité physique, la santé mentale, la santé respiratoire ou encore l’isolement des personnes âgées, pour lesquelles les équipes de la MSP et ses partenaires ont prioritairement porté leurs efforts. Cette meilleure appréhension de la population, qui compte de nombreuses personnes allophones, s’est également trouvée enrichie grâce à la dotation de SECPA spécifiquement dédiée à l’interprétariat professionnel en santé (lire notre article sur l’interprétariat de ville).

Ces bases de travail se sont soldées par des actions où la participation des usagers a été encouragée, en même temps que celle des professionnels de santé de la MSP qui ont été sollicités à venir à leur rencontre lors de divers ateliers collectifs, dont beaucoup ont pu voir le jour ou se pérenniser grâce à l’expérimentation. Ainsi Béatrice, usagère volontiers participante à de nombreuses actions de la MSP raconte qu’elle a été particulièrement touchée par l’intervention d’un médecin venu lors de l’atelier sur la santé respiratoire : « On l’a senti concerné. Il était discret et a pris la parole comme tout le monde. Il nous a dit avoir appris des choses et a manifesté l’envie de revenir. Cela m’a vraiment surprise ». Parmi les rendez-vous auxquels Béatrice se rend régulièrement, il y a les cafés-santé hebdomadaires. Nées à la suite d’une permanence tenue au centre social par Isabelle Jusselin, lié au dispositif de soutien psychologique « boussole » mis en place grâce à SECPA, les rencontres ont peu à peu pris la forme d’un rendez-vous convivial, entièrement coconstruit avec la participation des usagers, animé par Isabelle et parfois préparé en amont avec l’aide des professionnels de santé lorsqu’un thème particulier demande à être abordé par les usagers. Béatrice précise : « Le concept de santé participative m’effrayait un peu au début. Je me demandais ce que je pouvais apporter. En réalité, cela se fait tout seul. J’ai repris confiance grâce aux cafés-santé car cet été j’avais abandonné tous les traitements que je prends contre le diabète. Je ne comprenais pas pourquoi on me prescrivait telle ou telle chose, cela m’agaçait et je me suis retrouvée à l’hôpital. J’ai besoin d’être accompagnée, car seule je m’épuise et les cafés-santé m’aident beaucoup ».

Objectif, prévention et promotion de la santé

Ainsi que le prévoit le cahier des charges de l’expérimentation, les dotations reçues par la MSP de Rennes Nord/Ouest ont permis de mettre en œuvre ou de stabiliser plusieurs dispositifs d’accompagnement individuels ou collectifs et actions de prévention ou de promotion de la santé. En même temps que la montée en puissance de l’interprétariat en santé, ce sont, entre juin 2022 et fin 2023, plus de 200 demandes d’usagers pour de la médiation en santé qui ont été enregistrées. Ces demandes concernent tout particulièrement les droits de santé, les accompagnements vers les soins ainsi que les problématiques sociales ou administratives. En parallèle, le dispositif « Boussole », grâce à une coordination médico-psycho-sociale au niveau local, en plus des rendez-vous collectifs des cafés-santé et des marche-santé, a donné lieu à 884 consultations de soutien psychologique, selon des chiffres de fin 2023. Enfin, grâce à SECPA, les animations en faveur de la prévention et de la promotion de la santé se sont multipliées, souvent mises en place dans une démarche « d’aller vers » et en co-construction avec les usagers et les partenaires du quartier. Le succès de ces animations variées et qui s’adressent à tous les publics montrent à quel point les formats collectifs sont plébiscités d’autant que les équipes se rendent compte qu’ils sont un tremplin vers le lien social puisque les usagers qui s’y rencontrent se revoient souvent en dehors de ces rendez-vous. Citant encore, parmi la dizaine d’ateliers proposés, les plus originaux, en espérant qu’ils seront une source d’inspiration, comme les ateliers « papotes et bricoles » (animé par une ergothérapeute et une orthophoniste), l’accompagnement du passage en 6e (4 ateliers et une réunion bilan pour une dizaine d’enfants et parents visant à prévenir les phobies scolaires) ou encore les ateliers « cirque adapté », qui sont des séances pour enfants souffrant de troubles psychocorporels, animées par une ergothérapeute, une orthophoniste et un artiste circassien.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier