« Reposez-vous ». Cela a été l’injonction adressée aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson pendant des décennies. On sait désormais que l’activité physique est essentielle pour en ralentir l’évolution. Reste à la rendre accessible à tous.
De la maladie de Parkinson, on ne sait pas grand-chose avant d’y avoir été confronté. Pour beaucoup, elle se résume à des tremblements généralisés et incontrôlables que les médicaments ont bien du mal à apaiser. La réalité est bien éloignée de cette représentation simpliste. « Cette maladie neuro-évolutive se caractérise par un ralentissement dans l’exécution de certains gestes vifs et répétitifs, comme le brossage de dents, l’épluchage de légumes ou la marche rapide, décrit le Dr Teodor Danaila, neurologue et responsable du Centre expert Parkinson de Lyon. Elle entraîne aussi une rigidité provoquée par une contraction anormale des muscles, essentiellement au niveau des petites articulations. Quant aux tremblements des membres au repos, ils ont fréquemment un aspect asymétrique et ne concernent que 60 % des malades. Enfin, à ces symptômes moteurs s’ajoutent d’autres manifestations : anxiété, idées tristes, fatigue, troubles du sommeil, difficultés d’attention, de concentration, de planification… » Autant d’anomalies qui résultent de lésions affectant certains neurones dits dopaminergiques, situés au cœur du cerveau, dans le locus niger. Leur rôle : produire la dopamine, « un neurotransmetteur indispensable à la fois à la motricité, la cognition et aux émotions », reprend le Dr Danaila.
Freiner l’évolution du handicap
Pour restaurer la production de dopamine, des médicaments sont mis au point depuis la fin des années 1960. « S’ils ont bien progressé et permettent aujourd’hui une survie proche, voire identique à celle de la population générale, ils ne règlent pas le problème de la qualité de vie. Car aucun d’entre eux ne freine l’évolution de la maladie : ils ne font qu’en masquer les symptômes », observe le spécialiste. Ils sont en outre de moins en moins efficaces à mesure que la pathologie avance, et peuvent induire des effets indésirables. Par exemple, dans 40 % des cas, les agonistes dopaminergiques modifient le comportement et génèrent des addictions ou des compulsions.
Il existe pourtant un autre traitement dont la capacité à atténuer les troubles présents et à prévenir l’évolution du handicap et de la perte d’autonomie est prouvée : l’activité physique. « Elle est aussi importante que les médicaments dans la prise en charge de la maladie », explique Amadine Lagarde, la directrice générale de France Parkinson. L’Organisation Mondiale de la santé recommande une pratique hebdomadaire d’une durée de 75 minutes d’activités intenses ou 150 minutes d’activités modérées. « Pour tirer le meilleur de l’exercice physique, il faudrait en réalité dépasser ces préconisations et pratiquer a minima 30 minutes par jour jusqu’à l’essoufflement, précise Amadine Lagarde. Toutes les activités sont envisageables à partir du moment où elles n’exposent par à un risque de choc. La marche nordique est par exemple très pratiquée : elle est intensive et permet, grâce aux bâtons, de travailler la coordination. » Depuis 2014, Teodor Danaila conduit le programme SIROCCO dans le Centre d’expertise de Lyon. Les patients qui ne sont pas affectés par un handicap majeur ou des douleurs invalidantes y sont accueillis pendant cinq semaines consécutives pour pratiquer cinq à six heures d’activités de rééducation intensive par jour (orthophonie, kinésithérapie, activité physique adaptée, waterpolo…). « Dès les premiers groupes, nous avons constaté une amélioration très importante à la fin du programme en termes d’équilibre et de mobilité, et avons même souvent dû revoir à la baisse les traitements médicamenteux des patients », relève le neurologue. En comparant l’activité cérébrale pendant la marche, avant et après le stage, l’équipe du Dr Danaila a pu constater des différences étonnantes : « La maladie de Parkinson est une sorte de modèle de vieillissement très accéléré. Avec la spectroscopie, nous avons observé une réorganisation profonde des boucles corticales, au niveau du lobe frontal. Autrement dit, l’activité physique a inversé les modifications provoquées par la maladie ».
Marche plus fluide et bonne humeur
Si Murielle Dimitri n’a pas participé au programme SIROCCO, cette ancienne professeure de danse diagnostiquée en 2019 peut néanmoins constater les bénéfices de l’activité physique. « Je pratique la marche rapide 1h30 par jour, cinq fois par semaine. J’y ajoute trois séances hebdomadaires de gainage et de stretching, du chant pour travailler ma voix, de la sophrologie pour les techniques d’endormissement… Si je cesse cet entraînement pendant quelques jours, d’importantes contractures dans la jambe gauche et des crampes nocturnes très douloureuses que j’ai réussi à faire disparaître refont surface. » Cet agenda de championne permet aussi à la sexagénaire de retrouver un pas fluide, débarrassé de toute raideur. « Je constate par ailleurs que je suis de bien meilleure humeur, mon mari peut le confirmer ! » De son côté, à 82 ans, Ginette Alazard, malade depuis dix ans, se rend à pied deux fois par semaine chez son kinésithérapeute pour une heure de vélo et de travail d’équilibre, de mobilité et de renforcement musculaire. « Je me suis aussi acheté un vélo d’appartement semi-couché que j’utilise chez moi trente minutes tous les jours. Je viens de dépasser la barre des 1000 km ! Je me sens en forme, je suis même moins fatiguée quand je sors de chez le kiné que lorsque je commence ma séance », témoigne-t-elle.
La solution semble donc toute trouvée : du sport pour toutes les personnes malades. Pas si simple… Dans une enquête dont les résultats ont été dévoilés en mars 2024, France Parkinson relève que 17 % des patients ne pratiquent pas d’activité physique et que 30 % ont réduit leur pratique depuis qu’ils ont reçu le diagnostic. En outre, seule une minorité parvient à respecter les durées hebdomadaires recommandées par l’OMS – elles-mêmes inférieures aux durées efficaces. « Ces lacunes sont avant tout dues à un défaut d’orientation dès le début de la prise en charge, regrette Amandine Lagarde. Le diagnostic est souvent posé par un neurologue libéral ; les patients repartent avec une prescription de médicaments et un prochain rendez-vous fixé plusieurs mois plus tard. Il y n’ajoute que rarement des séances de kinésithérapies. Même si l’activité physique a pu être évoquée pendant la consultation, la sidération de l’annonce fait qu’ils ont peu retenu cet aspect et ignorent vers qui se tourner. Ils restent alors des mois avec une information parcellaire. »
La nécessité d’un nouveau parcours de soins
Autre problème, le sport sur ordonnance n’est en l’état pas envisageable, sa prise en charge n’étant pas prévue dans le cadre de l’ALD Parkinson. « Il manque clairement dans le parcours de soins un professionnel de santé qui pourrait transmettre les connaissances essentielles et prescrire de l’activité physique dès le départ », résume la directrice de France Parkinson. Pour l’association, les kinésithérapeutes sont les meilleurs interlocuteurs pour remplir ce rôle. C’est dans cette optique qu’elle a proposé l’année dernière, avec la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes, une modification du parcours de soin des patients consistant à proposer systématiquement une consultation chez un kiné dès la pose du diagnostic. « S’il n’est pas prescrit d’emblée par le neurologue, cet entretien pourrait être déclenché automatiquement avec la mise sous ALD, précise Amadine Lagarde. Il servirait à fournir des informations de base, expliquer l’intérêt de pratiquer de l’activité physique, réfléchir aux sports et aux exercices pouvant être envisagés… » La mesure a été soumise au Collège de la Masso-kinésithérapie dont le retour est attendu dans l’année, avant une éventuelle reconnaissance du nouvel acte par la Haute Autorité de santé afin qu’il intègre la nomenclature et puisse être remboursé.
Il restera alors un dernier écueil à surmonter : la formation des kinés. « Leur formation initiale évoque peu la maladie de Parkinson, souligne Amadine Lagarde. Leurs connaissances passent donc par la formation continue, ce qui explique qu’ils sont nombreux à méconnaître les spécificités de la prise en charge de la pathologie. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les neurologues n’ont pas suffisamment le réflexe d’orienter leurs patients vers ces professionnels de santé. »
Bonjour je trouve cet article particulièrement bien documenté et réalisé. Il peut être complété de recommandations complémentaires pour une alimentation anti-inflammatoire, pour un sommeil réparateur suffisant et une gestion de stress qui avec l’activité physique adaptée forment les 4 piliers de notre équilibre et complementent notre traitement medicamenteux. Corinne 66 ans diagnostiquée de la maladie de Parkinson il y a 24 ans, à l’âge de 42 ans, patiente ressource.