Faire la fête sans alcool, est-ce possible ?

Le défi du mois de janvier sans alcool, qui nous vient d’outre-Manche où il s’appelle le « Dry January », vient de commencer. C’est en France, la quatrième année qu’il a lieu et son succès est grandissant (lire notre article sur cette quatrième édition).

Pour chacun, c’est l’occasion de faire un point sur sa consommation d’alcool, et tester, tout simplement, s’il est possible de s’en passer et quelles sont notamment les moments ou occasions où il est difficile de ne pas se laisser tenter. Les événements festifs, comme les anniversaires ou partager la galette des rois sont, pour beaucoup, des moments exceptionnels où il est difficile de refuser un verre, d’autant que bien souvent, même si on est soi-même très motivé, on peut se laisser influencer par la pression sociale.

Pour avoir quelques conseils sur le sujet, nous avons interrogé l’association Alcool Ecoute Joie & Santé, pour comprendre comment d’anciens malades dépendants à l’alcool étaient parvenus à devenir abstinents et les stratégies qu’ils avaient mis en place pour éviter les tentations lors d’occasions festives.

« A l’association, certains partagent le fait qu’ils se sentent un peu nostalgiques, gênés au moment où les fêtes arrivent, en sachant qu’au moment de trinquer au champagne, eux trinqueront à l’eau pétillante. Mais est-ce déshonorant ? Faut-il absolument avoir un verre d’alcool pour se souhaiter la nouvelle année par exemple ? », lance Jean-Gilles Vincent, président de l’association Alcool Ecoute Joie & Santé

Une question de personnalité, et pour beaucoup d’abstinents, des périodes d’adaptation, pour soi et sa famille, sont nécessaires avant de se retrouver dans des contextes festifs

« Certains, après un sevrage, ne vont pas modifier leur comportement. Ils réussissent à se retrouver en milieu festif après leur sevrage car ils ont une forte personnalité et savent dire non efficacement. », a remarqué Jean-Gilles Vincent, en écoutant les nombreux témoignages des personnes dépendantes à l’alcool qu’il a rencontrées ces dernières années au sein de l’association Alcool Ecoute Joie & Santé. Aujourd’hui, après 21 ans d’abstinence, il profite des fêtes comme lorsqu’il avait 20 ans mais a mis en place des stratégies pour ne pas être tenté, car il reconnaît qu’il ne fait pas partie de ces personnes qui savent dire « non » sans équivoque. Au début, il a donc éliminé toute trace d’alcool à la maison, jusqu’au déodorant qui en contenait. Il a également évité les situations qu’il savait à risque de consommation. Il rapporte cependant que chacun s’y prend différemment et que l’un des membres de l’association, au contraire, en sortant de cure, est allé avec sa femme remplir le bar de la maison et s’était mis au défi de ne pas y toucher. Il voulait aussi pouvoir passer dans les rayons d’alcool d’un supermarché sans difficulté et a préféré affronter ce genre de situations dès le début.

Pour Pierre Bourquin, président de l’Ain de la même association et abstinent depuis 33 ans, cette période d’adaptation, comme pour beaucoup d’anciens malades alcooliques, a été difficile. Il explique que dans un premier temps, il a évité tous les endroits à risque de consommation d’alcool et que lorsqu’il était invité à une fête, il s’y préparait. « Dans les occasions festives, pour être certain que l’on ne me serve pas d’alcool, j’avais toujours à la main un verre plein d’une boisson sans alcool. Je précise que ce n’est pas si facile de voir les autres boire et de se retenir, de se dire qu’eux arriveront à s’arrêter après un ou deux verres, mais que moi, j’ai un risque énorme de retomber dans la dépendance si j’y goûte. Ma famille m’a beaucoup soutenu et il n’y pas eu d’alcool à la maison pendant au moins un an ou deux. Lors des fêtes de famille, chacun faisait en sorte de ne pas boire devant moi. Nous n’en avons jamais vraiment parlé avec mes frères et sœurs, mais ils ont vite compris que j’étais déterminé à ne plus boire une seule goutte d’alcool. Ils m’ont respecté et m’ont encouragé souvent. Au fil du temps, on se renforce face aux tentations et maintenant, ils peuvent boire devant moi sans que je sois tenté. », relate Pierre Bourquin.

Changer profondément ses habitudes de vie

On imagine sans peine le bouleversement social que cela représente pour des personnes qui désirent arrêter de boire alors qu’ils souffrent de ce que l’on appelle « l’alcool mondain ». Jean-Gilles Vincent explique que des personnes pris dans cet engrenage, ne boivent peut-être pas seuls chez eux, mais sont à l’affût de la moindre occasion de se retrouver dans des situations où ils savent qu’ils pourront consommer. Finalement, il ne se passe pas un jour sans qu’ils boivent de nombreux verres d’alcool. Pour eux, éviter les situations à risque de consommation nécessite de revoir profondément leurs habitudes de vie. « Le danger est que ces personnes s’isolent, tombent en dépression, trouvent cette nouvelle vie sans intérêt, et finalement replongent. », explique Jean-Gilles Vincent. Il explique cependant que changer ses habitudes de vie est souvent inévitable, même si l’on n’a pas « l’alcool mondain ». De retour à la maison, après son dernier sevrage, il a notamment réalisé qu’il fallait qu’il remplace le temps qu’il consacrait jusque-là à l’alcool par d’autres activités. Pour lui, ce changement est passé par son investissement au sein d’une association d’aide aux personnes en difficulté avec l’alcool. Il insiste d’ailleurs sur le fait que ce type d’associations est précieux pour permettre aux personnes en sevrage de maintenir du lien social soutenant.

L’histoire de Pierre Bourquin illustre bien ce changement d’habitudes et d’entourage social. Il se souvient de l’un des déclics qui l’ont amené à prendre conscience de son problème d’alcool. Alors qu’il croisait une connaissance et lui demandait pourquoi il ne venait plus jouer aux cartes au café, comme il en avait l’habitude, cette connaissance lui a répondu qu’il préférait ne pas venir pour éviter les tentations car il avait un problème avec l’alcool. La première réaction de Pierre a alors été de se moquer de lui. Pourtant quelques semaines plus tard, pris dans de tels problèmes d’argent, de couple, de santé, Pierre demande à aller se faire soigner en cure au même endroit que son camarade de bistrot. « Voici 33 ans maintenant que je suis abstinent et que je n’ai pas remis les pieds dans un bistrot. Lorsque je buvais, je fréquentais 14 cafés. Depuis 9 ont fermé. C’est dire l’argent et le temps que j’y consacrais ! Il est indispensable de s’entourer de gens qui vous veulent du bien, d’accepter que certains amis n’en sont peut-être pas vraiment s’ils ne vous soutiennent pas et de recréer un nouveau cercle social. Je me suis par exemple occupé en faisant du bénévolat à la Croix Rouge, je me suis inscrit dans une chorale. Aujourd’hui je suis même guide touristique l’été dans ma région. Je me suis tourné vers des activités plus saines. », précise Pierre.

Parler de son passé ou pas… et trinquer autrement

De son côté, Pierre préfére ne pas évoquer sa situation d’ancien dépendant à l’alcool lorsqu’on lui propose un verre. Il répond simplement que l’alcool ne lui vaut rien quand il se retrouve face à quelqu’un d’insistant. Pour Jean-Gilles, c’est l’inverse, il annonce la couleur d’emblée et le précise même à ses hôtes au moment où il reçoit une invitation. Il se réjouit car : « Les gens sont alors souvent très bienveillants et prévoient facilement des boissons sans alcool. Souvent, ils y ont déjà pensé avant même que j’en parle. Il y a d’ailleurs de plus en plus de choix de boissons sans alcool désormais dans la plupart des événements festifs. En outre, le fait que les tabous se lèvent ces dernières années, que les pouvoirs publics reconnaissent la dépendance à l’alcool comme une maladie qui se soigne, ont aidé à faire évoluer le regard des gens sur les personnes abstinentes. ».

Effectivement, le choix de boissons sans alcool est de plus en plus large. Pour Jean-Gilles Vincent, l’émergence des nombreuses boissons sans alcool qui imitent les boissons alcoolisées, peuvent être un outil intéressant pour permettre à ceux qui le souhaitent, d’avoir finalement un peu les mêmes habitudes sociales qu’avant. Il faut se méfier cependant, car beaucoup de boissons dites sans alcool en contiennent un tout petit peu et peuvent être vraiment nocives dans le parcours d’un abstinent. Par ailleurs, il faut être attentif, pour les abstinents les plus « fragiles », à ce que la consommation de bière sans alcool, par exemple ne soit pas une porte ouverte vers la reprise d’une consommation de bières alcoolisées.

Selon Augustin Laborde, fondateur du « Paon qui boit », le premier magasin physique en France consacré aux boissons sans alcool, avec plus de 400 références, il faut effectivement distinguer les boissons « zéro alcool », des boissons dites « sans alcool » mais qui en contiennent en réalité un peu. En effet, la législation permet d’apposer le « sans alcool » à une boisson qui contient moins de 1,2% d’alcool. Cependant pour un abstinent, c’est déjà trop et cela peut réactiver des mémoires par rapport à leur ancienne dépendance. Augustin Laborde précise que la grande majorité des bières sans alcool en contiennent quand même. Dans l’ensemble, toutes les boissons fermentées, même le kombucha ou le kéfir de fruits, très à la mode en ce moment, en contiennent. Pour les mêmes raisons de réactivation des mémoires liées à la dépendance à l’alcool, l’entrepreneur explique qu’il vaut mieux éviter les boissons sans alcool dont le goût est très proche des boissons alcoolisées, comme celles à base d’anis. Certes, elles ne contiennent aucune trace d’alcool mais le goût est très perturbant pour les anciens malades alcooliques qui abusaient de ce type d’apéritif. Cependant, le caviste innovant précise qu’il existe désormais de très nombreuses boissons sans aucune trace d’alcool, vraiment originales et savoureuses, et qui sont en outre moins sucrées que les jus de fruits ou les sodas. A tester sur la table de nos prochaines fêtes ?

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Êtes-vous satisfait
du site internet de
France Assos Santé ?

Donnez votre avis, en moins de 10 min !

ENQUÊTE

Non merci, je ne veux pas donner mon avis

Partager sur

Copier le lien

Copier