Trois méthodes non médicamenteuses dans la prise en charge d’Alzheimer et des maladies apparentées

Activité physique, art thérapie, hortithérapie, il existe de nombreuses approches non médicamenteuses permettant d’améliorer la qualité de vie des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer et autres maladies apparentées. Elles ont le plus souvent comme points communs de permettre aux malades de ne pas s’isoler, de retrouver de la confiance, de l’autonomie, de faciliter l’expression et la communication et de maintenir le plus possible leurs capacités cognitives.

Alors qu’a lieu aujourd’hui la journée mondiale consacrée à la maladie d’Alzheimer, nous avons fait un petit tour du nord au sud de la France, pour découvrir des méthodes non médicamenteuses intéressantes dans la prise en charge de la maladie, sur lesquelles se sont penchées plusieurs associations de France Alzheimer.

Les ateliers de médiation animale avec un peu de Magie Blanche

Depuis 2016, l’association France Alzheimer de l’Aude a mis en place avec Sandra Saint-Denis et sa chienne Blanche, des ateliers hebdomadaires ou mensuels de médiation animale dans diverses structures d’accueil. Cette méthode bien développée au Canada s’invite doucement en France et peut être appliquée dans différentes situations, comme avec les personnes atteintes d’autisme, ou encore dans le milieu carcéral, et pour le cas qui nous intéresse ici, pour aider les malades d’Alzheimer et maladies apparentées. Il s’agit pour Alzheimer, grâce à l’intermédiaire de la chienne, de travailler sur les capacités cognitives, langagières, motrices des malades et également de rompre leur isolement, de les apaiser et tout simplement de leur faire retrouver le sourire !

Sandra a été formée à l’Institut français de zoothérapie, avant de partir à la recherche de son « binôme ». Il y a 9 ans, elle a ainsi adopté dans un refuge de la SPA, Blanche, un setter anglais, qui était alors un bébé. « Bien qu’il faille, bien sûr, porter un soin important à l’éducation d’un chien qui travaillera en médiation, c’est l’instinct de l’animal, son caractère sympathique qui vont être primordiaux. Il est nécessaire que l’animal se sente proche de l’humain, qu’il aime le contact, qu’il recherche les caresses, les câlins. Blanche a un « Certificat de sociabilité et d’aptitude à l’utilisation » (CSAU) mais surtout, elle « sent » les gens. Elle part d’elle-même, par exemple, vers les personnes qui sont dans la tristesse. A l’inverse, quand elle reste à distance, c’est souvent parce qu’il s’agit de personnes qui ne sont pas particulièrement à l’aise avec les chiens. Ce qui fonctionne en réalité, c’est l’amour, l’émotion que procure l’arrivée de l’animal, qui vont permettre de travailler ensuite sur les aspects cognitifs ou moteurs des malades. », explique Sandra.

Les ateliers se déroulent en groupe d’une heure, mais il arrive aussi que Blanche et Sandra aillent visiter les résidents directement dans leur chambre pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. A chaque fois, la visite de Blanche est très attendue et les participants, malgré la maladie, retiennent assez bien le jour de sa venue. Cela les incite volontiers, pour ceux qui le peuvent, à sortir de leur chambre. Au début de chaque séance, chacun s’exprime sur son état du jour et les participants demandent comment s’est passée la semaine de Blanche. On resollicite alors le travail sur les prénoms, les visages et donc la mémoire. Par la suite, l’atelier peut prendre de multiples formes et très souvent, le travail s’effectue grâce à l’effet miroir : il est, par exemple, proposé de brosser la chienne pour montrer que c’est important de prendre soin de soi. Des ateliers « gâteaux au poulet » pour Blanche sont également mis au point pour sensibiliser à l’alimentation, au plaisir de manger (et faire en sorte de donner à la chienne des friandises adaptées sans quoi tout le monde lui donne un petit quelque chose qu’il a gardé pour elle mais souvent trop sucré et pas idéal pour sa santé). Il y a aussi une personne chargée de remplir la gamelle d’eau de Blanche pour sensibiliser au fait de bien s’hydrater, etc.

En règle générale, lorsque Blanche et Sandra arrivent au sein d’un nouveau groupe, Sandra montre aux participants l’album-photos de la vie de Blanche, depuis ses premières semaines à la SPA, à sa vie à la maison avec ses copains chats et lapins, en passant par toute la phase de son éducation. C’est un bon outil pour présenter la chienne aux participants mais surtout pour leur permettre de s’exprimer eux-mêmes sur leurs propres ressentis car souvent remontent alors les souvenirs heureux des animaux de compagnie de leur vie.

Selon les objectifs des groupes constitués par les structures accueillantes, les participants partent parfois en promenade avec la chienne dans la nature. C’est toujours une bonne occasion de se ressourcer, de rompre l’isolement, de faire une activité physique.

Pour travailler la mémoire, Sandra propose également des quizz sur les cris des animaux, ou sur des chansons qui évoquent le monde animalier, car si Blanche est au cœur de l’atelier, Sandra a à cœur de parler d’autres animaux, d’autant que certains résidents ont une préférence pour les chats, les oiseaux, les chevaux, etc.

Sandra met aussi en avant un atelier qui s’appelle « retour de balade », qui a pour but de stimuler les sens. Le principe est que Sandra ramène des éléments de la nature, comme des plantes odorantes, des coquillages, etc., recueillis lors de ses promenades avec Blanche.

Parfois également, les animateurs de l’atelier installent quelques agrès et les résidents font un petit parcours d’orientation avec la chienne, car le sens de l’orientation a souvent besoin d’être sollicité chez les malades d’Alzheimer.

Quand cela est nécessaire, Blanche est demandée auprès de malades qui peuvent avoir des besoins plus particuliers, comme ceux qui sont particulièrement nerveux notamment car le contact avec la chienne, comme avec beaucoup d’animaux d’ailleurs, a tendance à apaiser les gens. Dernièrement, Sandra et Blanche ont travaillé auprès d’une femme malade d’Alzheimer qui s’était cassée le col du fémur et n’osait plus marcher. Elle s’est peu à peu laissée entraîner par Blanche pour l’emmener se promener et recommencer ainsi à faire quelques pas avec son déambulateur. Cela l’a aidée sur le plan physique mais aussi sur le plan moral.

Dans tous les cas, Sandra explique qu’à la sortie des séances, il y a toujours de l’apaisement et des sourires, autant chez les malades que chez le personnel des structures d’accueil. La maîtresse de Blanche raconte volontiers qu’un jour, lors d’un premier atelier dans une nouvelle structure, les infirmières s’étonnaient qu’à la fin de la séance, tous les participants avaient le sourire. Elles ont alors demandé ce qui s’était passé, et l’animatrice a répondu : « On a fait de la magie Blanche. ».

La mobilisation cognitive au programme de France Alzheimer Nord

Depuis 2009, des ateliers autour de la mobilisation cognitive ont lieu dans l’association de France Alzheimer Nord. « Au début, nous les appelions « Haltes Animation » avant de les formaliser vers 2012 comme des ateliers spécifiquement orientés sur la mobilisation cognitive», se souvient Martine Lucas, bénévole à l’association. L’atelier de deux heures, suivi de 30 à 45 minutes d’un goûter convivial, s’adresse aux personnes âgées, malades d’Alzheimer et maladies apparentées, qui vivent à domicile, avec une maladie débutante ou modérée, c’est à dire des malades qui ont encore des capacités cognitives restantes que l’on va pouvoir solliciter. Cependant, cet atelier, animé par un psychologue et un bénévole de France Alzheimer, poursuit des objectifs bien plus larges que le travail cognitif. En effet, il permet en premier lieu de maintenir le lien social et de favoriser les rencontres et les échanges puisqu’il s’agit de groupes de 7 à 8 personnes. « Souvent, il y a des personnes, en début de maladie, qui jusque-là allaient au club du troisième âge et qui ne sont, peu à peu, plus en capacité de s’y rendre. A travers l’atelier de médiation cognitive, ils retrouvent une activité qui se situe finalement entre le club du troisième âge et l’accueil de jour et qui incite les malades à sortir de chez eux, à favoriser l’appartenance à un groupe. Il faut savoir que l’isolement a tendance à aggraver la maladie. », rappelle Martine. Elle explique, en outre, que l’atelier permet de regagner de la confiance, de l’estime de soi, que certains participants, par exemple, se sont remis à aller faire leurs courses eux-mêmes, parfois à cuisiner. Les aidants également remarquent des changements et que leurs proches peuvent s’être remis à faire des petites activités, qu’ils avaient délaissées, comme des mots croisés, par exemple. C’est alors bénéfique pour le malade mais aussi pour l’aidant qui s’autorise à nouveau à solliciter l’aidé et à lui rendre un peu de son autonomie car il le perçoit comme étant à nouveau plus « capable ».

Martine insiste sur le fait que tout est organisé sous forme de jeux, adaptés à chaque participant et qu’il est essentiel de veiller à ne pas les placer en situation d’échec. Durant la séance, qui commence à chaque fois par des exercices pour resituer le jour et la date, puisque la notion de temps est souvent rapidement altérée chez les malades d’Alzheimer, les animateurs alternent plusieurs types d’exercices. Certains mobilisent les différentes formes de mémoire, qu’elle soit visuelle, à court terme, ou à plus long terme, grâce à des jeux sur les connaissances culturelles par exemple. Les capacités de raisonnement également sont mises en avant, avec des mathématiques ou des sudokus. Les plus littéraires préfèreront le scrabble, les quizz, etc.

Depuis 13 ans, la bénévole constate les effets bénéfiques de ces ateliers sur l’évolution de la maladie. Elle se réjouit d’ailleurs que deux des participants sont là depuis de nombreuses années et que leur maladie évolue finalement lentement. Elle se réjouit aussi de voir que chaque semaine, les participants reviennent avec plaisir et qu’à chaque fois, ils repartent de bonne humeur, en ayant passé un moment convivial et joyeux.

La méthode Montessori appliquée aux personnes âgées souffrant de handicaps cognitifs

Dans le sud, c’est à la méthode Montessori, plus connue pour l’éducation des enfants, que France Alzheimer Var s’est intéressée, en organisant il y a quelques mois une conférence sur le sujet. Le but était à la fois de sensibiliser les professionnels de santé et qu’ils s’en emparent, et également d’offrir des informations aux familles. La présidente de l’association précise : « Ce qui est intéressant avec cette méthode, c’est que l’on est au plus près de ce que la personne malade peut encore faire, alors que la plupart du temps on fait « à sa place » pour aller plus vite. Cela se traduit aussi au niveau de la rééducation qui est davantage basée sur des gestes du quotidien que sur des exercices de kinésithérapie classiques. Le but est de rendre plus d’autonomie bien entendu aux malades. ».

Véronique Durand-Moleur, dirigeante de la société AG&D/Montessori Lifestyle, qui propose des formations sur cette approche auprès des professionnels et bientôt pour les familles, et qui est intervenue lors de la conférence de France Alzheimer Var, explique que cette approche s’adresse à toutes les personnes âgées souffrant de handicaps cognitifs. Elle découle de la philosophie Montessori, mais pas des outils pédagogiques développés pour l’éducation des enfants (rappelons que la première école Montessori s’est montée en Italie, en 1907, sous l’impulsion de Maria Montessori, médecin et pédagogue italienne qui s’est dès le départ intéressée aux enfants des milieux défavorisés). La méthode Montessori appliquée aux personnes âgées a été développé par le neuropsychologue américain Cameron Camp, dans les années 1990, et consiste à prendre toute la vision de Maria Montessori, à savoir de traiter les humains avec respect, dignité, égalité et confiance, puis d’adapter pour chacun, le matériel et l’environnement aux divers handicaps cognitifs, puisqu’ils sont très différents d’une personne à l’autre. C’est une approche qui s’inscrit parmi les nombreuses approches centrées sur la personne. Elle n’est pas la seule et elle n’est surtout pas dogmatique.

Véronique Durand-Moleur ajoute qu’il est avant tout question de se concentrer sur les capacités de chacun et pas sur les déficits, de remettre du sens dans les activités des personnes atteintes de troubles cognitifs, de s’interroger sur leurs objectifs, de leur permettre de participer à une communauté, et surtout de leur rendre du contrôle sur leur propre vie. « Bien entendu il faut parfois adapter les interactions, qu’elles soient verbales ou non, selon la gravité des troubles, afin que la personne puisse prendre ses propres décisions. L’un des moyens est notamment de ne pas poser des questions trop ouvertes et donner des choix pour éviter de la mettre en difficulté. Lui demander par exemple, non pas dans quel restaurant elle veut aller, mais si elle préfère aller manger une pizza ou des sushis. L’idée est de ne pas faire, ni décider à sa place, simplement par qu’elle est malade, et ceci, que l’on soit intervenant professionnel ou proche aidant. Le choix c’est tout. », commente Véronique Durand-Moleur. Cette approche permet ainsi de contourner les comportements réactionnels qui apparaissent justement dès lors que l’on impose tout à la personne en difficulté, parce que s’opposer devient alors sa seule solution pour avoir du contrôle sur sa vie. Bien sûr, ce n’est pas toujours simple. A la maison, il faut parfois adapter le domicile, faire appel à des aides extérieures, afin de contourner les difficultés et rendre plus d’autonomie à la personne, qu’elle puisse faire elle-même le plus de choses possibles. « Ce n’est pas parce que l’on a des handicaps cognitifs que l’on ne peut rien plus apprendre. On va juste utiliser d’autres circuits d’apprentissage. », ajoute la spécialiste.

Évidemment, se posent parfois des cas très complexes, où la sécurité de la personne est en jeu notamment et où un placement en EHPAD est à envisager. Là encore, avec la méthode Montessori, on proposera d’impliquer au maximum la personne, de l’emmener par exemple visiter l’établissement, lui demander ce qu’elle ressent. Prendre avec elle des notes sur place, des photos, au cas où elle ne se rappellerait plus très bien de cette visite en rentrant à la maison et qu’elle pourrait prendre le temps de regarder à nouveau. D’après Véronique Durand-Moleur : « C’est dévastateur pour les personnes placées en établissement que les proches décident absolument tout à leur place, voire de leur mentir en disant que ce n’est que pour quelques jours. Et cette approche avec Montessori peut se poursuivre en formant les personnels des établissements qui méritent davantage d’humanisation. Il y a quelques temps, dans un établissement où le personnel a été formé à Montessori, lors de l’arrivée d’une nouvelle directrice, cette dernière m’a appelée pour me dire qu’elle trouvait cette structure incroyable et que récemment elle avait reçu un couple en visite, qui trouvait que tout le monde était radieux. En 12 ans de travail avec Montessori, je peux affirmer que l’on peut vivre heureux avec des troubles cognitifs et même des troubles sévères. »

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