Quels recours en cas de séquelles graves ou de décès dans le cadre d’un Covid nosocomial

Avec l’apparition du nouveau coronavirus, s’est ajoutée une nouvelle infection nosocomiale. Pour rappel, une infection nosocomiale est une infection acquise dans un établissement de soins, dès lors qu’elle était absente à l’admission et dans la mesure où elle apparaît après 48 heures d’hospitalisation, délai classiquement admis, et qui correspond à la période d’incubation de l’infection.

Un patient qui présenterait des séquelles graves, son représentant légal ou ses ayants-droits dans le cas d’un décès, suite à une infection nosocomiale peuvent, sous certaines conditions, prétendre à une indemnisation.

Quels sont alors les recours possibles pour obtenir un tel dédommagement et y a-t-il un traitement particulier des dossiers pour les cas particuliers du Covid ?

3 recours possibles pour les victimes d’infections nosocomiales

La première possibilité pour une victime (ou ses ayants-droits en cas de décès) d’infection nosocomiale qui aurait subi des préjudices suite à cette infection est de se rapprocher de l’établissement de santé incriminé pour envisager une demande d’indemnisation amiable. C’est une approche possible quelle que soit la gravité du préjudice subi. Cette étape ne prive pas le demandeur de poursuivre l’établissement par la suite par le biais des deux autres recours si aucun terrain d’entente n’est trouvé. Elle est même obligatoire avant de saisir les tribunaux pour les établissements publics. Notons par ailleurs que si le demandeur n’obtient pas de réponse de la part de l’établissement de santé dans les deux mois, cela vaut refus et qu’il a alors encore 2 mois après le refus (notifié ou après les deux mois de silence) pour saisir le tribunal compétent s’agissant d’un établissement du secteur public.

La deuxième possibilité est de saisir, dans sa région, ce que l’on appelle la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales (CCI, anciennement CRCI). Les avantages de cette saisine sont que la procédure est gratuite, rapide (quelques mois) et qu’elle ne nécessite pas de faire appel à un avocat.

Enfin la troisième est d’aller devant les tribunaux. Selon les cas et le niveau de gravité, ce sera soit l’établissement incriminé par le biais de son assureur, soit l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales), c’est à dire la solidarité nationale, qui indemnisera la victime.

Précisons enfin que la décision de la CCI est toujours plus rapide que celle d’un tribunal puisque les CCI ont 6 mois pour rendre leur avis après la saisine. Cela dit, ce délai de 6 mois est rarement respecté.

Saisine, éligibilité, processus en CCI

Alors qu’une procédure amiable directe avec l’établissement ne nécessite aucun niveau de gravité particulier du préjudice subi, il en est autrement pour qu’un dossier soit retenu, étudié et qu’un avis soit rendu en CCI (la CCI peut cependant jouer un simple rôle de conciliateur pour les cas les moins graves). En effet, pouravoir accès à cette procédure d’indemnisation, il faut remplir au moins l’un des critères de gravité prévus par le Code de Santé publique (articles L1142-1 à L1142-3 et D1142-1 à D1142-3) :

  • Un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de plus de 24 % ;
  • L’arrêt temporaire des activités professionnelles de plus de 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur un an ;
  • Une inaptitude définitive à exercer son activité professionnelle ;
  • Un déficit fonctionnel temporaire d’au moins 50 % sur 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur une période d’un an ;
  • Des troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence.

Dans les cas d’un Covid long, la date de « consolidation » de l’état de santé du patient est difficile à définir, les troubles n’étant pas obligatoirement permanents ; un certificat médical de consolidation demandé par la CCI permet de la saisir dans un délai de 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

Pour saisir la CCI, il suffit d’envoyer un formulaire disponible sur son site internet, accompagné de divers documents (certificats et dossier médicaux).

Si le dossier est retenu, une expertise gratuite, à laquelle toutes les parties sont convoquées, a lieu. Puis un avis est rendu par une commission pluridisciplinaire présidée par un magistrat et composée de représentants des usagers, d’établissements de santé, des sociétés d’assurance, de l’ONIAM, de professionnels de santé et de personnalités qualifiées dans le domaine de la réparation des préjudices corporels. L’avis de la CCI doit être rendu dans les 6 mois qui suivent sa saisine. Ce délai risque d’être prolongé dans les cas où l’expert tarde à remettre son rapport.

La procédure est gratuite (il peut parfois y avoir quelques frais liés aux déplacements) et ne nécessite pas de se faire représenter par un avocat. L’accompagnement, lors de l’expertise, par un médecin conseil de victimes, un avocat, un représentant d’association ou encore par un proche peut cependant s’avérer utile.

Sur les cas d’un Covid nosocomial, Marianick Lambert, représentante des usagers à la CCI d’Ile-de-France précise : « Les premiers dossiers de covid nosocomial sont arrivés début 2022 dans notre CCI. La plupart des dossiers que nous voyons sont des cas de saisine par les familles pour un proche décédé. En effet, le plus souvent il s’agissait de personnes qui étaient déjà hospitalisées ou ont été hospitalisées en urgence pour des maladies graves puisque les patients les moins sévères, surtout au début de la pandémie, n’étaient en général pas maintenus à l’hôpital ou leurs interventions avaient été déprogrammées. Ainsi, majoritairement, les victimes hospitalisées présentaient d’autres comorbidités et elles sont le plus souvent décédées de leur(s) autre(s) pathologie(s), accélérée(s) par le Covid. Dans ce cas les indemnisations sont faibles puisque les personnes décédées avaient des espérances de vie très raccourcies. Cela a cependant une valeur morale symbolique importante pour les familles, d’autant que souvent elles n’ont pas pu visiter leur proche avant leur décès. ».

Période d’incubation dans le cas particulier du Covid

Rappelons en premier lieu la définition d’une infection nosocomiale pour bien poser le cadre de ce dont on parle. Une infection est dite « nosocomiale » lorsqu’elle est acquise dans un établissement de soins, qu’elle était absente à l’admission et apparaît après 48 heures d’hospitalisation (c’est 30 jours après une chirurgie et un an après la pose d’une prothèse ou d’un implant, mais ces deux cas ne sont pas pertinents pour un covid nosocomial).

Par ailleurs, Florence Navattoni, Coordinatrice adjointe de Santé Info Droits* rappelle que la loi mentionne que « « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. » (Article L1142-1 du Code de la Santé publique).

Dès lors, on comprend que les notions de période d’incubation et de preuve de cause étrangère vont peser dans les expertises et les avis des dossiers de Covid nosocomial.

Précisons tout d’abord que sur le site du ministère de la santé, est indiqué concernant le délai de 48 heures après l’hospitalisation qu’il « est cependant assez artificiel et ne doit pas être appliqué sans réflexion. ». Sur ce sujet, le docteur Catherine Chapuis, médecin expert, constate que c’est le point le plus délicat sûrement à comprendre pour le demandeur puisque pour le Covid, la période d’incubation est de 2 à 14 jours avec une moyenne de 5 jours. Le docteur Chapuis ajoute : « Il est clair que, plus le délai entre l’hospitalisation et la détection du Covid est court, et plus les doutes sont permis quant à l’acquisition de l’infection durant la prise en charge. Au-delà d’une hospitalisation de 14 jours, on a une présomption quasi-certaine d’acquisition dans l’établissement, sans connaître pour autant les mécanismes d’acquisition. Le virus peut avoir été transmis par un professionnel de santé, un autre patient, ou un visiteur. ». Mais s’il s’agit d’un visiteur, une cause étrangère peut-elle être retenue et dédouaner l’établissement ?

Sur la mission des médecins experts dans les cas de Covid nosocomial, le docteur Chapuis explique : « Mon rôle consiste à confirmer le Covid, à préciser à quel moment il a été contracté et à m’assurer de la bonne prise en charge de l’infection, au regard des recommandations en vigueur au moment des faits. N’oublions pas que petit à petit, on a su de mieux en mieux comment se protéger, tester et comment traiter le Covid. Ma mission inclut également l’évaluation des préjudices qui persistent suite à l’infection. Pour ce faire, les experts rencontrent les patients ou leurs ayants-droits afin de retracer l’ensemble du parcours médical du patient, ses antécédents, ses conditions de prise en charge et de procéder le cas échéant à son examen clinique. ».

Autrement dit, un défaut de prise en charge pourrait être éventuellement constaté si l’établissement, dans les indications respectives de Paxlovid et Evusheld n’aurait pas mis en œuvre la prise en charge recommandée

  • Paxlovid dès le test positif au décours d’une hospitalisation si le patient est éligible
  • Evusheld, avant l’hospitalisation hospitalisation/intervention programmée, l’établissement devant s’assurer qu’un patient éligible a bien reçu le médicament en préventif)

A sujet de la preuve d’une cause étrangère à apporter par l’établissement

A la CCI d’Ile-de-France où elle siège comme représentante des usagers, Marianick Lambert précise que pour l’instant, dès lors qu’il y avait un test négatif à l’admission d’un patient qui a par la suite contracté un Covid lors de son séjour dans un établissement de soins, la notion de nosocomial a été retenue dans sa CCI. Cependant l’aspect pandémique sur le cas particulier du Covid nosocomial est parfois invoqué sans être retenu. Elle commente : « La question des visiteurs qui auraient pu être les vecteurs de transmission du Covid est sujette à discussion. S’agissant ici d’une pandémie mondiale il était difficile pour les établissements de prendre toutes les mesures qui s’imposaient pour assurer la sécurité du patient mais il ne faut cependant pas céder sur ce point, au risque de  faire sérieusement régresser les droits des victimes d’infections nosocomiales. Par ailleurs le point sur lequel il faut absolument être vigilant, selon moi, est que certains tentent de faire passer l’idée que pour être considérée comme nosocomiale, il faut que ce soit une infection liée à un soin. En effet, les infections nosocomiales font parties de ce que l’on appelle les infections liées aux soins, mais n’oublions pas que sont considérées comme nosocomiales également les infections liées à l’environnement hospitalier. Des bactéries transmises aux patients par des circuits d’air ou d’eau sont bel et bien des infections nosocomiales. Il est essentiel que cette pandémie ne devienne pas un prétexte pour revoir à la baisse les critères de la qualification des infections nosocomiales. ».

En savoir plus

* Santé Info Droits est la ligne gratuite de France Assos Santé où poser toutes vos questions d’ordre juridique ou social en lien avec la santé – 01 53 62 40 30

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier