Au même titre que l’art thérapie ou le sport, l’hortithérapie fait son apparition à l’hôpital comme activité de soutien, adaptée aux patients, pour les aider à mieux vivre leur maladie, voire les aider à guérir. Au cœur même de Paris, la Salpetrière possède son petit jardin thérapeutique, mais c’est au Centre hospitalier Théophile Roussel à Montesson, dans les Yvelines, que 66 Millions d’Impatients s’est rendu pour comprendre comment l’hortithérapie s’intégrait dans la coordination des soins dans un secteur sensible, celui de la pédopsychiatrie.
Les activités thérapeutiques en milieu hospitalier
L’hôpital Théophile Roussel accueille environ 150 patients à temps complet et presque autant en hôpital de jour, en psychiatrie et pédopsychiatrie. Autant de personnes fragilisées qui ont besoin de retrouver le goût et l’envie du lien social, un cadre structurant, et d’oublier un peu, ne serait-ce que quelques heures par jour, qu’ils sont malades.
C’est tout l’enjeu des activités thérapeutiques qui sont mises en place au sein de l’établissement, parmi lesquelles, la peinture, la musique, la poterie, les ateliers de cuisine, le sport… et plus récemment l’hortithérapie, c’est-à-dire le jardin à visée thérapeutique.
Un jardin thérapeutique ?
Il peut y avoir au moins 3 dimensions à envisager dans le concept de jardin thérapeutique…
- Il y a le jardin en soi, le plaisir simplement que procure une simple promenade, ou les promenades au fil des saisons et de voir évoluer la nature, ses formes, ses couleurs.
- En second lieu, et c’est à proprement parler ce que l’on appelle l’hortithérapie, il y a la pratique du jardinage, qui permet de proposer une activité constructive et sociale, ainsi que de solliciter la psycho-motricité des patients.
- Enfin, il y a l’aspect thérapeutique de ce que l’on peut y cultiver… Par exemple à Théophile Roussel, l’un des prochains projets est de créer un jardin de plantes à tisanes qui seraient consommées par les patients eux-mêmes pour bénéficier de leurs vertus thérapeutiques !
L’hortithérapie intègre les activités horticoles et de jardinage dans un processus de soin, d’éducation, de lutte contre la maladie ou l’exclusion. Elle est à ce titre une activité ergo-socio-thérapeutique qui stimule le corps, l’intellect, le psychisme, le mental, en sollicitant nos 5 sens.
L’origine du projet à Théophile Roussel
Les activités horticoles, comme levier de réinsertion via notamment l’apprentissage des métiers autour du jardin, ont toujours eu leur place dans cet établissement, ouvert en 1895 pour accueillir de jeunes délinquants. Quand il devient Centre hospitalier en 1974, les équipes soignantes ne tardent pas à investir le parc de 32 hectares avec leurs patients. Mais le projet d’hortithérapie n’est réellement formalisé qu’en 2012, à l’arrivée de Monsieur Didier Sigler, Coordonateur général des Activités de soins. Son initiative a immédiatement trouvé un appui auprès du Directeur Général de l’Établissement, Monsieur Michel Dogué.
Très rapidement l’ensemble du personnel, tous métiers confondus, c’est-à-dire ergothérapeutes, psychologues, psychiatres, jardiniers, responsables de formation, de communication, cadres, direction, se réunissent pour parler du projet, soutenus par l’association Belles Plantes.
Un coup d’accélérateur est impulsé au projet lorsqu’en 2013, Théophile Roussel reçoit en cadeau de la part de la Fondation Truffaut son potager géant, présenté lors de l’exposition « L’Art du Jardin » au Grand Palais. L’hôpital reçoit donc en juin 2013 deux semi-remorques remplis de végétaux, de terreau et de matériels, qui sont répartis dans les différents jardins du parc et servent à lancer les ateliers d’hortithérapie dans différents pavillons qui accueillent les enfants malades du centre hospitalier.
Comment se passent les ateliers d’hortithérapie pour les enfants ?
Les ateliers ont lieu toute l’année, respectant le calendrier des saisons. Il n’y a pas, à Théophile Roussel, d’éducateur spécifiquement attitré pour ces ateliers. L’ensemble des équipes soignantes s’est investi dans ce projet, les ergothérapeutes plus particulièrement.
Les parcelles réservées à l’hortithérapie sont clôturées, les enfants doivent suivre des règles, porter une tenue adéquate, dont les indispensables bottes, respecter le matériel, prendre soin des outils qui sont uniquement réservés aux ateliers.
« Quand on regarde les enfants qui arrosent les plantes, on voit qu’ils y prennent du plaisir, et c’est déjà un grand pas vers la guérison pour certains », précise Monsieur Dogué. « En outre, les enfants mangent parfois ce qu’ils cultivent, et alors que certains rechignent systématiquement à manger des légumes, on s’aperçoit alors qu’ils en redemandent. Cela peut paraître peu de choses, mais leur faire reprendre goût aux choses est déjà une étape importante », ajoute Didier Sigler.
Une thérapie qui passe par les 5 sens
Nous venons de le voir, le goût déjà a son importance dans ce projet thérapeutique, qui s’est défini tout naturellement autour de la stimulation des cinq sens, une approche très bénéfique, notamment pour les enfants autistes ou qui souffrent de troubles psychomoteurs :
- L’ouïe est sollicitée par le bruissement du vent dans les végétaux, l’eau qui ruisselle, le chant des oiseaux…
- L’odorat, avec les parfums des plantes, de l’herbe fraîchement coupée, du bois de paillage, de la terre humide…
- La vue grâce à l’évolution des couleurs, des formes…
- Le toucher grâce aux différentes textures naturelles qui vont être approchées…
- Enfin le goût lorsque les plantes comestibles sont dégustées…
En outre, un jardin est une leçon de vie au jour le jour, il est soumis aux saisons, aux intempéries, il apprend le vivant, la patience, l’humilité face à la nature qui échappe si facilement à notre contrôle…
Pour la famille et le personnel également
Depuis 2 ans maintenant que le projet est initié à Théophile Roussel, les premiers retours sont très positifs, surtout en ce qui concerne une baisse de l’agressivité.
Le jardinage permet de créer une nouvelle approche des relations soignés-soignants, qui sont parfois très difficiles en milieu psychiatrique, particulièrement avec les adolescents. Le jardin sert alors de médiateur et peut aider à redéfinir la relation.
En outre, il n’est pas rare que l’équipe soignante, dont les journées sont parfois éprouvantes en service de psychiatrie, trouve un peu de repos et d’apaisement dans les jardins du Centre.
Enfin, Michel Dogué, le Directeur général du centre hospitalier Théophile Roussel, aimerait voir ce projet prendre un peu plus d’ampleur et créer des parcours de promenades, où l’on pourrait faire du sport ou s’instruire en apprenant les différentes essences présentes dans le parc. Cela pourrait être bénéfique également pour les familles qui viennent en visite voir leur proche hospitalisé, car eux aussi ont besoin de soutien et de se sentir accueillis dans le centre.
Un véritable projet d’établissement qui a un coût
Pour conclure, Didier Sigler et Michel Dogué nous précisent que créer un jardin thérapeutique relève à Théophile Roussel d’un vrai projet d’établissement, soutenu par la direction dans son ensemble et que cette motivation est nécessaire pour la réussite d’un tel projet.
Financièrement, organiser ce type de jardin ne revient pas plus cher que d’investir par exemple dans des jeux de plein air, qui sont d’ailleurs de plus en plus chers et imposent des normes de sécurité très contraignantes. De toute façon, il faut bien mettre en place des activités pour les patients. C’est simplement une question de choix. L’hortithérapie semble vraiment adaptée à Théophile Roussel.
Cependant il est vrai, précisent-ils, que l’appui d’un partenaire, comme la Fondation Truffaut dans leur cas, peut s’avérer très importante, car la vocation première d’un hôpital malgré tout, n’est évidemment pas d’entretenir des jardins.
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