Les nouveaux rôles des pharmaciens de ville

Ces derniers mois, notamment du fait de la crise sanitaire et d’un besoin urgent d’une mobilisation de tous les professionnels de santé, les missions des pharmaciens de ville se sont élargies. Sur 22 000 pharmacies en France, 18 000 se sont engagées dans la campagne de vaccination et 14 000 réalisent des tests de dépistage de la Covid, rappelle Gilles Bonnefond, Conseiller du président de l’USPO (Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine). Les pharmaciens sont évidemment avant tout des experts du médicament, dont ils assurent la préparation et la délivrance. A ce titre, ils peuvent, dans certaines conditions renouveler une ordonnance expirée dans le cadre d’un traitement chronique ou d’un contraceptif oral, délivrer un médicament générique par substitution à une spécialité prescrite ou remplacer un médicament d’intérêt thérapeutique majeur en cas de rupture de stock. Les pharmaciens dispensent évidemment des conseils sur les usages des médicaments et peuvent s’investir dans diverses missions auprès de leurs patients, afin de les accompagner dans le suivi de leurs traitements.

Les pharmaciens d’officine participent également à des actions de prévention. Faisons ici, pour mieux les connaître, le tour des principales missions que peuvent remplir les pharmaciens de ville auprès de leurs patients.

En outre, afin de bien comprendre les enjeux, les freins et les avantages à la diversification des missions des pharmaciens, nous avons aussi tendu le micro à Nicolas Brun pour l’Union nationale des associations familiales (UNAF), à Anne Legentil chez Familles rurales, au Dr Roussel, pharmacien dans sa propre officine en région parisienne, et à Jean-François Thébaut, vice-président de la Fédération française des Diabétiques.

Pour ce dernier, les pharmaciens tiennent un rôle essentiel dans le parcours de soins puisqu’ils ont accès à l’ensemble des prescriptions de leurs patients avec qui ils entretiennent un contact privilégié. Il cite l’étude « Revoir son médecin » menée par la Fédération suite à la crise sanitaire, auprès de 2400 patients dans 12 régions de France, et qui a montré que pendant la crise Covid, les pharmaciens ont été pratiquement les seuls professionnels de santé avec qui les patients ont gardé un contact régulier.

Le Dr Roussel de son côté a basé l’organisation de ses activités à la suite d’un dialogue au sein de son équipe et par rapport à la démographie médicale dans notre environnement. Il s’explique : « Les déserts médicaux existent aussi en région parisienne. Les médecins autour de la pharmacie sont tellement surchargés qu’ils refusent de prendre de nouveaux patients. Notre but était de participer à une continuité du service alors que l’environnement médical se paupérise en terme démographique. ». Selon Nicolas Brun, Coordonnateur du pôle Protection sociale/Santé de l’UNAF, il semble effectivement difficile pour les pharmacies de remplir l’ensemble de ces nouvelles missions et si des choix doivent être faits, cela devrait être coordonné par des autorités compétentes, comme les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), afin de répondre aux besoins réels des populations, territoire par territoire, et dans une approche collaborative avec les autres acteurs de santé du secteur.

Les vaccins : Depuis 2019, les pharmaciens sont habilités à pratiquer l’injection du vaccin contre la grippe saisonnière et ils participent bien sûr à la campagne de vaccination contre la covid-19. « Nous sollicitions depuis longtemps un rôle par rapport à la vaccination. Force est de constater, avec l’urgence engendrée par la crise sanitaire, que les patients apprécient de pouvoir se faire vacciner près de chez eux, directement en pharmacie. Précisons que cette année, les pharmaciens peuvent vacciner toutes les personnes majeures contre la grippe saisonnière, et pas uniquement celles ciblées par les recommandations vaccinales, comme c’était le cas jusqu’alors. Ils peuvent même faire les vaccins contre la grippe et la Covid en même temps. », précise Gilles Bonnefond.

Les entretiens pharmaceutiques : Afin de mieux connaître et suivre leurs traitements, des entretiens pharmaceutiques, pris en charge par l’Assurance maladie, ont été mise en place pour plusieurs types de patients :

  • Ceux sous traitements chroniques par anticoagulants oraux
  • Ceux sous traitements chroniques par corticoïdes inhalés pour l’asthme
  • Ceux âgés polymédiqués pour le bilan partagé de médication
  • Ceux sous traitements anticancéreux par voie orale

Les pharmaciens qui le désirent peuvent aussi participer à des formations de 40 heures dans le cadre des programmes d’Education thérapeutique du patient (1). Pour Jean-François Thébaut, et malgré une bonne formation initiale des pharmaciens, ce type de formation n’est pas superflu. Il rebondit sur l’exemple d’une femme diabétique de type 1, sous insuline, qui s’étonnait que sa pharmacienne qu’elle connaît depuis 10 ans, ne savait pas que son diabète lui imposait de se faire des injections d’insuline 4 à 6 fois par jour. Tous les pharmaciens ne peuvent effectivement pas connaître tous les détails des traitements de toutes les maladies. Pour le Dr Roussel, pharmacien à Courbevoie, il est difficile de suivre des formations tout en assurant le bon fonctionnement d’une entreprise telle qu’une pharmacie. Il croit cependant fermement aux missions d’accompagnement des pharmaciens et a d’ailleurs mis en œuvre, depuis plusieurs années, des entretiens pharmaceutiques autour de l’allaitement. Il s’agit d’un engagement, pour ainsi dire, bénévole, puisque cette thématique n’est pas prise en charge par la sécurité sociale et que le Dr Roussel ne facture rien à ses patientes. Il a également mené des entretiens pharmaceutiques pour les 4 situations ci-dessus, encadrées par l’Assurance maladie. Sur les bilans de médication par exemple, il a obtenu dans un premier temps de bons résultats mais déplore que ses efforts menés conjointement avec ses patients polymédiqués pour réduire le nombre de leurs médicaments, ont, au bout de quelques mois, été réduits à néant. Il précise : « Il semble qu’en France il y ait une trop forte culture du soin autour de la prescription. Malgré notre travail, les patients ressortent de chez le médecin avec de longues ordonnances. De façon générale, j’ai le sentiment que l’on a trop normé les entretiens pharmaceutiques. J’ai eu l’impression parfois d’être un magnétophone qui répète un document envoyé par la CPAM. Je n’ai pas le sentiment que l’on valorise mon métier, ni d’apporter un réel plus sur le plan humain à mon patient. En revanche, lorsque je vaccine je me sens utile. »

Les tests de dépistage : Nous avons été nombreux ces derniers mois à faire des tests, sérologiques ou antigéniques pour le dépistage de la Covid en pharmacie. En réalité, ce ne sont pas les seuls tests de dépistage que peuvent réaliser les pharmaciens. Suite à l’arrêté du 1er août 2016, ils peuvent aussi effectuer :

  • Des tests capillaire d’évaluation de la glycémie, dans le cadre d’une campagne de prévention du diabète. Il s’agit de mesurer la glycémie d’un individu à partir d’une goutte de sang prélevée sur le bout du doigt. Pour J.F. Thébaut, ce test mérite d’être bien standardisé car il doit être fait à jeun pour être pertinent. Sa position est que sans un bon encadrement sur ce dépistage en pharmacie, il est plus prudent de le faire réaliser en laboratoire médical. Cependant il insiste sur le rôle essentiel des pharmaciens en termes de prévention et encourage à ce qu’ils puissent proposer à leurs patients le test baptisé Findrisc, qui prend 30 secondes à partir de 8 questions, et permet de connaître son niveau de risque face au diabète de type 2 pour envisager ensuite un test à jeun en laboratoire.
  • Des tests oro-pharyngé d’orientation diagnostique des angines à streptocoque du groupe A, qui permettent de savoir si une angine est virale ou bactérienne et s’il faut, ou non, orienter le patient vers son médecin pour une prescription d’antibiotiques dans le cas où elle est bactérienne(2).
  • Tests oro-pharyngé d’orientation diagnostique de la grippe.

Selon Gilles Bonnefond, les pharmaciens sont en demande de participer à davantage d’actions de prévention et de dépistage. La profession travaille notamment sur des dispositions en faveur de la promotion du dépistage du cancer colorectal et en Corse, une expérimentation est en cours sur la sensibilisation et l’orientation concernant les cancers de la femme, c’est à dire du sein et de l’utérus.

De nouvelles activités qui nécessitent une réorganisation à différents niveaux

Le Dr Roussel s’est lancé dans les test de dépistage pour les angines dans sa pharmacie de région parisienne quand cela a été possible mais il regrette que l’acte ne soit pas suffisamment bien rémunéré au regard du temps mobilisé avec le patient. Selon Gilles Bonnefond, il faut effectivement revoir le modèle économique et faire en sorte que les pharmaciens soient plus rémunérés à l’acte qu’à la marge commerciale, comme c’est le cas depuis des années. « Ce sont des changements profonds qu’il faut initier mais auxquels les pharmaciens ont adhéré. », indique Gilles Bonnefond. Par exemple, la parapharmacie n’est pas l’activité majoritaire selon le conseiller de l’USPO, et représente 10 à 15% du CA d’une officine moyenne mais est soumise à une forte concurrence et oblige à des investissements importants en termes de stock.

En outre, la réorganisation nécessite de libérer de l’espace pour créer plusieurs espaces de confidentialité, indispensables à la mise en place des nouvelles missions des pharmaciens. Pour Anne Legentil, conseillère technique à Familles Rurales, le sujet de la confidentialité en officine est un point sur lequel il s’agit de rester vigilant, encore davantage dans les pharmacies de village où tout le ponde se connaît : « La confidentialité est déjà difficile à mettre en œuvre au comptoir, lors de la délivrance des médicaments, si les actes médicaux se développent il est important de bien respecter le secret médical pour chacun. ».

Nicolas Brun de l’UNAF, rejoint Anne Legentil sur l’organisation des espaces de confidentialité et insiste pour signaler que les pharmacies sont des lieux où les droits des patients doivent être respectés.

Accompagnement à la téléconsultation et télésoins pharmaceutiques : Comme tous les acteurs de la santé, les pharmaciens n’échappent pas à l’expansion de la télémédecine. Un certain nombre a commencé à s’équiper pour proposer à leurs patients de venir faire leur téléconsultation depuis leur pharmacie. Le Dr Roussel en fait partie et se souvient notamment du cas d’une jeune femme, venue très inquiète avec un test de grossesse positif à la pharmacie. Il a pu la rassurer lui proposer immédiatement une téléconsultation avec un médecin pour qu’elle obtienne une ordonnance pour aller faire un test de confirmation en laboratoire, où elle s’est rendue immédiatement après. Il commente « Je l’ai sentie nerveuse et j’étais content de participer à sa prise en charge directement et ne pas la laisser repartir seule, avec des doutes, sans une bonne orientation. ». Il se sert également de son équipement pour des entretiens à distance sur son sujet de prédilection, à savoir l’allaitement. En effet, les pharmaciens ont désormais la possibilité de faire des télésoins. « Le télésoin peut notamment s’avérer utile pour les personnes qui ont des problèmes de mobilité mais ont besoin des conseils de leur pharmacien par rapport à la prise de leur traitement. », ajoute Gilles Bonnefond.

 

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