Ce dimanche 21 novembre aura lieu la première édition de la Journée des fatigues. Le choix de mettre le mot « fatigue » au pluriel paraissait essentiel aux associations de patients organisatrices de cette journée, car derrière ce symptôme, qui désigne normalement la fatigue physiologique dont on récupère grâce au repos, se cachent plusieurs types fatigues, plus ou moins lourdes, intenses, voire handicapantes et liées à divers phénomènes.

Dans ce contexte, la reconnaissance et la prise en charge de la fatigue par les différents acteurs de la santé mériteraient une véritable concertation et des prises de position plus claires pour ne pas laisser les patients, mais aussi bien souvent leurs médecins, démunis face à ce symptôme qui peut rapidement se chroniciser.

Une question de définition

Ainsi que le rappelle le docteur Leroi, médecin bénévole à l’ASFC : « La fatigue n’est pas une maladie, c’est un symptôme. » et pour Isabelle Fornasieri, vice-présidente de l’ASFC (Association française du Syndrome de fatigue chronique) : « La fatigue doit se décliner au pluriel car elle recouvre en réalité beaucoup de phénomènes qui méritent chacun d’être bien analysés. Laisser le terme de fatigue au singulier a pour conséquence de ne pas pouvoir accompagner correctement les malades. ». En effet, de nombreuses causes peuvent expliquer la survenue de la fatigue, comme des maladies somatiques, des maladies psychologiques, des troubles du sommeil, des douleurs, etc. Selon les cas, les malades vivront diverses sortes de fatigue. « La somnolence diurne n’est pas du tout la même chose que d’avoir une très grande fatigabilité et ne pas pouvoir mener une activité musculaire ou cognitive par manque d’énergie. », signale Isabelle Fornasieri.

Selon elle, il n’est pas si simple de faire reconnaître une ou plusieurs formes de fatigue en tant que maladie. Elle souligne en premier lieu que la fatigue est avant tout un phénomène naturel qui est le signe de quelque chose à corriger, d’une activité à stopper quand on s’approche des limites d’adaptation de l’organisme. Elle insiste ensuite sur le cas particulier du « syndrome de fatigue chronique » qui est bel et bien une maladie neurologique reconnue, avec un tableau clinique précis, et qui ne se réduit pas à un simple épuisement. Elle précise que son nom est trompeur car ce syndrome cache en réalité de nombreux autres symptômes (sommeil non récupérateur, intolérance à l’effort, troubles orthostatiques, douleurs, neuro-inflammation, troubles cognitifs, etc.). Cette maladie spécifique se distingue donc d’une fatigue due à une autre cause et qui se serait chronicisée. Isabelle ajoute : « La reconnaissance de la fatigue comme une maladie est délicate à mettre en place de la même façon qu’il serait complexe de dire que la douleur est une maladie. Il est cependant nécessaire de travailler sur la reconnaissance de la fatigue, et souhaitable de former des médecins qui en feraient leur spécialité, comme c’est le cas des algologues pour la douleur. Nous souhaitons également que soient créés des centres de la fatigue, avec des intervenants multidisciplinaires, sur le modèle des centres anti-douleur. ».

Evaluer la fatigue pour mieux orienter les patients

Le docteur Leroi reconnaît que les professionnels de santé sont très peu formés à l’évaluation de la fatigue, qui est d’ailleurs finalement assez mal documentée. Pour beaucoup, c’est un sujet qui reste en arrière-plan car en médecine, on apprend avant tout à faire un diagnostic et à traiter une pathologie. Elle constate : « Il se trouve que dans mon métier, je vois beaucoup de comptes rendus de patients pour différentes pathologies mais je n’ai jamais vu d’échelle d’évaluation de la fatigue, comme on le voit par exemple pour l’évaluation de la douleur. ». Elle explique qu’en effet, les échelles d’évaluation de la fatigue sont peu utilisées. On en trouve uniquement dans le cadre de certaines pathologies, en cancérologie par exemple, pour évaluer parfois les effets secondaires des traitements, possiblement en neurologie pour les pathologies où la fatigue est l’un des symptômes prédominants et peut influer sur la capacité de travail, ou encore dans certains troubles du sommeil comme l’apnée du sommeil.

Isabelle Fornasieri s’inquiète de ce manque de formation : « Si on n’évalue pas et si on n’essaye pas de comprendre les mécanismes qui se jouent derrière les différents types de fatigues, on ne peut pas proposer des prises en charge adaptées. ». La vice-présidente de l’ASFC cite l’exemple du réentraînement à l’effort ou de l’activité physique adaptée qui est très parlant dans la prise en charge de la fatigue. Elle précise que si l’on souffre d’une fatigue qui s’apparente à un épuisement avec des troubles du métabolisme énergétique et des désordres immuno-inflammatoires comme dans le syndrome de fatigue chronique ou dans la fatigue persistante suite à un COVID ou d’autres syndromes post-viraux, on doit d’abord vérifier s’il y a une exacerbation des symptômes après l’effort. Il peut en effet y avoir une intolérance à l’effort et à l’activité physique qui aggraveront alors l’état de fatigue des malades. En revanche, si l’on souffre d’une fatigue liée à une maladie qui oblige à garder le lit longtemps ou réduit l’activité physique et entraîne un déconditionnement musculaire, dans de tels cas, une activité légère, progressive, même si elle est difficile au début, sera bénéfique au patient, dans la mesure où il ne présente pas les désordres cités précédemment.

Quand la fatigue empêche de travailler…

Selon Isabelle Fornasieri, beaucoup de malades obtiennent des arrêts maladie ordinaires lorsqu’ils consultent leur médecin avec une plainte de fatigue qui les empêche d’assurer leur mission professionnelle. Cependant une fatigue intense et continue sans diagnostic ne permet pas d’envisager des arrêts prolongés. En effet, les médecins conseils de l’Assurance maladie réalisent une analyse de ces arrêts de travail, notamment ceux qui sont prolongés, avec la seule possibilité pour eux de consulter les pièces qui leur sont apportées au cours d’une convocation, associée à un examen du malade et un interrogatoire médical. En outre, comme le médecin conseil a aussi la charge de repérer les personnes en fraude, il remettra peut-être plus facilement en cause un arrêt maladie faisant apparaître comme principal motif une fatigue pour laquelle aucune cause évidente n’est mentionnée. Le docteur Leroi conclut : « Il me semble nécessaire d’être plus performant sur la formation des médecins sur ces sujets. Dans le cas du syndrome de fatigue chronique, il existe pourtant un tableau clinique typique qui permet de bien approcher le syndrome avec des critères précis qui ont fait l’objet d’un consensus médical international en 2011 accessibles à tous les médecins. ».

Sans diagnostic, face à un patient manifestement épuisé et incapable de reprendre son travail, lorsque ce dernier arrive au bout de ses indemnités journalières, ce sera alors au médecin conseil de l’Assurance maladie d’apprécier la situation et de voir s’il est pertinent de lui accorder une invalidité. Améliorer la formation des médecins dans l’analyse médicale de la fatigue, de son évaluation et de sa prise en charge est donc indispensable pour permettre la reconnaissance des droits de ces malades, droit non seulement aux arrêts de travail, mais aussi à l’attribution d’une pension d’invalidité ou d’une allocation adulte handicapé quand cela est nécessaire.

1 commentaires

  • Mme Fortier Line-Marie dit :

    Depuis toute petite je dois dire que je suis fatiguée…Comme on m’a dit une fois «  T’es fatiguée de naissance «  Et bien oui, je n’ai pas d’énergie tout en étant très nerveuse, tracassée, inquiète…Enfant je courais dans tous les sens…etj’arretais dans un coin en disant «  je joue plus ». A près des tas d’échecs scolaires puis plus tard’, dans la vie, ayant vu des médecins, des psys, des neuros, après des radios etc..il m’a été diagnostiqué un trouble de l’attention. Le TDAH. Après avoir parlé au Dr j’ai dis que j’étais née prématurée. Tout viens de là d’après une IRM et un fond d’œil. Il était temps, OMG, j’avais plus de 60 ans ! J’ai souffert car je devais travailler comme une folle pour un maigre résultat. Et j’étais Très lente.
    Tant pis pour moi…Dommage…Mais combien de gens sont dans mon cas et non seulement ne savent pas ce qu’ils ont mais culpabilisent et ne sont jamais aidés. Au moins je mourrai en sachant que ça n’était pas DE MA FAUTE.
    Parfois on se dit que ds certains domaines la médecine ne bouge pas beaucoup.

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