Interview : Le Conseil national de l’alimentation face au marketing et à la publicité alimentaire pour les enfants 

Le lundi 2 mars 2020, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique est passé en Commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale. L’article 54 soulève la question de la charte alimentaire et de l’encadrement des publicités concernant les produits alimentaires délétères pour la santé, surtout celles auxquelles sont exposés les publics les plus jeunes.
Ce sont des questions qui ont fait l’objet de recommandations par le Conseil national de l’alimentation (CNA), dans le cadre de deux avis récents.

Le premier (avis 81), adopté en 2018, concerne l’alimentation favorable à la santé et le second (avis 84), qui date de 2019, porte sur l’éducation à l’alimentation. Tous deux intègrent des recommandations visant à mieux encadrer la publicité et le marketing alimentaire, notamment lorsqu’ils touchent les moins de 16 ans.
Pourtant, le projet de loi débattu sur la charte alimentaire reste timide par rapport à ces recommandations, qui sont loin pourtant d’être portées uniquement par le CNA, puisque l’OMS ou la Cour des comptes dressent les mêmes constats. Malheureusement, il s’agit de remettre en cause des enjeux financiers substantiels pour l’industrie agro-alimentaire, comme pour les médias, qui risquent de gagner la partie face à la santé de nos enfants.
Finalement, comment s’élaborent les recommandations du CNA et dans quelle mesure sont-elles entendues ? C’est ce que nous explique Margaux Denis, responsable de concertations au Conseil national de l’alimentation.

66 Millions d’Impatients : Comment sont choisis les thèmes des avis que le Conseil national de l’alimentation émet et comment se dessinent les recommandations ?

Margaux Denis : Les thèmes des avis sont déterminés, soit à la demande d’un ou plusieurs ministères qui saisissent le CNA sur une question spécifique, soit via une auto-saisine du CNA sur un sujet. Cela a été d’ailleurs le cas pour l’avis 81 concernant l’alimentation favorable à la santé et l’avis 84 sur l’éducation à l’alimentation, pour lesquels nous sommes notamment partis du constat de l’augmentation et de coûts de l’obésité. Certains déséquilibres dans la chaîne alimentaire méritent d’être mieux régulés et encadrés, au travers notamment de la question de la publicité et du marketing alimentaire, et en priorité à l’égard des enfants (cette priorité ne fait toutefois pas consensus au sein du CNA). Cela dit, le marketing et la publicité alimentaire n’est pas un thème nouveau pour le CNA.
Pour chaque avis, un groupe de concertation se forme, où sont invités à participer les membres du CNA ainsi que des acteurs extérieurs pertinents, sollicités en fonction des thématiques abordées. Les recommandations sont orientées par les attentes des demandeurs de l’avis, puis des lignes directrices sont fixées par le président du groupe de concertation, dont les participants définiront peu à peu les recommandations au fur et à mesure de l’avancement des travaux. En débutant le groupe de concertation sur l’alimentation favorable à la santé par exemple, nous ne savions pas que nous allions créer des sous-groupes « mieux produire », « mieux transformer », etc.
En moyenne un avis est élaboré en un an, à raison d’au moins une réunion mensuelle du groupe au complet, et de réunions intermédiaires tenues par les éventuels sous-groupes.
Chaque recommandation est soumise au vote.

Est-ce facile de convaincre la majorité des acteurs de la chaîne alimentaire de participer aux groupes de concertation ?

Margaux Denis : Il est plutôt facile de mobiliser des acteurs importants selon les thématiques que nous abordons. Que cela soit les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les consommateurs, les institutionnels, les ONG, etc., personne ne veut perdre la main sur les recommandations à venir. Bien sûr, sur certains sujets, comme la publicité et le marketing alimentaire, depuis 10 ou 15 ans, on retrouve souvent les mêmes blocages, liés à des points de vue divergents des différents acteurs, mais depuis environ 2 ans, nous essayons de préciser de plus en plus quels sont les éventuels dissensus pour chaque recommandation et qui en est à l’origine. Cet effort de transparence peut mieux aider les décideurs à appréhender les points de désaccord et à en cerner les raisons.
Cela dit, l’espace de concertation que représente les travaux du CNA permet aussi aux acteurs de la chaîne alimentaire de mieux se connaître, de discuter et parfois d’évoluer sur telles ou telles questions. Sur le Nutri-score par exemple, on observe une évolution progressive des positions de certains acteurs, mais le sujet reste dissensuel au sein du CNA.

Comment mesurez-vous l’impact des avis du Conseil national de l’alimentation ?

Margaux Denis : Il est difficile de savoir à quel point ses recommandations sont appliquées, car nous ne sommes pas les seuls à émettre de telles recommandations et à les apporter sur la table des décideurs. Nous savons par exemple qu’une nouvelle charte alimentaire du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA – qui faisait d’ailleurs partie du groupe de concertation du CNA sur l’alimentation favorable à la santé) a été signée fin janvier 2020. Il est cependant difficile de mesurer précisément l’influence des travaux du CNA sur de telles actions. À ce que l’on peut en voir, une de nos recommandations qui était d’étendre leur périmètre d’action aux radios et aux supports numériques a été intégrée dans la nouvelle charte alimentaire du CSA.

 

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