Pair-aidance autour du diabète entre les femmes musulmanes d’Uzès

A Uzès, s’est organisé un mouvement de pair-aidance autour du diabète dans le quartier des Amandiers, grâce au travail de l’Association française des diabétiques du Gard (AFD30) et de Fouzia Aabis. Fouzia, elle-même diabétique, est d’origine marocaine et bénévole à l’AFD30. Elle vit depuis de très nombreuses années dans ce quartier des Amandiers qui rassemble une grande communauté musulmane et elle a réussi à y mobiliser les femmes diabétiques, afin de libérer la parole autour de cette maladie qui représente un tabou, presque une malédiction pour elles.

Petit portrait de Fouzia…

Diabétique de type 1 depuis l’âge de 19 ans, soit depuis plus de 30 ans, Fouzia avoue qu’: « il y a des moments où je me dis que je connais bien le diabète depuis le temps, et d’autres moments où je me sens perdue face à cette maladie. J’ai un caractère assez explosif qui ne fait pas toujours bon ménage avec le diabète ! ».
Très engagée localement au niveau associatif, cette mère de deux enfants, marocaine et musulmane, a souvent vécu sans son mari qui travaillait au Maroc. « Je suis très impliquée dans mon quartier et auprès de ma communauté mais j’ai toujours ressenti le besoin d’aller voir ce qu’il se passe aussi à l’extérieur, d’apporter mon aide quand je le peux. », explique Fouzia, qui fait partie du conseil citoyen d’Uzès, donne un coup de main administratif à la MJC, se rend au temple protestant, a longtemps participé avec d’autres femmes isolées à l’association locale de cuisine « La main à la pâte », etc.
C’est lors d’un forum des associations à Uzès, il y a 4 ans, qu’elle rencontre Yannick Prioux, président de l’AFD30, qui lui propose de se rendre aux « Cafés diabète », organisés sur Uzès. « Cela m’a fait du bien de parler, d’échanger sur le diabète. Je me souviens que les premières années de la maladie étaient dures pour moi. On ne sait pas à qui en parler et on se sent assez seul, d’autant que j’étais la seule de ma famille à en souffrir. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi cette maladie était tombée sur moi et à l’accepter. Dans ces Cafés diabète, on réalise à quel point chacun vit la maladie différemment et on s’entraide. Ce travail de pair-aidance autour du diabète est important pour accueillir et soutenir les nouveaux malades. ».

Une pair-aidance autour du diabète indispensable dans un quartier où cette maladie est un tabou

Le diabète est tabou dans le quartier des amandiers : « Au Maroc, que je connais bien, les malades du diabète, et surtout les femmes, sont facilement rejetées, même si de nos jours, heureusement, les choses changent. », précise Fouzia qui explique que même en France, les femmes musulmanes diabétiques se sentent stigmatisées et se le cachent, même entre elles. Fouzia de son côté en a toujours parlé très librement. Dans son quartier, tout le monde sait qu’elle est diabétique mais quand il arrive qu’elle en parle à quelqu’un qui ne le savait pas, elle constate presque systématiquement que les gens réagissent en se lamentant pour elle. Elle tient donc à faire passer le message qu’il est tout à fait possible d’avoir une très belle vie tout en étant diabétique ! Sa liberté de parole et son grand dynamisme ont, au cours des années, incité certaines femmes à venir lui poser discrètement des questions sur le diabète, pour elles-mêmes ou pour leurs enfants.
« Un jour, une maman est venue me voir avec sa petite fille diabétique. La fillette avait besoin d’être rassurée, de comprendre qu’elle pourrait mener une vie normale. Je lui ai expliqué que j’avais un mari, des enfants et que je faisais de nombreuses activités. Malgré la difficulté à accepter ma maladie les premières années, je n’ai jamais pensé que cela m’empêcherait de vivre normalement mais je me rends compte que beaucoup de malades se sentent restreints dans leur avenir. »
C’est aussi souvent lors de repas auxquelles elle est invitée dans le quartier, que Fouzia en profite pour parler de diabète avec les autres femmes concernées et qui osent alors lui poser quelques questions. Selon Fouzia, même les femmes bien suivies à l’hôpital ne connaissent pas toujours les bons réflexes en matière d’alimentation. C’est le cas pour le pain ou le couscous par exemple, dont on se méfie moins car ces aliments et plats n’ont pas un goût sucré prononcé, alors qu’ils sont en réalité plein de glucides. « Finalement, c’est ce genre de petites occasions qui, peu à peu, a permis de formaliser des réunions plus encadrées et soutenues par l’AFD30, avec une vraie dynamique de pair-aidance autour du diabète, dans notre quartier. », explique Fouzia qui se désole également que les personnes âgées diabétiques jettent presque d’emblée l’éponge par rapport au traitement du diabète, considérant que c’est une fatalité contre laquelle il n’y a rien à faire.

Des réunions de quartier formalisées, avec des professionnels de santé, pour soutenir ce travail de pair-aidance autour du diabète

Ces réunions sont le fruit d’un appel à projet et sont animées par Fouzia et une autre bénévole de l’AFD30, accompagnées d’un professionnel de santé qui change selon les thèmes abordés. Ainsi les participants ont-ils pu rencontrer une infirmière, un médecin diabétologue ou un podologue par exemple. Les rendez-vous se tiennent dans une petite salle du quartier des Amandiers. Il était essentiel que ces réunions aient lieu dans leur quartier, car les femmes en sortent peu souvent. Fouzia sait qu’il aurait été très difficile, par exemple, de faire déplacer les femmes de sa communauté aux « Cafés Diabète », car pour elles, c’est très mal vu de se rendre dans un bar. Cependant, il n’est pas rare que les femmes qui se rendent au réunions du quartier des Amandiers, préfèrent dire qu’elles viennent pour une amie diabétique alors que ce sont elles qui en souffrent. Pour l’instant 6 réunions ont eu lieu, malheureusement stoppées par le coronavirus. Au début, 5 à 6 participantes se sont présentées et il y avait une dizaine de personnes à la dernière réunion. Ces rendez-vous ne sont pas réservés aux femmes ! Un homme est venu mais Fouzia a senti qu’il était très gêné.
Ces moments d’échange entre malades, de pair-aidance autour du diabète, servent à faire le point sur ce que les femmes malades n’ont pas bien assimilé sur cette pathologie. Il faut comprendre que certaines d’entre elles ne parlent pas bien français et que quand elles se rendent chez le médecin, elles y vont avec leurs enfants ou leur mari qui traduisent, sans toujours bien rentrer dans les détails, ce que le médecin leur dit. Elles ont donc besoin de ces moments supplémentaires, où elles peuvent poser des questions aux professionnels de santé, et que Fouzia peux traduire tranquillement si besoin. En outre, il y a des spécificités liées à la religion musulmane et dont les femmes n’osent pas parler ailleurs. Par exemple, celles qui doivent se faire faire des piqûres d’insuline n’osent pas montrer leur peau, surtout face à des infirmiers hommes. Elles se dévêtissent à peine et ont des hématomes douloureux à l’endroit où on les pique quotidiennement, alors qu’idéalement il faut diversifier, sur le ventre, les endroits où l’on fait les piqûres.
« Dès qu’elles comprennent mieux la maladie, les traitements, le fait que cela ne les empêche pas de vivre, les femmes de mon quartier deviennent très actives, impliquées et appliquées. Elles ont envie de se prendre en main, d’améliorer leur qualité de vie et de rester le plus longtemps possible en bonne santé. », conclue Fouzia.

 

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