Contrairement au premier confinement, les visites en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) restent possibles pour celui qui a débuté le 30 octobre 2020,
Cependant, les associations d’usagers, au travers des témoignages des familles, révèlent de nombreux cas qui ne vont pas toujours dans le sens des recommandations officielles et laissent place parfois à beaucoup d’incompréhension, de frustration, voire de détresse.
Pour répondre aux questions des usagers et faire face à des situations conflictuelles, il peut être utile de faire appel au service Santé Info Droits, mais également à la nouvelle cellule d’écoute et de dialogue de Nouvelle Aquitaine, mise en place pour aider à la gestion des conflits entre les familles et les EHPAD.
Les recommandations officielles sur les visites en EHPAD émises par la Haute Autorité de Santé (HAS)
La HAS vient de publier, début novembre 2020, un document d’information intitulé : « Comment protéger vos proches lors des visites en EHPAD ? ».
Elle rappelle qu’à ce jour, les visites en EHPAD sont autorisées selon une organisation définie collectivement par l’établissement, en lien avec les représentants des résidents et des familles et qu’en cas de survenue de cas de Covid-19, elles peuvent être suspendues temporairement dans tout ou partie de l’établissement.
Le document explique également qu’il est essentiel de reporter sa visite si l’on a des signes de fièvre, toux sèche, fatigue ou si l’on est « cas contact ».
Enfin il précise :
Quand vous arrivez à l’EHPAD, vous accédez à un espace de vie commun, il est primordial de :
- Respecter les règles mises en place par l’établissement
- Privilégier dans la mesure du possible des vêtements dédiés à cette visite
- Désinfecter les mains avec une solution hydro-alcoolique
- Mettre un masque (nez et bouche couverts) ; le masque chirurgical est recommandé
- Renseigner le registre mis en place à l’entrée de l’établissement et signer la charte d’engagement au respect des gestes barrières et au port du masque
- S’installer dans les espaces dédiés aux visites. Les visites en chambre peuvent être autorisées par la direction dans certains cas : résidents ne pouvant pas se déplacer, situation de fin de vie, etc.
Lorsque vous êtes avec votre proche, il est primordial de :
- Se désinfecter à nouveau les mains avec une solution hydro-alcoolique
- Respecter la distance minimum d’un mètre
- Garder votre masque (nez et bouche couverts) durant toute la visite. Ne le retirer sous aucun prétexte
Le problème de l’interprétation des recommandations concernant les visites en EHPAD
Alors qu’elle salue dans son ensemble le travail difficile des personnels d’EHPAD, Geneviève Demoures, présidente de France Alzheimer Dordogne, déplore cependant parfois des dysfonctionnements, des incompréhensions, voire la position de certains établissements qui assimilent les comportements des familles à des « évènements indésirables » lorsqu’ils négligent les gestes barrière.
Elle constate que certains établissements ont fermé leurs portes aux visites alors qu’aucun cas de Covid n’y est déclaré ou que d’autres EHPAD obligeraient les familles à se faire tester avant les visites, alors même que la Haute Autorité de santé (HAS) précise qu’aucun test ne peut être exigé pour les visiteurs. Elle rappelle aussi qu’une visite réglementée n’est pas une visite sous surveillance et que la chambre reste un espace privé.
Elle plaide également pour la mise en place de masques transparents pour les malades souffrant de prosopagnosie, c’est à dire de difficulté ou d’incapacité à reconnaître un visage, qui est évidemment accentué par le port du masque. France Alzheimer a d’ailleurs lancé une commande de masques transparents à distribuer à ses adhérents.
Témoignages des familles reçus notamment par la ligne Santé Info Droits
« Ma mère âgée de 80 ans est résidente en EHPAD. Depuis le 29 octobre 2020, les visites des proches sont interdites au motif qu’il y aurait trois cas positifs asymptomatiques chez deux résidents et un employé de l’EHPAD.
Parmi les familles, nous sommes plusieurs à avoir constaté qu’un certain nombre de personnels ne portaient pas le masque dans l’EHPAD encore dans la semaine du 26 au 30 octobre.
Ces mesures d’interdiction des visites des proches sont-elles légales ? Messieurs MACRON et CASTEX ayant affirmé qu’il n’y aurait pas d’interdiction de la sorte dans les EHPAD.
Que pouvons-nous faire pour faire entendre nos droits et ceux de nos parents résidents ? »
6 novembre 2020
« J’ai été contacté par une famille d’un résident d’un EHPAD, rattaché à un hôpital de province : je me méfie de la directrice qui fait tout pour m’exclure de tout. Je voudrais confirmation que la directrice a bien le pouvoir de fermer aux visites l’EHPAD au motif qu’hier une personne du personnel de l’EHPAD a été détecté comme COVID + »
4 novembre 2020
« Je suis en colère contre l’ARS qui confine les personnes âgées pour les protéger d’une maladie infectieuse mais qui ne tient aucun compte de leur santé mentale et sociale. La définition de l’OMS ne tient-elle pas compte des trois volets santé physique, mentale et sociale ? Ma mère (maladie neurodégénérative) hospitalisée pendant le confinement pour une fracture du col du fémur, puis entrée en EHPAD n’a vu son mari, mon père, que deux fois une demi-heure avec masque depuis le mois avril. Ma tante dont le mari est décédé en EHPAD n’a vu son mari que dans le quart d’heure précédant sa mort. Que pouvons-nous contre cette bureaucratie qui a oublié l’humain ? »
Juin 2020
« Je vous appelle car j’ai un proche en EHPAD et il interdit les visites, je voudrais savoir s’il y a un protocole. »
11 Aout 2020
« Je vous appelle car on m’a limité les visites de ma mère en EHPAD à une heure en raison du Covid, je ne comprends pas… »
3 septembre 2020
« Mon père est en EHPAD et le directeur vient de les reconfiner alors qu’il n’y a que peu de cas dans la région et aucun dans l’établissement. Les visites ne sont autorisées que deux fois par semaine une demi-heure et dehors, ce qui n’est pas tenable. Que peut on faire ? »
16 octobre 2020
« J’ai rendu visite à ma grand-mère en EHPAD et un membre du personnel nous a surveillé durant toute la visite. Nous n’avions aucune intimité. A un moment, elle a fait un geste vers moi pour poser sa main sur ma cuisse, et le surveillant l’en a empêché. J’en aurais pleuré. »
Septembre 2020
« Je rends visite chaque jour à ma femme en EHPAD. Je suis extrêmement précautionneux. Je ne quitte pas mon masque et je mets du gel hydro-alcoolique plusieurs fois. Ainsi je ne comprends pas que je ne puisse pas au moins prendre la main de ma femme alors que les aides soignantes, devant moi, le font. »
Septembre 2020
Mieux porter la voix des usagers et la démocratie sanitaire dans les EHPAD
Les messages relayés par les médias concernant la situation des résidents en EHPAD sont peu représentatifs de la réalité, constate Geneviève Demoures. « On tend le micro à des résidents qui sont en capacité de s’exprimer et c’est très bien, mais on oublie un très grand nombre de patients souffrant de troubles neurocognitifs, qui ne peuvent pas donner leur avis, ni même se servir d’un téléphone ou d’un ordinateur pour rester en contact avec leur famille quand les visites ne peuvent pas avoir lieu. », explique la présidente de France Alzheimer Dordogne.
Si quelques EHPAD ont choisi eux-mêmes un confinement volontaire en faisant voter résidents et familles, la plupart du temps, les décisions semblent imposées aux familles par les établissements. « Il serait pourtant essentiel que les familles et les résidents puissent être associés aux décisions qui les concernent afin d’assurer une meilleure acceptabilité des mesures qui sont prises. », commente Geneviève Demoures.
Le problème actuel que l’on rencontre dans les EHPAD est que le conseil de vie sociale (CVS), c’est à dire l’instance élue qui permet d’associer les usagers au fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux sont composés de représentants des résidents et surtout de représentants des familles. Or ces dernières hésitent beaucoup à prendre la parole et à dénoncer d’éventuels dysfonctionnements car elles ont peur que leur parent, résident, en subissent les conséquences. De nombreuses associations de patients demandent d’ailleurs qu’il y ait des représentants neutres au sein des CVS, et qui ne craindraient pas de monter au créneau le cas échéant. C’est d’ailleurs ainsi que cela se passe dans chaque établissement de santé public et privé, où des commissions des usagers (CDU) sont mises en place. Pourquoi ne pas étendre aux CVS, le système des CDU qui prévoit la présence de « représentant des usagers » bénévoles, qui veillent au respect des droits des patients ? (Lire notre article : « Vous aussi, devenez représentant des usagers »).
Une cellule d’écoute et de dialogue pour gérer les conflits entre les familles et les EHPAD
A l’initiative de l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle Aquitaine, une cellule d’écoute et de dialogue vient d’être mise en place, dans le but d’accompagner les familles et les EHPAD lorsque d’éventuelles tensions surviennent, afin d’éviter que celles-ci ne deviennent trop conflictuelles.
Co-animée par l’Espace de réflexion éthique de Nouvelle-Aquitaine (ERENA) et France Alzheimer et maladies apparentées, le dispositif, gratuit, peut être saisi, en cas de conflit, autant par les familles que par les directions des EHPAD. Ce type de cellule est une première et est unique en France, mais on peut espérer qu’il essaime dans d’autres régions.
Chaque dossier est étudié en binôme par des écoutants de l’ERENA et de France Alzheimer et maladies apparentées. L’ARS ne participe pas aux entretiens de la cellule mais elle reçoit un compte-rendu anonymisée. La cellule n’a pas vocation à faire de la médiation et n’a aucun pouvoir juridique. Elle intervient uniquement en tant que conseil.
Le but est que les familles soient mieux entendues et que les directeurs d’EHPAD ne soient plus seuls face à leur responsabilité.
Pour saisir la cellule d’écoute et de dialogue de Nouvelle Aquitaine :
Téléphone : 05 49 44 40 18
Courriel : erena.poitiers@chu-poitiers.fr
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Ma maman est en maison de retraite, elle a eu la covid et a été hospitalisée, elle se remet doucement mais elle est très déprimée ,elle a aussi l’Alzeimer , je voudrais être à ses côtés car elle a besoin de nous voir , avant je l’a prenait une fois semaine à la maison, elle s’enfonce de jour en jour il faut réagir avant qu’il ne soit trop tard. Si vous avez un parent dans cette situation vous comprendrez mon désarroi et mon impuissance
Je souhaiterai tellement avoir ma maman pour NOEL pour quelques jours à la maison
pensez à toutes les familles qui sont dans mon cas
je suis bien consciente qu’il faut être très prudent et respecter un protocole
un petit geste pour nos aînés
Merci
Je suis en accord avec votre affirmation » la plupart du temps, les décisions semblent imposées aux familles par les établissements. » et celle relative à la difficulté d’expression du CVS. Je vis en tant que famille depuis le premier confinement cette situation. un conseil de la vie sociale non réunis depuis le début d’année. Des informations envoyées aux familles par mail (avec des oublis , qui nous a -t-on dit serait liés à un défaut de transmission d’information sur les personnes à contacter au sein de la résidence=> nous n’avons pas été informé pendant 1 mois, avant que je ne me manifeste). Maintenant Noël approche , hier midi, une info orale donnée en salle à manger aux résidents associé à un mail aux familles(sortie possible dans la famille, avec confinement au retour ) et puis hier soir, la goutte d’eau… un second mail reçu à 19H14 » dont voici la teneur: « Concernant les sorties et retours des résidents :
A titre exceptionnel, pendant cette période, les sorties en familles sont autorisées pour les résidents qui le souhaitent. Toutefois, il est demandé au résident un test négatif RT-PCR ou antigénique en amont de sa visite et un test obligatoire au retour ainsi qu’une non participation préventive aux animations collectives et aux repas collectifs. Dans tous les cas, un résultat de test positif aura pour conséquence l’obligation de garder la chambre au moins 7 jours et, en présence de symptômes, jusqu’à 48 heures après la disparition de la fièvre.
Une attestation sera demandée au résident ( jointe) afin de s’assurer qu’il a bien compris les conditions de cette sortie exceptionnelles ». et les résidents ne sont pas encore informés!(j’ai eu la personne de ma famille ce matin, elle ne m’a fait part d’aucune nouvelle information reçue. Aucune consultation du CVS… Je ressens cette position comme abusive et connait le ressenti que cela va produire chez les résidents de cette résidence autonomie( car il ne s’agit pas d’un EHPAD mais bien d’un lieu de vie avec appartement autonome et déjeuner collectifs au minimum 20 repas par mois. Les personnes y sont donc majoritairement adultes, conscient, capable de réflexion et de positionnement en adulte. Cette résidence dépendant de la fonction publique territoriale, j’imagine ces « précautions » comme un parapluie pour se protéger de tout pb juridique ». Et alors l’a bientraitance, le respect des droits et l’humanité… Où est-elle? Aujourd’hui, je (en tant que famille) , nous (avec certains résidents) ressentons une impuissance totale . dans le respect de certaines personnes qui y résident et sachant « la peur de faire des vagues, de se sentir coupable » je m’exprime auprès de vous , pour faire entendre ce sentiment d’impuissance à voir nos ainés maltraités par ce que je vois comme un abus de pouvoir et des ordres abusifs et culpabilisants. Comment agir?? pour le bien être des résidents et celui des soignants soumis à des injonctions . Auprès de qui avoir un espoir de faire évoluer ces choses ???
Ma mère est en EHPAD. Les visites en chambre sont interdites. Nous nous voyons sur rendez-vous, pour seulement 1h, avec une table entre nous, dans un espace bruyant puisque nous ne sommes pas seules. Obligées de parler fort car elle est sourde, donc aucune intimité.
Elle a été hospitalisée 6 jours. J’ai pu aller l’aider à s’habiller et préparer ses affaires avant de partir à l’hôpital. Nous avons été prévenues 10mn avant. Quand je suis arrivée dans sa chambre, il y avait une aide soignante sans masque.
Aucun médecin de L’EHPAD pour nous renseigner car c’était le weekend.
Aucune coordination entre l’hôpital et L’EHPAD (EHPAD public géré par l’hôpital), médecin de L’EHPAD injoignable. Cadre de santé de L’EHPAD non prévenu.
Je n’ai eu droit qu’à une visite au bout de 4 jours, car ma mère très désorientée était très agressive, j’ai suggéré que ma présence pourrait la calmer. « Vous êtes sûre ? » M’a-t-il été demandé !! Mais pourquoi êtes-vous paniquée comme ça madame ? (Aucune information sur son état de santé pendant 6 jours si je n’avais pas appelé moi-même pour leur en arracher. On vous promet qu’on va vous rappeler et 4h après vous attendez toujours, alors vous les rappelez et on vous fait sentir que vous dérangez).
Elle est restée 6 jours avec le même pull et la même jupe, jours et nuits.
Le jour où elle est revenue à L’EHPAD, ils m’en ont refusé l’entrée. J’ai poiroté 20mn devant la grille d’entrée pour leur faire passer une chemise de nuit, ils m’avaient oublié. Aucune excuse bien sûr, au contraire l’infirmière m’a dit que je n’avais qu’à me plaindre à l’administration.
J’ai craqué devant cette inhumanité. J’ai crié. J’ai pleuré. Mais je regrette car j’ai peur que ma mère en subisse les conséquences.
Bonjour,
Pour obtenir une information individuelle sur toute question juridique ou sociale en lien avec la santé, vous pouvez contacter notre ligne Santé Info Droits composée d’avocats et de juristes spécialisés, soumis au secret professionnel et bénéficiant de sessions régulières de formation en lien avec les associations membres de France Assos Santé. Numéro de la ligne : 01 53 62 40 30 (chaque après-midi à partir de 14h, du lundi au vendredi).
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L’équipe de France Assos Santé