Alors que depuis 1946, la mission des Petits Frères des Pauvres est d’aller vers les personnes âgées isolées et en situation de pauvreté matérielle, la crise sanitaire liée au Covid-19 a rendu ses actions plus importantes que jamais mais a également bouleversé ses activités. Le confinement a souvent empêché les 12 000 bénévoles de l’association d’aller vers les 35 000 personnes accompagnées et accueillies pour leur rendre visite, que cela soit, ainsi qu’ils en ont l’habitude, à leur domicile, en maison de retraite, à l’hôpital, dans les foyers de migrants, en milieu carcéral ou lors des sorties ou rencontres organisées par les fraternités dans toute la France.
Il a fallu et il faut toujours, alors que le déconfinement se met en place, se réorganiser, repenser les missions et réinventer la relation des Petits Frères des Pauvres face au Covid.
PASSER DU LIEN DE PROXIMITÉ À LA RELATION À DISTANCE
Les Petits Frères des Pauvres, depuis toujours, concentrent leurs efforts sur l’accompagnement des personnes âgées les plus isolées et en situation de précarité, voire de grande précarité, comme les migrants ou les personnes ayant vécu dans la rue. Sylvie Lattanzi, chef de projet en charge de la mission Usagers du Système de Santé au sein de l’association des Petits Frères des Pauvres, explique que l’un des enjeux principaux des bénévoles est de créer un lien de proximité auprès de personnes qui, bien avant le confinement déjà, avait la malchance d’être déjà très isolées. « Pour les personnes que nous accompagnons, souvent éloignées de toutes relations sociales, le contact humain à travers un regard, une main posée sur leur épaule sont essentiels, et c’est ainsi que nous désirons communiquer avec eux. Outre le fait que nous ne pouvons plus leur rendre visite comme d’habitude, notamment dans les maisons de retraites ou dans les services de soins palliatifs où nous nous rendons normalement beaucoup, ce sont les petits gestes du quotidien qui manquent au plus grand nombre des aînés que nous accompagnons. Les bénévoles également sont frustrés. Pour nous et pour les aînés accompagnés, cette rupture dans les visites a été très brutale. ».
Les relais téléphoniques ont pu cependant se mettre en place facilement, grâce notamment à « Solitud’écoute » (0 800 47 47 88). Cette ligne d’écoute gratuite et anonyme, animée par des bénévoles écoutants formés, est gérée par l’association. Elle est destinée aux personnes isolées de plus de 50 ans.
LES LIMITES DES LIENS TÉLÉPHONIQUES SUR LA DURÉE
Bien entendu, les bénévoles de l’association se sont aussi très rapidement organisés pour contacter personnellement, par téléphone, les aînés accompagnés. Cependant, ainsi que l’explique Sylvie Lattanzi, ce sont des publics qui n’ont pas forcément de téléphone personnel ou de forfait téléphonique et qui souvent ne sont pas à l’aise au téléphone.
Afin de soutenir les équipes bénévoles qui peuvent avoir des difficultés à maintenir ces fragiles liens téléphoniques, les Petits Frères des Pauvres ont prévu une « Cellule d’appui COVID ». Encadrée par des équipes professionnelles cette cellule, destinée aux bénévoles et aux salariés de l’association, vient s’ajouter à la « Cellule d’appui Conseil de lutte contre les maltraitances », qui est déjà active toute l’année. « Nos bénévoles sont souvent eux-mêmes âgés et les aînés accompagnés sont, pour la plupart, fragiles et éloignés du système de santé, bien que souvent atteint de maladies chroniques. Ils ont une peur viscérale d’attraper la Covid-19. Tout cela créé un climat d’anxiété autour de cette maladie et la mise en place d’une cellule d’appui dédiée au Covid-19 nous a rapidement semblé aussi pertinente qu’indispensable. », ajoute Sylvie Lattanzi.
Face au décès brutal de personnes accompagnées, dans des conditions de solitude extrême, à leur domicile, en EHPAD ou à l’hôpital, l’association a dû également soutenir les bénévoles très éprouvés psychologiquement. « Dans ces moments c’est tout un collectif qui s’interroge, qui a du chagrin et de la colère mélangés car ces évènements nous empêchent concrètement d’être aux côtés de nos ainés. Cette « entaille » dans notre mission sociale nous en sommes les témoins impuissants. En même temps, nous avons hautement conscience de la nécessité de les protéger, c’est un conflit éthique avec lequel nous devons composer tous les jours ! », déclare Sylvie Lattanzi. Elle ajoute : « Certains des bénévoles n’ont pas pu dire « au revoir » à la personne qu’ils accompagnaient depuis de nombreuses années, c’est traumatisant et cela peut aussi avoir comme conséquence un désengagement, une perte de confiance en soi pour un bénévole. À nouveau, il a fallu faire preuve de réactivité et les soutiens se sont organisés pour aider les équipes à faire leur deuil : dispositif d’écoute dédié animé par des professionnels, temps de mémoire à distance, évocation de la personne, messages écrits sur la porte de la maison, etc.»
LES ACTIONS DES PETITS FRÈRES DES PAUVRES FACE AU COVID
Le Covid-19 n’a pas empêché les bénévoles, partout en France, de penser aux aînés et aux personnels soignants qui prennent soin d’eux et de leur apporter du soutien. Certains ont notamment distribué du muguet à domicile ou en établissement lors du 1er mai. À Albi, en plus des fleurs, des masques en tissu, confectionnés par les bénévoles ont également été offerts à chaque personne accompagnée par l’association. À Paris et en Normandie, grâce à des partenaires privés, des paniers gourmands préparés par des chefs et des chocolats ont été distribués. À Versailles, la fraternité s’est mobilisée pour confectionner des sur-blouses et des pantalons pour les hôpitaux et EHPAD de la ville.
LES PETITS FRÈRES DES PAUVRES FACE AU COVID SOUTENUS PAR UN ÉLAN DE SOLIDARITÉ
L’association a plus que triplé ses demandes pour devenir bénévole et les donateurs également ont été plus généreux que d’ordinaire. « Les gens ont redécouvert, au travers de divers reportages télévisés, ce que nous faisions, toute l’année, auprès des personnes âgées et isolées, notamment lors de nos visites dans les maisons de retraite. Cela a beaucoup ému la population qui s’est manifestée pour nous aider. », constate Sylvie Lattanzi. Tous les acteurs de l’association espèrent que ces élans de solidarité se poursuivront dans le temps, car l’impact de cette crise sanitaire et économique va très probablement accroître le nombre de personnes qui auront besoin d’être accompagnés par les Petits frères des Pauvres dans les semaines et les mois à venir.
Bien sûr, il faudra du temps pour rencontrer et former les futurs bénévoles avant de les envoyer en mission. En attendant, le travail continue pendant le déconfinement, pour organiser les équipes des bénévoles actuels à reprendre leurs liens de proximité avec les aînés accompagnés, en assurant pour tous, un maximum de sécurité.
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