Qui protège les citoyens participant à une recherche clinique ?

Les Comités de Protection des Personnes (CPP) sont chargés d’émettre un avis préalable sur les conditions de validité de toute recherche impliquant la personne humaine. Les CPP se prononcent sur les conditions dans lesquelles le promoteur de la recherche assure la protection des participants, sur le bien-fondé et la pertinence du projet de recherche et sur sa qualité méthodologique. Des représentants des usagers (RU) veillent à la prise en compte des dimensions éthiques et tout particulièrement à ce que l’information donnée aux participants soit claire, compréhensible et loyale afin qu’ils puissent consentir de façon éclairée. France Assos Santé contribue à faire vivre ces instances majeures de  la démocratie en santé.

Nous sommes des « Représentants des Usagers » (RU), membres bénévoles d’associations, et à ce titre, nous avons accepté de participer à un Comité de Protection des Personnes (CPP), parmi 28 membres, tous bénévoles, dans chacun des 39 CPP en France. Dans un cadre législatif très strict, chaque CPP est composé à égalité de scientifiques : médecins hospitaliers et de ville, infirmiers, chercheurs, pharmaciens etc. et de personnes de la société civile : juristes, assistants sociaux, spécialistes d’éthique dont les RU etc. dont les compétences et les conflits d’intérêts ont été contrôlés et sont accessibles à tous.

La méthode d’évaluation des protocoles par les CPP, par leur grande diversité sociale et professionnelle, permet d’évaluer, en concertation, la balance bénéfice/risque sous le prisme de l’éthique et toujours dans l’intérêt du participant. La vague pandémique touchant notre planète et les bouleversements que celle-ci entraîne dans toutes les sphères de notre société nous amène, nous, les représentants des usagers, à prendre la parole dans le domaine de la recherche, au moment où le monde entier court après le remède miracle contre ce virus.

En France, depuis le début de la pandémie, certains « protocoles » sont lancés hors des règles éthiques et légales ou de résultats trop préliminaires repris par la plupart des médias. Pourtant il existe un seul objectif pour tous, vaincre ce virus qui a pris le monde entier de court a tué et tuera encore. Cet objectif doit être suivi avec tout le respect dévolu aux patients et participants aux recherches, sans agitation de communication à tout va.

L’urgence n’est pas dans des recettes « intuitives » ou des initiatives personnelles non validées. Toute bonne idée doit être entendue, mais elle doit se traduire par une démarche rationnelle, entrant dans le cadre d’un protocole de recherche.

Cette urgence ne peut justifier une précipitation dont les conséquences peuvent être dramatiques. Les CPP sont organisés depuis le début de la crise pour analyser en urgence TOUS les projets de recherche soumis par leurs promoteurs, qu’ils soient centres hospitaliers, laboratoires de l’industrie pharmaceutique, ou médecins généralistes etc. L’urgence n’est aucunement une excuse pour s’affranchir des règles éthiques.

L’obsession des membres des CPP repose sur la balance bénéfice/risque et sur l’information apportée à la personne qui s’implique dans la recherche afin qu’elle puisse donner son consentement éclairé. Nous voulons donc, en tant que Représentants des Usagers, qu’un traitement apporte la preuve de son intérêt pour les patients par des essais rigoureux et validés en recherche clinique.

Dans cette période où il est plus que normal de s’angoisser pour notre devenir, où nous sommes depuis trop longtemps envahis par des informations incontrôlées, voire incontrôlables, nous attendons de nos institutions qu’elles montrent clairvoyance et fermeté devant la déferlante des traitements plus ou moins saugrenus, ou même dangereux, faisant le bonheur des réseaux sociaux et des médias.

Les polémiques absurdes et toxiques sèment d’ailleurs un trouble encore plus grand, tant au sein d’une communauté scientifique dédiée à lutter, souvent avec des moyens insuffisants ou dérisoires, qu’auprès de citoyens perdus au milieu de cette flambée d’informations contradictoires…

Nous avons tenu, du fait de notre position privilégiée d’observateurs de cette grande machine qu’est la recherche médicale, à faire connaître notre inquiétude quant au respect d’un principe fondamental qui doit être le rempart en ces temps difficiles : ne pas nuire aux patients, grâce aux garde-fous établis depuis le Code de Nuremberg (1947), la déclaration d’Helsinki, ainsi qu’en France et en Europe, les lois encadrant la recherche clinique.

L’État a peu à peu pris conscience de l’importance de la représentation citoyenne et des usagers dans les instances de décisions sanitaires, et depuis plusieurs années, reconnaît les « Représentants des Usagers » (RU), membres bénévoles d’associations agréées, comme interlocuteurs et acteurs de la démocratie sanitaire.

Avant de pouvoir débuter, un essai clinique est soumis à un double examen approfondi, celui de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), mais également celui du CPP. Depuis l’origine de la réglementation relative aux Essais Cliniques (Loi Huriet-Serusclat de 1988), le protocole doit obtenir l’autorisation de l’ANSM et, depuis 2012, un avis décisionnel du CPP. La loi a donc mis sur le même plan d’égalité la vision scientifique et la vision éthique grâce aux CPP et à leur composition pluridisciplinaire.

En tant que Représentants des Usagers, nous sommes bien entendu ouverts à tout ce qui peut améliorer la santé de nos concitoyens, mais nous ne pouvons cautionner, même en temps de crise, des méthodes qui s’écarteraient de l’éthique

Cette tribune a reçu le soutien des représentants d’usagers suivants :

  • Renée AUZIMOUR
  • Marianne BARRIERE
  • Micheline BERNARD HARLAUT
  • Georges BERNE
  • Pierre BESNARD
  • Odile BLANC
  • Patrick BLIEK
  • Lucio CAMPANILE
  • Pierre CARLIER
  • Micheline CLAES
  • Claude COTTET
  • Danièle CUEFF
  • Patrick D’ANGIO
  • Christophe DEMONFAUCON
  • Micheline DENANCE
  • Jeany GALLIOT
  • Edmond FLACKS
  • Jeannette GUEDMI
  • Laurence GUEST
  • Chantal GUITTET
  • Annie LABBE
  • Christiane LEGENDRE
  • Gérard LEGOFF
  • Francis LOUIS BOUCHÉ
  • Pierre MACIAG
  • Georges MARDUEL
  • Richard MARTINEZ
  • Paulette MORIN
  • André PILON
  • Monique SEHAN
  • Edith TROCME
  • Bernard SAINTE-AUBERT
  • Martine TROUGOUBOFF
  • Alain VIDAL
  • Daniel VIGIER
  • François WELLHOFF

4 commentaires

  • Albert COUNET dit :

    Je représente une Association de Patients au sein du Comité d’Ethique d’un CHU belge.
    Depuis le déclenchement de la pandémie, le CE a dû donner son avis sur de nombreux projets d’études et de recherches concernant la Covid 19. Tout cela dans l’urgence et avec la difficulté supplémentaire – confinement oblige – de ne pouvoir organiser les réunions du CE en présentiel.
    Une méthode de consultation rapide a été mise en place rapidement pour permettre aux membres de remettre un avis rapide quant aux différents – et nombreux – projets soumis (études, essais, bio banques, registres…). La rapidité n’a pas empêché la rigueur et les droit des patients ont continué à être pris en considération, notamment le consentement informé, comme si le CE fonctionnait normalement.

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