La « taxe lapin » ou l’annonce du gouvernement qui va abîmer la relation de soins

Coup d’accélérateur des annonces sur la santé par le gouvernement Attal ce week-end.  Parmi les différentes mesures, du bon à l’instar de la simplification du dispositif Mon soutien psy ou encore le développement des services accès aux soins (SAS), y compris l’autorisation accordée aux pharmaciens de prescrire des antibiotiques, mais aussi du très mauvais, comme le retour de la taxe pour les rendez-vous médicaux non honorés, la fameuse « taxe lapin », ligne rouge non franchie dans le PLFSS 2024 – l’amendement avait été rejeté par l’Assemblée et supprimé de la version définitive du texte.

Copie d’écran des annonces santé du gouvernement
Copie d’écran des annonces santé du gouvernement

Retour donc de la taxe de « la honte », sous une forme particulière : 5 € seraient prélevés aux patients qui n’honorent pas un rendez-vous ou l’annulent moins de 24 heures avant. « Si elle est instaurée, cette pénalité sera collectée via l’empreinte bancaire par les plateformes de prise de rendez-vous ou par les soignants eux-mêmes en cas de prise de rendez-vous en direct », précise France Info. Aujourd’hui, l’obligation d’empreinte bancaire pour les praticiens n’est pas sur la table, mais rien ne dit que cette pratique ne devienne pas une norme – d’usage ou…législative !

Nous déroulerons dans ce mauvais point pourquoi cette taxe – si elle est mise en place car, aujourd’hui, elle est illégale aux yeux du code de la santé publique* – n’est pas réaliste et en quoi le gouvernement n’a absolument pas préparé l’impact extrêmement néfaste sur la relation soignant/soigné.

Voici les principaux arguments en présence :

  1. Le premier argument contre est massif : 15 % des personnes rencontrent des difficultés avec le numérique et 5 % n’ont pas de carte bancaire, ce qui représente 3,3 millions de personnes. Adultes sous mesure de protection, personnes sans abri, mineurs non accompagnés ou demandeurs d’asile, ces derniers vont-ils du coup être purement et simplement privés de soins ?
  2. La taxe va tendre la relation dans un contexte où les patients ne parviennent pas, pour certains, à trouver un médecin traitant. Cette taxe va juste réussir à crisper une relation de soins déjà inflammable dans un contexte de pénurie médicale !
  3. Quelle régulation du contentieux en cas de désaccord d’un patient avec un praticien ? Qui régulera quand un patient sera indûment taxé ?
  4. Selon les plateformes, les médecins généralistes ont des rendez-vous qui « bougent » beaucoup dans un délai très court, la plupart du temps dans la journée, les figer sur 24h est donc un non-sens ! Sans compter que 2/3 des rendez-vous ne sont pas pris en ligne par les patients, mais par téléphone ou directement par le praticien, notamment à la fin de la consultation.
  5. Le travail des assistants médicaux – une avancée pour l’organisation des cabinets – devra-t-il se concentrer sur la « chasse aux cartes bancaires », tâche à faible valeur ajoutée médicale ?

Nous ne sommes pas dupes : une telle taxe arrive en plein patinage des négociations conventionnelles. La taxe, demandée par une poignée de syndicats minoritaires, arrive à point nommé.

France Assos Santé demande au gouvernement de renoncer à légiférer sur cette taxe et propose une reprise en main du sujet par l’Assurance maladie ainsi que la tenue d’un groupe de travail porté par l’Assurance maladie, les syndicats, les patients et les plateformes pour sortir par le haut (campagnes de prévention, etc.).

 

 

* Article R. 4127-53 du code de la santé publique : « les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières. Ils ne peuvent être réclamés qu’à l’occasion d’actes réellement effectués. L’avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire ».

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