Une Ch’ti à la Réunion. Ce n’est pas le titre d’un film du réalisateur Jean-Claude Zidi, mais le raccourci, très succinct, du parcours de Valérie Fernez, représentante des usagers multi-casquettes et formatrice, sur cette île de l’océan Indien où elle a jeté l’ancre en 2006. Le carburant de cette aide-soignante de formation ? Rendre service. Et autant le savoir, elle ne lâche rien.
Visiblement, le goût des autres était inscrit dans ses chromosomes. La bougeotte aussi. Alors qu’elle travaille encore dans les Hauts-de-France, sa région d’origine, comme aide-soignante au centre hospitalier de Lens, Valérie Fernez, la vingtaine à l’époque, choisit le pool remplacement. Elle sera « volante ». Outre que la routine l’ennuie, cette orientation lui permet de faire le tour des services et de se familiariser avec nombre de spécialités. « Déjà, j’étais beaucoup au service de l’usager, je ne finissais jamais à l’heure, se souvient-elle. Je ne conçois pas de regarder ma montre. » Et les onze heures de vol qui séparent le sommet de l’Hexagone de l’île de la Réunion qu’elle rallie en juin 2006 pour rejoindre son second mari n’y changeront rien. Hémisphère nord ou sud, Valérie Fernez reste la même.
Des professionnels de santé conquis
En revanche, son existence, elle, bascule en 2009, suite à un accident du travail. Tombée dans une fosse, sur le parking de la clinique Sainte-Clotilde, où elle est titularisée, Valérie Fernez, qui souffre d’obésité et de fibromyalgie depuis l’adolescence, et de la maladie de Ménière, présente de multiples fractures. Déclarée inapte, elle ne reprendra pas son poste. « Je ne pouvais pas rester chez moi à ne rien faire », déclare cette hyperactive. S’enclenche alors toute une série d’actions qui vont s’articuler autour de deux axes, qu’elle juge complémentaires : la représentation des usagers, depuis 2017, dans plusieurs structures de soins, en tant que présidente de France Rein Océan Indien et vice-présidente de l’association au national, et le partenariat Patient/Professionnel de santé, activité qu’elle pratique, selon les structures où elle se rend, comme bénévole (obésité, nutrition – elle a eu une chirurgie bariatrique et sait combien le suivi au long cours est capital pour ne pas reprendre de poids) ou comme prestataire rémunérée. Depuis 2020, elle est en effet formée en éducation thérapeutique du patient (ETP) – dans un contexte local de forte prévalence du surpoids, du diabète et de ses conséquences, à l’instar de l’insuffisance rénale, et de non moins fortes inégalités sociales. Son aisance à prendre la parole conjuguée à son ancien statut de professionnel de santé et à un caractère manifestement bien trempé ont aussi été déterminants dans ce double engagement au côté des patients et des usagers du système de santé, pour les défendre et/ou les aider à devenir acteurs de leur santé.
Autant dire qu’elle ne chôme pas. Dans les établissements de santé situés dans les villes côtières (Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-Leu, etc.) ou dans les « hauts », selon l’expression réunionnaise, de l’île, hérissée d’un volcan et de 3 cirques, auprès des soignants réunis dans les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), Valérie Fernez s’investit sans compter. CDU, CSDU, CGSS, équivalent CPAM pour les départements ultra-marins, CRSA, CODAMUPS-TS ou encore CCI, celle qui a suivi toutes les formations – et même deux fois pour vérifier si sa pratique était bien pertinente, raconte-t-elle – n’entend pas faire de la figuration : « Cela ne signifie pas que je dis systématiquement non à la direction. Je travaille en collaboration avec elle pour améliorer les parcours de soins. En parallèle, avec Marie-Laure Veyrat, la coordinatrice régionale de France Assos Santé, nous avons mis en place des groupes d’échanges entre RU pour évoquer nos difficultés respectives, confronter nos expériences et nous inspirer des solutions des uns et des autres. Depuis deux ou trois ans, une bonne dynamique s’est créée et on travaille vraiment bien ensemble ». Proactifs, les représentants des usagers tournent dans les services pour se présenter, aller à la rencontre des équipes et les rassurer sur leur rôle. « Beaucoup pensaient que notre mission était de les inspecter », rapporte Valérie Fernez. L’objectif vise au contraire à réfléchir de concert à des améliorations, en cas de problème, comme ça a été le cas aux urgences : « Des protocoles ont été mis en place au niveau de l’accueil et de la prise en charge de la douleur pour optimiser le parcours de soins des patients. Désormais, en cas de plainte, les équipes doivent s’expliquer ».
Investie à 100 %
De toute évidence, les RU ont convaincu leurs interlocuteurs de l’intérêt d’avancer dans une seule et même direction, si l’on en croit l’affluence à la Commission des usagers du site Nord du CHU de la Réunion, localisé à Saint-Denis. « Au début, quand je suis arrivée, il y avait très peu de participants, rapporte Valérie Fernez. Aujourd’hui, on fait salle comble. » Autour de la table, une vingtaine de personnes, contre cinq avant. La CDU du site Sud, situé à Saint-Pierre, est, pour sa part, dédiée aux réclamations pour les deux établissements. « Tous les deux ou trois mois se tient une CDU qui réunit l’ensemble des représentants des usagers des deux sites, lors de laquelle nous parlons parcours de soins, travaux, etc. », ajoute celle qui la préside. Multi-engagée, Valérie Fernez ne refuse aucune sollicitation. Et rien ne saurait la refréner, pas même les situations les plus retorses. Ainsi du cas de Nadia, dont le dossier médical a été volontairement éventé, en représailles à une rupture mal vécue par l’ex-compagne, agent d’accueil dans une structure de soins, d’un de ses amis proches. Abasourdie, la quadragénaire a pris contact avec Valérie Fernez. Une médiation a été organisée au sein de l’établissement où Nadia a été opérée il y a deux ans et d’où a fuité son dossier médical. Problème, la personne incriminée est une élue municipale.
« Mme Fernez m’a écoutée et prise au sérieux »
« Élue ou pas, Il y a des choses qui ne se font pas, comme d’aller fouiller dans les dossiers médicaux des patients. J’ai envoyé un courrier à L’ARS, pour m’étonner que cette personne soit encore en poste, trois mois après les faits. J’ai également fait une main courante pour me protéger – je suis auto-entrepreneuse en formation. Et, bien sûr, je me suis adressée à la directrice de l’établissement qui m’a renvoyée vers Mme Fernez – c’est à cette occasion, d’ailleurs que j’ai découvert l’existence des représentants des usagers. Elle m’a vite donné un rendez-vous, écoutée et prise au sérieux, alors que jusque-là, on m’avait prévenue que ce serait difficile de faire entendre ma voix, compte tenu de la protection dont bénéficie l’élue. Dans la foulée, une médiation a eu lieu, j’ai pu exposer mon affaire. Le médecin médiateur a essayé de noyer le poisson, mais les preuves apportées ont fini par établir ma bonne foi. Nous avons insisté sur la gravité des faits et mis la direction face à ses responsabilités. Pour autant, aucune enquête n’a encore, à ce jour, été menée et aucune sanction prise. Mais Mme Fernez n’abandonne pas. Depuis début mars, et notre premier échange, elle m’accompagne et je lui fais confiance pour aller jusqu’au bout. Vraiment elle fait un travail formidable et porte seule le fardeau. Je suis choquée de constater que seuls les RU essaient de faire respecter les droits les plus élémentaires des patients. Ce service mis à la disposition des usagers du système de santé est trop méconnu. Je n’hésiterai pas à en parler autour de moi. »
« Face aux personnes qui se disent protégées, j’ai encore plus envie de me battre, plaide Valérie Fernez. Moi et mes collègues, on ne lâchera pas. Il y a toujours des solutions, mais ça prend du temps ». Et ce constat ne vaut pas que pour les réclamations. Gestion des transports sanitaires, marqués par des dysfonctionnements récurrents, délais d’attente aux urgences trop longs, comme dans tout le pays, etc., pour les représentants des usagers, la patience, la persévérance et une appétence pour le dialogue sont trois qualités indispensables pour obtenir des résultats. Des prédispositions auxquelles Valérie Fernez pourrait sans exagérer ajouter la disponibilité. « Où que je passe, je donne mon nom, mes coordonnées. Je prends le temps, comme récemment quand je me suis rendue dans les hauts, auprès de cinq patients isolés qui m’avaient appelée, après le rejet de leurs demandes successives d’allocation adultes handicapés (AAH). Tous l’ont finalement obtenue, avec rétroactivité. Ce que j’entendais dans leurs voix quand ils me l’ont annoncé m’a fait chaud au cœur. »
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