« Être représentant des usagers élargit notre horizon »

Jean-Yves Maquet est représentant des usagers, ou RU. Quand la retraite a sonné, il y a un peu plus de sept ans, il s’est engagé au sein de l’association Unafam des Bouches-du-Rhône. Peu à peu, il a pris des responsabilités, tant au niveau départemental que régional et national. Cumulard ? Non, juste curieux, déterminé et organisé. Résultat, cet infatigable septuagénaire s’est offert une seconde vie plus qu’active au sein, notamment, du groupement hospitalier de territoire de Marseille, un modèle de fonctionnement. Récit d’un parcours au service des patients.

« J’ai été très tard représentant des usagers, mais mon premier mandat est arrivé très tôt. » A 74 ans, Jean-Yves Maquet ne peut effectivement se targuer d’avoir une longue expérience de RU derrière lui, son engagement remontant à 2015, année où il devient bénévole au sein de l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). Mais il a vite appris. Dès l’année suivante, sur sollicitation des responsables de l’association, cet ancien ingénieur, passé par le conseil, puis la formation, est désigné par l’ARS PACA pour siéger à la Commission des usagers (CDU) du Centre hospitalier Edouard-Toulouse, un établissement public de santé mentale parmi les plus importants de Marseille. A la faveur de son 3e mandat, entamé fin 2022, il préside désormais cette instance, entres autres représentions. En sept ans, et près d’une quinzaine de formations, l’Aixois a tant et si bien multiplié les extensions que sa retraite ressemble à un temps plein et l’énumération de ses nombreuses activités à une série de poupées russes.

Coordinateur pour le GHT Hôpitaux de Provence

Le hasard, observe Jean-Yves Maquet, a voulu que l’année où il est entré à l’Unafam, les Groupements Hospitaliers de territoire (GHT) aient été créés par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. C’est ainsi que le CH Edouard-Toulouse a rejoint le GHT des Bouches-du-Rhône, fort de 14 établissements publics de santé, et que notre interlocuteur s’est retrouvé, en tant que RU, à siéger au Comité des usagers du GHT, aussi appelé Commission des usagers de groupement, auquel participent 28 représentants des usagers, à raison de deux par hôpital. Aujourd’hui, il en est même le coordinateur: « Mon rôle est d’animer des échanges entre les 28 représentants des usagers pour préparer les CDU du GHT. Je participe aussi au Comité de pilotage mis en place pour la filière psychiatrie qui représente 6 hôpitaux, plus un 7e spécialisé en addictologie ».

Cette mission l’enthousiasme, tant sur le fond – les débats y sont riches – que sur la forme – il avoue un penchant pour la coordination, ce qui sous-entend un sens certain de l’organisation. Un atout majeur quand il s’est agi d’aborder les lois sur l’isolement et la contention de 2020, deux sujets qu’il a lui-même mis à l’ordre du jour du Copil psychiatrie du GHT. « Cela a permis de comparer les approches, un hôpital psychiatrique ayant fait le choix de ne plus pratiquer la contention et de réduire drastiquement l’isolement, et de voir quelles mesures les établissements qui souhaitaient les limiter, voire s’en passer pouvaient mettre en place. Nous avons eu des conversations passionnantes et fructueuses. Depuis, un deuxième hôpital psychiatrique a aboli la contention et tous cherchent à la réduire », témoigne Jean-Yves Maquet. Sylvia Lenoir-Nanci, coordinatrice régionale de France Assos Santé, loue les qualités d’écoute et d’ouverture, d’animateur et de fédérateur de celui qui est également, depuis avril 2022, membre du bureau de France Assos Santé PACA« Il réussit à faire vivre un groupe de représentants des usagers au niveau de la filière psychiatrie du GHT alors qu’il n’existe pas de mandat spécifique pour cette CDU inter-établissements et que, par ailleurs, les positions sont souvent très tranchées en santé mentale, développe-t-elle. Cette réussite tend à faire de Jean-Yves Maquet un référent GHT au niveau national. »

Un modèle de développement

De fait, si l’organisation par filières a pris du temps à se déployer – pas moins de cinq ans, selon l’intéressé, pour vaincre la méfiance de certaines d’entre elles –, elle est bel et bien effective désormais dans les Bouches-du-Rhône. Après la psychiatrie, qui a invité des RU du GHT à assister à ses réunions dès 2019, des filières médicales, comme les urgences, la gériatrie ou encore l’hospitalisation à domicile, se sont ouvertes aux RU à partir de la fin de l’année 2023. « Un projet stratégique de GHT a fait l’objet d’une publication en 2023, rapporte Jean-Yves Maquet. A ma connaissance, il n’existait qu’un autre Groupement Hospitalier de Territoire, en France à avoir élaboré un projet complet, celui du Maine-et-Loire. D’autres vont désormais suivre, dont les GHT des 5 départements de la région PACA. Je me tiens bien sûr à leur disposition afin qu’ils puissent bénéficier de notre expérience. » De toute évidence, bâtir des passerelles, créer des relations de confiance, bref, faire ensemble inspire l’ancien formateur. « Appelé à prendre de l’ampleur, le GHT est une instance récente qui s’invente au fur et à mesure. C’est ça qui est stimulant », se réjouit-il.

Pour autant, nul triomphalisme : « Il faut être humble dans ce que l’on fait ». Humble, peut-être, mais bosseur et persévérant aussi. « Il est parfois nécessaire de concilier des points de vue opposés, reprend-il. J’ai toujours la préoccupation de me placer dans une optique constructive, respectueuse des différents acteurs. » Peut-être est-il tenté, parfois, de refuser une nouvelle représentation, quand on la lui propose, mais sa curiosité et son souci de l’efficacité ont jusqu’à présent toujours eu raison de ses hésitations. « C’est difficile de ne pas accepter de nouvelles responsabilités, admet-il. Le travail est intéressant, et chaque mandat est utile pour avoir une vision globale et être davantage force de propositions. » Pour preuve, sa contribution au projet régional de santé (PRS) pour PACA, dont la stratégie pour les cinq années à venir était à l’ordre du jour de l’agence régionale de santé (ARS), en 2023.

Apporter le regard des patients

En effet, Jean-Yves Maquet est membre depuis deux ans et demi de la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA)l’instance consultative de l’ARS de PACA, chargée entre autres de rendre des avis sur le projet régional de santé. « Le fait que je sois à la fois RU au GHT des Bouches-du-Rhône et à la CRSA m’a permis de m’assurer qu’il y avait une bonne cohérence entre le GHT et l’ARS en ce qui concerne la politique régionale de santé, notamment en psychiatrie. En liaison avec les médecins psychiatres, le rappel des objectifs du GHT en matière de gérontopsychiatrie et d’addictologie, deux besoins forts identifiés, a eu pour effet de renforcer ce point dans le PRS, avec pour conséquence supplémentaire d’étendre ce qui va se mettre en place dans les Bouches-du-Rhône aux autres départements de la région. Cette mise en concordance va de surcroît ouvrir la porte à des financements. Mais vous voyez, ce sont plein de petites choses… » Pas si petites si l’on pense, par exemple, à la mise en place à l’hôpital Edouard-Toulouse d’une adresse mail générique, pour pouvoir accéder à un soignant en cas d’urgence. « L’impulsion est venue de nous, les RU, à la suite d’une réclamation, et nous avons réfléchi ensemble, avec tous les membres de la CDU de l’hôpital, à la meilleure solution pour les patients et leurs familles », raconte Jean-Yves Maquet.

Et les chantiers ne manquent pas. Ils sont même de toute nature, ce qui tend à légitimer, si nécessaire, l’apport des représentants des usagers, dont le « regard patient » contribue à améliorer le quotidien des usagers du système de santé, y compris là où on l’attendrait le moins. Au titre de RU, Jean-Yves Maquet a participé à la commission appelée à sélectionner le projet de construction d’un nouveau pavillon au sein de l’hôpital Edouard-Toulouse : « En nous plaçant du côté des patients et de leurs familles, nous avons posé des questions bien à nous. On s’est demandé par exemple quel serait le parcours des visiteurs, par où arriveraient les patients en ambulance, où les visiteurs gareraient leur voiture, quel serait l’accès pour les personnes en situation de handicap, etc. La loi Kouchner de 2002 relative aux droits fondamentaux des malades a institué que les patients et leurs proches peuvent exprimer leurs attentes par l’intermédiaire des RU. Nous sommes complémentaires des personnels soignants et administratifs, et j’ai plaisir être leur partenaire ». Un RU représente l’ensemble des usagers du système de santé, et pas seulement ceux dont il serait, de par son parcours personnel ou associatif, peut-être plus proche. « On rencontre plein d’associations, on apprend d’elles et à vivre avec elles, en cela, conclut Jean-Yves Maquet, être représentant des usagers est une aventure passionnante qui élargit notre horizon. » Ou l’art de faire d’une expérience singulière une histoire collective.

Repères

  • En 2014, son fils alors âgé d’une vingtaine d’années est atteint d’un trouble psychique ;
  • En 2015, il adhère à l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) et, l’année suivante, devient bénévole pour l’association ;
  • En 2017, il est RU pour l’Unafam au sein de la commission des usagers (CDU) du CH Edouard-Toulouse de Marseille – il en est à son 3emandat, et la préside depuis début 2023. Il siège aussi au conseil de surveillance de l’hôpital ;
  • En parallèle, il siège à la CDU du GHT Hôpitaux de Provence et au comité de pilotage de la filière psychiatrie du GHT ;
  • En 2019, il est désigné représentant des associations à la MDPH 13. Il participe activement à l’association Mouvement parcours Handicap 13, qui regroupe 200 associations liées au handicap, dont l’Unafam ;
  • Depuis octobre 2021, participe aux réunions de la CRSA, l’instance consultative de l’agence régionale de santé, à raison d’une vingtaine de réunions par an. Il est membre de l’Assemblée plénière, de la commission permanente et de deux commissions spécialisées : l’une sur les droits des usagers, l’autre sur la prévention ;
  • Depuis avril 2022, il est membre du bureau régional de France Assos Santé PACA ;
  • En juin 2022, il a rejoint le Conseil d’administration de l’Unafam et pilote la commission nationale des représentants des usagers de l’Unafam, qui assure les formations de RU, notamment.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier