Aujourd’hui ont lieu, les Rencontres nationales des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) à Saint-Malo, organisées par AVECSanté.
C’est l’occasion pour la délégation de France Assos Santé et la FEMAS (Fédération des structures d’exercice coordonné) des Hauts-de-France, de valoriser la récente enquête qu’ils ont conjointement menée dans leur région, visant à recueillir l’expérience patient en Maisons de Santé pluriprofessionnelles (MSP).
6 Maisons de santé se sont portées volontaires et autant de « focus groups » ont été organisés avec un total de 32 patients interviewés entre mars et septembre 2022.
Ce travail a donné lieu à un rapport très riche sur la méthodologie mise en œuvre et tout à fait transférable, sur les résultats de l’enquête ainsi que les actions à envisager pour améliorer les parcours et vécus des patients suivis en MSP.
Quelques définitions…
D’après le code de la santé publique : « La maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens. Ces professionnels assurent des activités de soins sans hébergement de premier recours au sens de l’article L. 1411-11 et, le cas échéant, de second recours au sens de l’article L. 1411-12 et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu’ils élaborent… ».
Il s’agit donc de professionnels de santé de premier recours (médecins généralistes, infirmier.e.s, masseurs-kinésithérapeutes, pharmacien.ne.s…), libéraux, qui choisissent d’exercer ensemble et de façon coordonnée, avec un objectif pluriprofessionnel (a contrario d’un cabinet médical qui pourrait regrouper des professionnels exerçant la même profession), au sein d’une même structure, qui peut d’ailleurs être multisites. Une MSP s’organise autour d’un « projet de santé » et peut impliquer, dans sa co-gouvernance, des usagers.
Selon l’Institut Français de l’expérience patient (IFEP), l’expérience patient est définie comme étant « l’ensemble des interactions et des situations vécues par une personne ou son entourage au cours de son parcours de santé. Ces interactions sont façonnées à la fois par l’organisation de ce parcours mais aussi par l’histoire de vie de la personne concernée. ».
Les grands constats de l’enquête
Ce qui a le plus interpellé Sylvain Derensy, coordinateur régional de la FEMAS, suite aux focus groups, est le degré d’analyse avec lequel les patients appréhendent la coordination de leurs parcours de soins et comment ils cherchent à ne pas subir mais à devenir acteurs de ces parcours. Les résultats de l’enquête montrent qu’effectivement, parmi les critères les plus appréciés des patients qui font le choix d’un suivi en MSP, le fait qu’il s’agisse de lieux de soins de proximité est important. Ils pensent par ailleurs que le fait que les professionnels travaillent de façon coordonnée améliore la prise en charge médicale.
Dans l’ensemble, les patients interrogés jugent les MSP comme des structures de soins sécurisantes, accueillantes, où sont délivrés des soins de qualité (Lire le rapport complet).
3 QUESTIONS
À CLÉMENT BAILLEUL, CHARGÉ DE MISSION DE FRANCE ASSOS SANTÉ HAUTS-DE-FRANCE
ET À SYLVAIN DERENSY, COORDINATEUR RÉGIONAL DE LA FEMAS HAUTS-DE-FRANCE
Pourquoi ce choix du recueil de l’expérience patient via des focus groupes plutôt de questionnaires de satisfaction ?
Clément Bailleul : Il se trouve que notre première rencontre avec la FEMAS, il y a plus d’un an, portait justement sur la relecture d’un questionnaire de satisfaction unique qui puisse être proposé à l’ensemble des MSP des Hauts-de-France. Chez France Assos Santé, nous étions évidemment disposés à participer à cette relecture mais nous avons alors proposé d’aller plus loin et de recueillir davantage que la « satisfaction » des patients – mot qui biaise d’ailleurs déjà un peu l’exercice – et d’évaluer plutôt le parcours, le vécu des patients par rapport à leurs besoins en santé. Nous voulions notamment comprendre pourquoi les usagers choisissent de se rendre dans une MSP plutôt que dans un cabinet médical classique. Nous avons donc opté pour cette méthode de recueil de « l’expérience patient ».
Sylvain Derensy : Dans un questionnaire de satisfaction, il y a surtout des cases à remplir plus que des questions ouvertes, et souvent lorsque les questions ouvertes sont renseignées, elles le sont pour faire des compliments. Le questionnaire de satisfaction fait donc souvent plus plaisir au professionnel de santé qu’au patient en termes d’expressivité, de véracité ou de représentativité.
Lorsque l’on met en place des focus groups, et la façon dont nous les avons menés dans cette enquête – à savoir de ne poser que des questions simples et ouvertes – la parole du patient est particulièrement valorisée. Nous avons d’ailleurs constaté que les patients participants exprimaient effectivement leur satisfaction mais pouvaient plus facilement faire part de ce qui ne leur convenait pas. En outre, cela permet également de recueillir l’avis de personnes qui ne seraient pas à l’aise à l’écrit puisque les focus groups étaient entièrement à l’oral.
Quels sont les objectifs de cette enquête et ont-ils été remplis ?
Sylvain Derensy : Cet exercice était expérimental et exploratoire. Nous avons décidé de mener cette enquête avec les MSP qui se porteraient volontaires dans un temps imparti, et il y a finalement eu 6 maisons de santé participantes sur 220 MSP dans les Hauts-de-France.
L’idée n’était donc pas d’avoir une représentativité mais de montrer que le recueil de l’expérience patient était possible et de mettre en valeur un modèle qui pourrait être mis en place en routine par les MSP. Nous réfléchissons d’ailleurs, avec France Assos Santé, à une formation possible pour les MSP, afin qu’elles puissent mener leurs propres focus groups.
Clément Bailleul : La démarche est suffisamment qualitative pour tirer des conclusions probantes que nous avons d’ailleurs développées dans le rapport. En réalité, sur ces premiers focus groups, l’objectif était de faire la preuve de l’intérêt de ce genre d’exercice, avec 6 MSP volontaires, pour convaincre toutes les autres. Et la preuve est faite puisque cette semaine, l’ARS de notre région nous a fait un retour très positif, nous proposant de partager l’enquête sur sa plateforme d’accompagnement des professionnels de santé. L’idée, au travers de ce projet expérimental, est de convaincre d’autres MSP de recueillir les expériences patients et nous serons là pour les aider à le faire si besoin.
Où en sont les MSP dans les Hauts-de-France concernant l’implication des usagers dans leur organisation ?
Sylvain Derensy : Beaucoup de MSP mettent en place des questionnaires de satisfaction, mais il existe encore des réticences sur le sujet. Certains professionnels ne sont pas prêts à tendre l’oreille vers les usagers pour améliorer leurs pratiques. Cela dit, lorsque l’on a proposé cette enquête, on ne savait pas quelles MSP seraient volontaires pour y participer. Or sur les 6 MSP qui ont manifesté leur intérêt, 3 n’avaient jamais instauré de démarche de questionnaires de satisfaction dans leur structure. Sans doute avaient-elles donc la volonté de faire progresser les professionnels de santé vers une plus grande interaction avec usagers.
C’est le cas sûrement de la MSP de Lille sud, qui, alors qu’elle n’a que des avis positifs, voyait ses professionnels peu enclins à mettre en place des questionnaires de satisfaction.
Le focus group de Lille sud a d’ailleurs déjà fait changer le point de vue des professionnels qui ont accepté, par la suite, de mettre une « boîte à idées » dans la salle d’attente.
Le but était de montrer qu’il est possible, via une méthodologie simple et efficace, de recueillir l’expérience patient. En outre, suite à la présentation de notre rapport, 3 maisons de santé supplémentaires de la région se sont positionnées pour accueillir des focus groups.
Clément : On ne s’en cache pas, chez France Assos Santé, on espère surtout que ce travail servira de tremplin pour ouvrir davantage de place aux usagers dans la co-gouvernance des MSP. On a tendance à l’oublier mais, à l’origine, la création des MSP est issue d’une vision militante dans laquelle les usagers étaient pleinement investis. C’est le cas de la maison de santé de Lille-Moulins fondée par un groupe qui réunissait des professionnels de santé, des associations de patients et des usagers. Ils avaient conjointement travaillé depuis l’implantation de la MSP jusqu’à l’ensemble de son projet de santé. C’est une maison de santé que nous connaissons bien puisque le président de France Assos Santé des Hauts-de-France, Pierre-Marie Lebrun, fait partie de la gouvernance de la maison. Par la suite, s’est imposée partout en France le modèle des MSP que l’on connaît aujourd’hui et qui, pour la plupart, n’ont pas forcément cet esprit engagé et n’impliquent pas statutairement des usagers dans leur gouvernance. Actuellement on redécouvre le modèle initial et l’histoire va à nouveau dans le sens de remettre en valeur ce modèle.
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