Sécurité des patients : une vigilance qui s’apprend

« Renforcer la sécurité des patients ». C’est l’intitulé de l’une des formations essentielles quand on débute dans la représentation des usagers. En une journée, elle permet de clarifier une notion, la sécurité, pas toujours bien comprise ou cernée, et parfois difficile à aborder dans les établissements de santé. Pour nous guider, Annie Morin, représente des usagers (RU) et formatrice Sécurité pour France Assos Santé. Elle animait le 11 septembre dernier une session à laquelle participait une douzaine de RU.

La Sécurité, c’est quoi ? A l’évidence, tout patient qui entre dans un établissement de santé pour des soins n’envisage pas d’en sortir plus mal qu’à son arrivée. « C’est le minimum requis, confirme Anne Morin, représentante des usagers France Rein en Commission des usagers et formatrice. C’est une composante de la qualité des soins. » Protéger le capital santé du patient relève de la responsabilité des soignants. « Lors de la formation, reprend Anne Morin, nous nous attachons à développer la notion de risque, en prévention d’événements indésirables associés aux soins (EIAS), qui peuvent être potentiellement graves, voire entraîner le décès du patient, et en veillant à bien distinguer le risque de la cause. »

Une maison au bord de la falaise

Au-delà des mauvaises pratiques, les risques d’EIAS sont multiples. Faut-il encore bien les cerner et avoir une idée précise de leur périmètre. La formation permet de sensibiliser les RU à leur étendue, voire à les repérer. Ils peuvent concerner l’organisation du travail, l’hygiène, les locaux, les équipements, les virus et bactéries, les médicaments, les conditions d’hébergement ou le patient lui-même – ou son proche aidant – les actions contre soi-même représenteraient 23,6 % de l’ensemble des EISA, selon un rapport de 2022 de la Haute Autorité de santé. Seule leur identification peut permettre la mise en place de mesures à même de corriger tel ou tel dysfonctionnement.

« Je compare souvent l’établissement de santé à une maison au bord d’une falaise. La falaise, c’est le danger. Pour éviter la chute, il faut mettre des barrières », raconte Annie Morin qui, lors de la formation, invite les RU à participer à l’identification des risques afin de les stopper. « Le problème, admet la formatrice, c’est que le terme de danger est encore tabou dans bien des établissements. »

« Ce qui intéresse le RU, c’est le résultat »

Quand un événement indésirable survient, le RU le sait forcément. Il existe pour les professionnels de santé un dispositif obligatoire de signalements, quel que soit le degré de gravité. Le rôle du RU est de se renseigner, stipule Annie Morin : il doit s’assurer que les professionnels de santé et/ou la direction ont repéré la cause du dysfonctionnement et que les mesures à prendre l’ont été pour éviter la répétition. Autant de questions qui peuvent être abordées en commission des usagers. « La force du RU, c’est de pouvoir dire que cela doit changer, demander quelles actions ont été mises en place et vérifier que c’est fait. Ce qui nous intéresse en tant que RU, c’est le résultat », souligne Annie Morin.

En cas de dommages pour le patient, le représentant des usagers sera potentiellement amené à réfléchir aux voies de recours en vue d’une réparation. Au-delà du patient, les professionnels de santé doivent aussi penser en termes de collectivité, afin que l’événement indésirable ne se reproduise plus.

Si la vigilance du RU est capitale, cela ne dédouane pas les professionnels de santé, en particulier lors de leurs échanges avec les patients. Ceux-ci doivent faire un effort d’explication et d’adaptation, estime notre interlocutrice. « Il ne suffit pas d’informer, il faut expliquer et s’assurer que le patient que l’on a en face de soi a compris, ou ses proches qui peuvent être facteur d’insécurité, singulièrement avec les médicaments », développe Annie Morin. De cette bonne compréhension, et acceptation, dépend la capacité du patient de participer à sa propre sécurité, « en veillant toutefois à ce que chacun conserve sa part de responsabilité », insiste la formatrice.

Sécurité, mais encore : paroles de RU

« La sécurité passe par l’adhésion du patient à ses soins »

3 questions à Chantal Cateau, RU en Centre-Val de Loire et présidente du Lien, association qui accompagne les personnes victimes d’infections nosocomiales et d’accidents médicaux.

Vous avez participé au 1er Challenge HAS-IFEP « Partenariat patient dans les soins », en tant que membre du jury. Il s’agissait de distinguer des projets associant les patients afin d’améliorer leur sécurité, à toutes les étapes de leur prise en charge. Qu’est-ce qui vous a convaincu de participer ? 

Chantal Cateau – A partir du moment où l’on incite les professionnels à travailler avec les patients, c’est un enjeu fort qui mérite d’être soutenu, comme une plus-value. Le point fondamental, aujourd’hui, consiste à faire cohabiter la culture qualité et la culture sécurité des soins. Bien sûr, il existe des indicateurs de résultats, comme les PROMs qui évaluent la prise en charge clinique du patient et les PREMS qui recueillent sa satisfaction. Ces recensions, et surtout leur exploitation, sont indispensables et contribuent à améliorer la prise en charge. L’enjeu précisément de ce Challenge était de sélectionner les projets, émanant d’un établissement de soins ou médico-social ou d’un professionnel de santé de ville, dans lequel un patient pris en charge par une équipe est invité à prendre part à ses soins, intégré dans une co-construction en insistant sur le fait que les soignants doivent aussi prêter attention aux émotions, au ressenti de la personne, afin d’éliminer ses peurs, ses craintes et ses doutes éventuels. C’est cette adhésion que nous avons cherchée dans les 73 projets reçus.

Avez-vous été surprise par l’importance du nombre de projets de professionnels de santé proposant de valoriser « l’expérience patient » ? 

Chantal Cateau – J’ai été étonnée de voir autant d’établissements impliqués dans le challenge. Cela m’a confortée dans l’idée que soutenir l’implication du patient dans ses soins est un enjeu stratégique désormais bien compris par les établissements. Dans l’ensemble, nous avons eu de très bons dossiers, notamment en psychiatrie, ou dans le secteur médico-social. Nous avons fait le choix d’encourager les initiatives même décalées ou pas complètement abouties, quand elles étaient vraiment très pertinentes.  

Diriez-vous que la sécurité est une notion bien maîtrisée ?

Chantal Cateau – Aujourd’hui, la culture sécurité et de résultats montre que des avancées significatives ont été faites ou sont en cours. L’important est d’avoir une attention bienveillante vis-à-vis du patient pour limiter les événements indésirables et coconstruire des actions d’amélioration. Pour être maitrisée, la sécurité doit rester une préoccupation permanente, surtout si elle est intégrée pleinement à l’acte de soin de chaque professionnel. C’est tout l’enjeu de bien communiquer et de coopérer efficacement, en faveur du « prendre soin ».

Les 3 lauréats du 1er Challenge HAS-IFEP sont :

  • L’hôpital Trousseau, Paris : projet d’implication des parents « Osez dire », services de pédiatrie-maternité ;
  • Centre cardiovasculaire de Bois-Gibert (Indre) : projet Patient en auto-administration de ses médicaments (PAAM) ;
  • CH La Chartreuse, Dijon : plan de sécurité personnalisé avec des adolescents, suicidaires ou suicidants et leurs parents ou détenteurs de l’autorité parentale.

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