Avec la pandémie de Covid-19 et la multiplication des ruptures d’approvisionnement d’antibiotiques depuis l’automne dernier, la lutte contre les pénuries de médicaments est (enfin !) devenue l’une des priorités de l’UE. Le « paquet pharmaceutique » présenté par la Commission européenne le 26 avril dernier, qui comporte un projet de directive et un projet de règlement réformant le « code du médicament », reflète parfaitement ce changement de perspective. Dans le projet de règlement, près de 20 articles sont consacrés à la gestion et à la prévention des pénuries, alors que le précédent cadre législatif ne contenait que 2 articles très généraux sur les obligations d’approvisionnement et de notification, sans que la notion de pénurie ne soit ni définie, ni prise en compte.
Cela sera-t-il suffisant pour mettre un terme à l’explosion du nombre de pénuries de médicaments observées ces dernières années ? C’est toute la question. On peut également se demander comment ces nouvelles règles, qui ne seront pas applicables avant plusieurs années, cohabiteront avec l’arsenal législatif développé par les États membres pour faire face à ce fléau, surtout lorsque les dispositions nationales sont plus protectrices de l’intérêt des patients que les mesures proposées par la Commission européenne.
Le texte proposé constitue sans aucun doute une avancée notable par rapport à la situation actuelle, et on ne peut que féliciter la Commission d’avoir accueilli nombre des propositions de France Assos Santé et des associations européennes avec lesquelles elle collabore, au premier rang desquelles l’Alliance européenne pour la santé publique (EPHA). Parmi les mesures les plus significatives, on peut citer les suivantes :
- Une obligation de notification précoce en cas de retrait du marché (12 mois) ou de pénurie (6 mois), applicable à tous les médicaments commercialisés au sein de l’UE.
- L’obligation de préparer un plan de prévention des pénuries pour tous les médicaments mis sur le marché dans les États membres.
- L’obligation de faciliter la reprise des molécules par des tiers en cas de projet d’arrêt de commercialisation d’un médicament critique.
- La mise en place de mesures renforcées de prévention des pénuries et de consolidation de la chaine d’approvisionnement pour les médicaments critiques.
- Le renforcement des capacités de contrôle et d’action de l’Agence européenne du médicament (EMA) et de la Commission européenne pour lutter contre les pénuries.
- L’obligation faite aux États membres d’adopter des sanctions effectives et dissuasives pour punir les infractions au règlement.
Néanmoins, la proposition de la Commission comporte certaines limites, que France Assos Santé et ses partenaires chercheront à faire évoluer lors de la discussion du texte devant le Parlement européen et devant le Conseil de l’UE.
- Les pénuries de moins de 2 semaines ne doivent pas être notifiées, alors même que l’absence de notification ne permet pas d’en contrôler la durée effective.
- L’obligation de publication des pénuries par les agences nationale et européenne du médicament est trop limitée ; toutes les pénuries de médicaments devraient être rendues publiques dès leur notification.
- En l’absence de transmission proactive des plans de prévention des pénuries aux agences du médicament et d’une possibilité pour les associations de patients d’accéder à ces plans, il est impossible d’en contrôler l’effectivité et le caractère approprié.
- Enfin, le règlement ne prévoit aucune réelle obligation de constituer des stocks de sécurité à la charge des industriels. La possibilité de définir des stocks de substances actives ou de produits finis pour les médicaments critiques au niveau de l’UE, via des décisions ad hoc de la Commission européenne, ne peut être considérée comme suffisante.
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