André Le Tutour, greffé, représentant des usagers (RU) et vice-président de la fédération des malades et greffés du foie Transhépate a repris son cartable pour quelques mois, en 2022, afin de passer le diplôme inter-universitaire (DIU) de l’Université Citoyenne de Prévention en Santé-Bretagne Occidentale de Brest, ayant pour thème : « Construire le partenariat patients-professionnels de santé ». Il s’agissait de la première promotion pour ce diplôme mis en place conjointement par les universités de Rennes et de Brest, alors que partout en France cette thématique du partenariat entre usagers et professionnels et plus généralement d’une plus grande implication des patients dans le système de santé, est repris, de plus en plus, dans des diplômes universitaires.
Pour André Le Tutour, il était surtout question de valider des acquis basés sur de nombreuses années d’expérience associative, d’étendre son réseau et de légitimer sa place, en tant que patient, auprès des équipes soignantes, pour mieux accompagner les personnes malades.
30 ans d’expérience et de partenariat avec les professionnels, en tant que patient
Greffé du foie il y a plus de 30 ans, André Le Tutour avait beaucoup regretté à l’époque de ne pouvoir échanger avec d’autres patients qui étaient passés par une transplantation, afin de mieux appréhender l’opération et ce que serait sa vie par la suite, partager des conseils, parler de ses craintes… Ainsi, en 1991, il créé une association à Rennes et à partir de 2007, il commence à visiter des patients hospitalisés, en bilan pré-greffe, en post-greffe ou lors des visites de routine. « Ce n’était pas si simple de convaincre les équipes soignantes de nous laisser parler aux autres malades au pied du lit. Elles se demandaient ce que nous pourrions bien vouloir leur raconter. Il y a eu, et il y a d’ailleurs toujours des résistances parfois. », relate André Le Tutour.
Animé ces dernières années par l’idée de rencontrer et soutenir le plus de patients possible, il a semblé évident à André de chercher à s’impliquer auprès des équipes des établissements où il se rendait et de participer plus généralement à améliorer l’accueil des malades et l’organisation des soins. C’est pourquoi il est devenu représentant des usagers au Centre Hospitalier de Vannes en 2006, afin de représenter les patients au sein de la commission des usagers qui étudie, entre autres choses, les plaintes et réclamations des malades. Il a intégré le Directoire de l’établissement et siège également en ville au sein d’une CPTS (Communauté professionnelle territoriale de santé) où il défend la place des usagers pour mieux les impliquer dans l’organisation du système de santé. Au fil du temps, il a légitimé son rôle auprès des professionnels de santé et est même intervenu auprès d’étudiants en 4ème année de médecine qui étaient en stage dans un service d’hépatologie. Récemment, il a participé avec tous les « grands patrons » de la greffe hépatique en France à un travail pour produire un rapport sur les enjeux sociétaux et médicaux de la transplantation hépatique. Enfin, c’est dans le cadre de sa participation à la communauté de pratiques patients-professionnels du CHU de Rennes (CAPPS) qu’il a entendu parler du diplôme de l’université de Bretagne occidentale qui lançait une première promotion en 2022. En effet, Pascal Jarno, médecin en santé publique et Alexandre Berkesse, enseignant à la faculté de Montréal et très engagé sur le partenariat en santé, participent tous les deux à cette communauté et font par ailleurs partie de l’équipe pédagogique du diplôme universitaire en question.
Inscription au diplôme inter-universitaire (DIU) sur la construction du partenariat patients-professionnels de santé
« Le partenariat en santé est un exercice que je pratique depuis de nombreuses années et en découvrant ce DIU, j’ai eu envie de m’y inscrire, d’une part pour valider mes acquis expérientiels et d’autre part pour étendre mon réseau en rencontrant des personnes ouvertes à ce type d’organisation de la santé. J’en ai alors parlé à Béatrice Nicolas, directrice chargée des relations avec les usagers et du partenariat en santé du centre hospitalier de Vannes, où j’interviens régulièrement, en espérant obtenir un financement pour mon inscription. Elle a aussitôt manifesté son intérêt pour faire elle-même aussi cette formation et c’est ainsi que nous nous sommes inscrits en même temps, grâce à un financement assuré par le centre hospitalier de Vannes. », commente André Le Tutour.
16 élèves se sont inscrits pour cette première promotion qui a débuté au premier semestre 2022, dont 6 patients et 10 professionnels de santé, parmi lesquels se trouvaient un pharmacien, une psychologue, des médecins généralistes, des infirmières, un directeur d’établissement de santé. Le cursus est ouvert à toute personne titulaire d’un baccalauréat et concernée par l’amélioration des pratiques et des organisations de la santé. La formation présente la particularité de pouvoir être suivie en binôme. « C’est le choix que nous avons fait avec Béatrice Nicolas. Cette possibilité de suivre le cursus en binôme est finalement une mise en application concrète de ce que la formation propose d’explorer, à savoir le partenariat entre patients et professionnels de santé. Ainsi avons-nous écrit à 4 mains notre mémoire, sur la base d’un projet concret que nous avons mis en place. », explique André Le Tutour.
Le sujet de mémoire d’André et Béatrice : « La Maison des usagers et des associations, fer de lance du partenariat en santé : utopie ou réalité »
« Je crois beaucoup à la création de Maisons des usagers (MDUA) pour promouvoir le partenariat entre usagers et professionnels de santé, car ce sont des lieux, qui doivent se situer au sein des établissements de santé, dans un endroit où il y a du passage, et qui permettent ainsi le rapprochement, d’une part, des usagers avec les associations ou représentants des usagers et d’autre part des représentants associatifs et d’usagers avec les professionnels de santé. Cela peut donc grandement participer au partenariat en santé. », développe André Le Tutour. Leur mémoire, écrit avec Béatrice Nicolas, a d’ailleurs servi de base à la création d’une Maison des usagers au sein du centre hospitalier de Vannes, qui ne bénéficiait jusque-là que d’un bureau mis à disposition des associations de patients pour leurs permanences et où peu d’usagers se rendaient. Le projet a été financé par l’ARS Bretagne dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt.
La Maison des usagers et des associations du centre hospitalier de Vannes s’organise autour d’un salon, où ont lieu des rencontres et des événements, comme des expositions, ainsi que d’un bureau fermé, qui permet de recevoir les usagers de façon plus confidentielle. L’objectif est d’inciter les usagers à entrer pour leur permettre de mieux connaître leurs droits et de faire avancer la démocratie en santé. En termes de fonctionnement, la Maison des usagers et des associations est encadrée par une association loi 1901 (une telle organisation permet de répondre à des appels à projet et de rechercher du financement) qui comprend elle-même 12 associations, intégrées au conseil d’administration, tout comme le sont, le directeur de l’établissement, le président de la CME (Commission médicale d’établissement), la direction des soins, ainsi que le médecin généraliste qui anime l’unité transversale d’éducation thérapeutique du patient (UTET). Le lien entre associations et professionnels est ainsi assuré. Le président de la commission des usagers (CDU), André Le Tutour en est le vice-président.
« Ouvrir un tel lieu ne suffit évidemment pas. Une animation active de la Maison des usagers est essentielle pour créer des synergies. », insiste André. À Vannes, les équipes de la Maison des usagers organisent donc régulièrement des journées à thème. Ainsi, par exemple, chaque année, l’association France Rein se mobilise, lors de la Journée sur l’Insuffisance rénale, dans le hall du centre hospitalier, près de la Maison des usagers qui se trouve justement à l’accueil. Elle délivre des informations sur l’insuffisance rénale et propose des dépistages avec le concours des néphrologues. C’est évidemment, là encore, l’occasion de créer du lien entre les associations et les professionnels de santé.
Et que se passe-t-il une fois le diplôme en poche ?
« Ce diplôme ne modifie pas réellement le cœur de mes activités mais il valorise certainement mon expérience et me permettra sans doute d’ouvrir plus facilement, plus rapidement certaines portes. Passer ce diplôme est également intéressant pour étendre son réseau, repérer sur son territoire des partisans et des artisans du partenariat en santé. Il n’est pas indispensable de faire un DU pour promouvoir et s’impliquer dans le partenariat entre usagers et professionnels mais la formalisation de ces pratiques au travers de diplômes universitaires est une belle avancée en termes de démocratie en santé. », note le vice-président de Transhépate. « Les militants du partenariat en santé seront encore souvent confrontés à des résistances et des obstacles, mais je crois qu’il faut simplement apprendre à s’apprivoiser les uns et les autres, en utilisant la politique des petits pas, pour qu’usagers et professionnels de santé travaillent main dans la main, car il est évident que nous sommes complémentaires. », poursuit André Le Tutour.
Il met ainsi à profit ses divers rôles dans les établissements où il s’implique, en tant que RU et bénévole, pour développer ce partenariat en santé, en travaillant auprès des équipes soignantes et en essayant de repérer et de faciliter l’introduction de bénévoles qui pourraient intervenir dans les services hospitaliers ou pour leur permettre d’intégrer des équipes d’accompagnement de programmes d’éducation thérapeutique du patient. « Je soutiens en ce moment un patient greffé rénal qui travaille dans une enseigne de vente de matériels et accessoires de sport. Formé aux 40 heures d’ETP avec des soignants, il va intervenir avec un enseignant en activité physique adaptée (APA) pour proposer des séances à des patients, en leur fournissant, en plus, du matériel sportif. Impliquer des patients dans la prise en charge de leurs pairs peut engendrer la mise en œuvre de belles synergies. », conclut André.
En attendant, bien résolu à faire progresser le partenariat en santé, le jeune diplômé vient lui-même d’intégrer l’équipe pédagogique du DIU pour, à son tour, accompagner les élèves de la deuxième promotion en intervenant dans l’un des modules de la formation et en proposant d’être « tuteur » des élèves qui le souhaitent durant leur cursus.
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