Mort sociale : les plus de 60 ans de plus en plus isolés selon le Baromètre 2021 des Petits Frères des Pauvres

Les Petits Frères des Pauvres viennent de publier un remarquable baromètre sur la solitude et l’isolement des plus de 60 ans. Ainsi que l’on pouvait s’y attendre, la pandémie de Covid n’a évidemment pas amélioré les choses depuis 2017, année depuis laquelle l’association travaille, en éditant régulièrement des rapports, sur le sujet de la solitude et de l’isolement des personnes âgées.

Ainsi de 300 000 personnes dites « en mort sociale » en 2017 en France, notre pays est passé à 530 000 personnes en 2021. La crise sanitaire ne peut pas être tenue pour seule responsable de cette flambée et c’est désormais toute une politique ambitieuse en faveur des aînés qu’il faut développer. Parmi les actions à étayer, celles qui consistent à « Aller vers » les personnes âgées portent généralement bien leurs fruits.

La mort sociale c’est quoi ?

Le baromètre des Petits Frères des Pauvres a analysé la qualité des rapports qu’entretiennent les plus de 60 ans avec les différents cercles de sociabilité que sont la famille, les amis, les voisins et le réseau associatif. Être en situation de mort sociale, c’est n’avoir aucun ou quasiment aucun rapport physique avec aucun de ces 4 cercles. Pour être plus clair, c’est ne rencontrer, voire ne parler à personne durant des journées entières, et bien entendu, ce n’est pas par choix. « Même les personnes âgées les plus dynamiques, qui ont une nature à participer à tout un tas d’activités, passés un certain âge, sont oubliés de notre société. Un ennui de santé ou le fait qu’ils ne puissent plus conduire par exemple, les fait un jour disparaître des radars et on ne vient plus les chercher. Regarder l’exemple des conseils des seniors, personne ne va dans les EHPAD demander à des résidents d’y participer. », déplore Isabelle Sénécal, responsable du Pôle plaidoyer chez les Petits Frères des Pauvres. Par ailleurs, malheureusement, les inégalités en matière d’isolement des personnes âgées se creusent pour les plus précaires. Le baromètre s’est aussi saisi du problème et indique que plus les revenus sont faibles, moins on a de contacts de voisinage, moins on se sent heureux et plus le sentiment de solitude est exacerbé.

Une réponse avec les aides humaines à domicile ?

Un des 10 enseignements qui émergent du Baromètre est assez étonnant et rapporte que malgré la montée de l’isolement, les personnes âgées tiennent beaucoup à continuer à vivre chez eux mais refusent souvent les aides à domicile. Pour Isabelle Sénécal, cette contradiction peut s’expliquer par plusieurs raisons. La première est que cela représente une étape psychologique difficile de reconnaître que l’on met un pied dans la dépendance, d’autant dans notre société n’est pas particulièrement tendre avec les personnes fragiles. La deuxième raison est que les gens ne savent pas vraiment à qui s’adresser et craignent les démarches à entreprendre pour demander et trouver une aide à domicile, surtout s’il y a des dossiers à déposer pour une prise en charge financière. Selon la responsable du Pôle plaidoyer, il est vraiment temps de simplifier les parcours et les démarches pour les personnes précaires, fragiles, âgées. D’autant plus que beaucoup de ces démarches se passent désormais en ligne, or les données du Baromètre indiquent que même si la fracture numérique se réduit chez les personnes âgées, 20% d’entre elles ne vont actuellement jamais sur internet (contre 31% en 2017). Enfin le coût des aides à domicile reste un frein, car s’il existe des aides financières, elles couvrent rarement la totalité des frais et sont en outre, souvent sous-estimés.

« Aller vers » : pourquoi et comment ?

Pourtant aller au devant des populations les plus isolées est un levier très intéressant pour éviter la souffrance morale et souvent la détérioration de l’état de santé physique que l’isolement peut entrainer. Ainsi, pour pallier aux freins des demandes complexes d’aides à domicile, il est nécessaire par exemple d’accompagner directement les personnes âgées dans leurs démarches administratives. C’est ce que propose l’initiative d’un service public mobile dans les communes de l’Aisne, évoqué par Isabelle Sénécal. Elle souligne également le beau travail des équipes des « Baraques à Frat »(pour fraternité), des camions itinérants pour partager des moments de convivialité avec les habitants et en particulier avec les personnes âgées en situation d’isolement, comme celui qui parcourt les villages du Cambrésis.

« On a bien vu à quel point le « Aller vers » est efficace, dans le cas de la vaccination Covid. Bien sûr certaines personnes âgées ne voulaient pas se faire vacciner, mais la plupart des non vaccinées à qui l’on a proposé de venir jusqu’à elles pour leur faire le vaccin à domicile ou dans des bus mobiles au plus près de chez elles, ont accepté. », souligne Isabelle Sénécal. Elle ajoute que les obstacles viennent aussi du fait que les voisins, les commerçants qui voudraient se rendre utiles, signaler une personne qu’ils sentent isolés ou fragiles, ne savent pas forcément comment faire ou à qui s’adresser sans paraître intrusif, voire ingérant. Pour cela, Les Petits Frères des Pauvres ont pensé à tout et viennent de lancer leur kit pour devenir « chasseur de solitude », qui comprend un jeu de cartes, un sachet de thé et des conseils pour entamer le dialogue et rompre la solitude des plus isolés.

Le « Aller vers » à développer également dans le champ du sanitaire dans les zones rurales

Dans un contexte où les déserts médicaux s’intensifient, imaginer des solutions mobiles pour aller à la rencontre des habitants des régions isolées semblent pertinent. Pour Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos Santé, il faut réinventer la médecine de campagne d’hier. « Lorsqu’un médecin se déplaçait dans un village autrefois, il savait qu’il ne verrait pas uniquement le patient pour qui il avait été appelé mais visiterait d’autres foyers. Les habitants se passaient le mot et il n’était pas question de faire des kilomètres pour rien. », rappelle-t-elle. Elle constate que, par phénomène d’entrainement, les médecins ne s’installent plus à la campagne, notamment dans les endroits où l’on supprime les hôpitaux ou les cliniques et également du fait que les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont organisé les soins en regroupant les spécialités. Ainsi, selon son cas, il faut parfois faire plus de deux heures de route pour aller chez le médecin, en espérant qu’il ait de la place. Claude Rambaud est cependant persuadée que l’on peut encore compter sur les valeurs traditionnelles des médecins, dont certains seraient sûrement prêts à consacrer une demi-journée ou une journée pour des visites à domicile dans les campagnes, aux environs des villes où ils sont installés. « Le problème est que l’on ne donne pas les moyens aux médecins de travailler dans de bonnes conditions dans les zones rurales. Les visites à domicile sont très mal rémunérées. En témoigne la grève des médecins à domicile cette semaine, qui sont pourtant, dans ce cas précis, des médecins qui travaillent principalement en ville. De nos jours, la médecine mobile en campagne ne concerne plus que les cas urgents. Seules les ambulances s’y déplacent encore, pour les cas graves, ainsi que les infirmières libérales qui suivent leurs patients à domicile. En outre, même dans les endroits les plus reculés, peu visités par les médecins par manque de temps, on pourrait créer des unités mobiles de premier recours, gérées par des infirmières spécifiquement formées (infirmières de pratique avancée) et équipées d’une télé-assistance reliée à des médecins. On envoie bien des trains-hôpitaux dans les zones glacées de Sibérie, on doit être capable en France, au XXIèmesiècle, d’améliorer l’accès aux soins pour les populations isolées dans les déserts médicaux ou en zone rurale. », conclut la vice-présidente.

 

Retrouvez de nombreuses actions qui misent sur le « Aller vers » dans notre répertoire des actions de prévention et promotion de la santé des associations de France Assos Santé.

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