Elections européennes & politiques de santé : 4 candidats au banc d’essai

France Assos Santé a sollicité les principales listes candidates aux élections européennes afin de les interroger sur les grands enjeux en santé qui relèvent des compétences européennes. Focus sur les points saillants des réponses que nous ont apportées les listes Envie d’Europe (Raphaël Glucksmann), Génération.s (Benoît Hamon), Les Républicains (François-Xavier Bellamy) et celle du Parti communiste français (Ian Brossat).

Pénuries de médicaments, opacité sur la fixation des prix, indemnisation des victimes d’accidents médicaux : les Français attendent de l’Europe plus de transparence, plus de régulation et plus de coercition vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique notamment. C’est ce qui ressort d’une enquête commandée par France Assos Santésur la perception des Français à propos de différents sujets santé relevant des compétences européennes publiée le 14 mai dernier.

Les préoccupations exprimées dans cette enquête appellent des changements au niveau des politiques de l’Union européenne. « La protection de la santé et l’accès aux soins pour tous comptent parmi les principes fondamentaux de l’Union européenne, peut-on lire dans un manifeste que nous avons publié récemment. Or, les considérations économiques et la défense des intérêts privés prennent trop souvent le pas sur les objectifs de santé publique et l’intérêt des patients ».

Nous avons sollicité 8 listes candidates aux élections européennes* afin de les interroger sur les mesures concrètes que leurs députés porteront lorsqu’ils seront en fonction au Parlement. Envie d’Europe (Raphaël Glucksmann), Génération.s (Benoît Hamon), Les Républicains (François-Xavier Bellamy) et le Parti communiste français (Ian Brossat) ont répondu à nos questions portant sur 5 thématiques distinctes. Retrouvez dans ce document, le verbatim de leurs réponses. Focus, point par point, ce que nous en avons retenu.

Négociations sur le tarif des médicaments : vers plus de transparence ?

Dans une tribune publiée récemment, France Assos Santé et plusieurs autres associations rappelaient que « connaître les montants réels investis en recherche et développement, notamment les ressources publiques via de nombreux mécanismes (financement direct, recherche publique, crédit d’impôts, partenariat public-privé, etc.), ainsi que les coûts engagés par l’industrie dans les activités de recherche est nécessaire à une négociation équitable ».

La transparence dans les négociations tarifaires avec l’industrie pharmaceutique, tous les candidats qui ont accepté de nous répondre sont pour ! Ils restent toutefois assez évasifs sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

Envie d’Europe préconise une négociation tarifaire à l’échelle européenne. « Dans ce nouveau cadre, les clauses de confidentialité sur les remises négociées avec les entreprises pharmaceutiques ne seront plus acceptées », peut-on lire dans la réponse de la liste de Raphaël Glucksmann.

Génération.s appelle aussi à plus de transparence mais donne peu de détails quant aux moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. « Tous les pays de l’UE devraient exiger ensemble de publier les prix réels auxquels les industriels facturent leurs médicaments à la collectivité », nous ont répondu les services de Benoît Hamon.

Pour Les Républicains, le Parlement européen est tout à fait fondé à se saisir de cette thématique. Sans donner plus de précisions, la liste de droite évoque la possibilité de « passer par des règles qui favorisent des convergences dans les pratiques, notamment en matière d’appels d’offres pour les médicaments ou les vaccins ». Comprenne qui pourra.

Le Parti communiste, enfin, souhaite imposer à l’échelle des états membres de l’Union européenne une négociation plus transparente des prix avec l’industrie pharmaceutique. Il n’indique toutefois pas de quelle manière les parlementaires qui seront éventuellement issus de son rang comptent s’y prendre. Pour Ian Brossat, l’influence des lobbies pharmaceutiques auprès des institutions européennes participe également à l’opacité des décisions qui y sont prises. Il préconise de mettre un terme à ces pratiques.

Comment mieux lutter contre les pénuries de médicaments ?

Une étude publiée en janvier par France Assos Santé pointe les difficultés récurrentes que rencontrent les patients pour accéder à certains vaccins et médicaments. Et leurs conséquences ! L’étude montre que 45 % des personnes confrontées à ces pénuries ont été contraintes de reporter leur traitement, de le modifier, voire d’y renoncer ou de l’arrêter complètement. La responsabilité des laboratoires est clairement engagée.

Ian Brossat est le plus incisif sur le sujet : pour faire face à ces pénuries récurrentes, il propose le développement d’un pôle public du médicament européen chargé d’assurer la production des médicaments essentiels. La réponse de la liste Envie d’Europe va dans le même sens : « En cas de rupture sur le sol européen, une production coordonnée par l’Union européenne doit garantir l’accès aux traitements ».

Pourquoi pas ? On sait que la concentration des différentes étapes de la production de médicaments au sein d’usines uniques ou peu nombreuses, en Inde ou en Chine, est un facteur participant à la rupture de stocks. Sans compter qu’en même temps le nombre de sites de production diminue et la demande s’élargit au marché mondial, vers les pays émergents notamment où les besoins sont de plus en plus élevés.

Le PC est assez prompt à « dégainer l’arme absolue de la licence d’office ». De quoi est-il question ? Ce dispositif (art. L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle) prévoit la possibilité de s’affranchir des règles du commerce international, afin de produire des médicaments encore sous brevet si l’intérêt de la santé publique l’exige. Benoît Hamon est également favorable à son activation « en cas de défaillances manifestes d’un industriel ou de sa mauvaise volonté ».

La liste Envie d’Europe suggère d’agir en amont dès l’examen par les pouvoirs publics de l’autorisation de mise sur le marché. Comment ? En exigeant des laboratoires qu’ils fournissent les preuves de la solidité de leurs capacités de production et d’approvisionnement, et qu’ils s’engagent sur un stock en permanence disponible sur le sol européen.

Les Républicains, quant à eux, s’insurgent : « il n’est pas normal d’avoir des situations de pénurie », nous ont répondu les services de François-Xavier Bellamy. L’Union européenne aurait une vraie capacité à agir sur le sujet, indique la tête de liste qui paradoxalement se réfugie assez vite vers le principe de subsidiarité (chaque Etat reste souverain sur un certain nombre de prérogatives).

Comme le PC et Envie d’Europe, Les Républicains soulignent « que les matières premières pour la fabrication des médicaments sont de moins en moins issues de l’Union européenne ». Un fait connu de longue date. Ce constat interroge selon la liste emmenée par François-Xavier Bellamy « la vision d’ensemble que nous devons défendre pour l’industrie du médicament ».

De quelle manière endiguer l’inflation des prix du médicament ?

Le 20 juin 2018, un regroupement d’associations de patients, dont France Assos Santé fait partie, publiait un livre blanc appelant les pouvoirs publics à faire en sorte que le processus de fixation du prix des médicaments soit mieux encadré afin que « le progrès thérapeutique bénéficie d’abord aux personnes malades sans pour autant décourager l’innovation ».

Sur l’explosion des tarifs de certains médicaments, les anti-cancéreux notamment, les listes de Raphaël Glucksmann et de Ian Brossat sont celles qui se montrent les plus prolixes. La première propose que « seuls les médicaments présentant une réelle innovation avec un gain incontesté pour les patients soient protégés par un brevet ».

Le Parti communiste rappelle quant à lui que les prix parfois exorbitants de certains médicaments ne sont pas justifiés par les investissements en R&D (bien souvent inférieurs aux coûts en marketing de ces entreprises) mais sont en grande partie déterminés par les exigences de rentabilité des actionnaires « qui sont parmi les plus élevées du monde économique ».

Dans sa réponse, la liste de gauche souhaite que les négociations sur la fixation des prix tiennent compte de la part investie par la puissance publique dans la mise au point des nouvelles molécules. Autre proposition : « réévaluer régulièrement ces prix en fonction des profits dégagés et des dividendes versés aux actionnaires ».

Sur la question du coût des médicaments, Génération.s est moins disert mais renvoie une nouvelle fois à la licence d’office dans les cas où les laboratoires sont manifestement trop gourmands sur les prix.

La réponse de la liste de François-Xavier Bellamy est plus… à droite ! Elle est celle qui semble le moins s’offusquer des exigences tarifaires de certains laboratoires. Si en effet, nous a-t-elle répondu, la conception de nouveaux médicaments s’appuie sur des investissements publics (qui permettent notamment de mettre au service des entreprises et laboratoires des talents dont nous devons être fiers), « ceux qui prennent les risques et investissent, ce sont bien les acteurs privés, soyons clairs là-dessus ».

François-Xavier Bellamy prône une stratégie coordonnée au niveau européen en matière de négociations tarifaires mais n’apporte pas plus de précisions. Pas certain que sur cette question, les parlementaires de cette liste seront les meilleurs alliés des patients.

Indemnisation des victimes d’accidents médicaux : faut-il revoir la réglementation ?

Mediator, pilules de 2ème et 3èmegénération, Distilbène, Dépakine… Pour France Assos Santé, la directive européenne qui réglemente le droit à l’indemnisation des consommateurs en cas de dommage causé par des produits défectueux, y compris les produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) n’est pas adaptée : les conditions d’indemnisation sont si restrictives que les victimes ne sont presque jamais indemnisées.

François-Xavier Bellamy n’est pas de cet avis. Les règles européennes prévoient des mécanismes pour protéger les citoyens face aux préjudices qu’ils peuvent subir. « Appliquer et respecter ces règles récemment décidées est déjà un point prioritaire ». Encore une fois, Les Républicains renvoie les institutions judiciaires de chaque Etat à leurs prérogatives.

La liste Envie d’Europe et celle du PC s’accordent sur le fait qu’il faut diminuer le poids des lobbies afin de minimiser le risque de mise sur le marché de produits mal évalués et de ce fait potentiellement dangereux. Comment ? En excluant des groupes d’experts « ceux qui ont un lien personnel ou fonctionnel avec l’industrie concernée » et en renforçant les moyens d’action des pouvoirs publics au niveau européen et national.

Ian Brossat propose la mise en place d’un dispositif européen « qui soit en mesure de coordonner l’intervention des états contre les fabricants pour faire reconnaître leur responsabilité (…) nécessaire pour intervenir efficacement face à la puissance de l’industrie pharmaceutique ». Quant à la liste Envie d’Europe, elle indique que les députés européens qu’elle parviendra à faire élire au Parlement travailleront de concert avec les associations de patients pour identifier les mesures les plus justes et les plus efficaces en matière d’indemnisation. France Assos Santé ne manquera pas de rappeler cette promesse aux intéressé.es.

Génération.s ne se prononce pas précisément sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. Elle annonce toutefois son intention de mettre sur pied un lobby citoyen qui « sera force de propositions pour faire entendre la voix des Européens auprès de nos député.es. Nous lui donnerons les prérogatives et les moyens d’informer, de mobiliser et de contrôler les institutions européennes ».

Quels sont les investissements à consentir pour développer les politiques de prévention ?

Les Etats membres de l’Union européenne consacrent en moyenne 3% de leurs dépenses de santé aux politiques de prévention. C’est peu. Investir dans la prévention permet pourtant d’éviter le développement de pathologies lourdes et donc de réaliser d’importantes économies pour les systèmes de santé.

La liste de Benoît Hamon identifie 4 domaines qui lui paraissent prioritaires en matière de prévention : le tabac, l’alcool, l’environnement et la nutrition. Sur les deux premiers thèmes, elle préconise l’harmonisation au niveau européen des réglementations fiscales et sanitaires. Pour Génération.s, une vigoureuse politique de recherche, en particulier en chimie verte, doit par ailleurs être mise en place pour caractériser les dangers et favoriser des produits de substitution.

En matière d’alimentation, Benoît Hamon souhaite voir se développer une agriculture biologique saine et de proximité. Il y a quelques jours, l’UFC Que Choisir a lancé une pétition afin de rendre obligatoire le logo NutriScore. La liste de l’ancien député européen (parti socialiste 2004-2009) qui prône un « NutriScore européen » semble appuyer cette démarche.

Envie d’Europe propose de supprimer les subventions néfastes relatives à la santé et à l’environnement, d’investir massivement dans une recherche indépendante, de favoriser une transition écologique respectueuse de la biodiversité, de développer l’agro-écologie et de transformer la Politique agricole commune en une politique agricole et alimentaire commune.

Fait notable : cette liste est la seule à évoquer la problématique de la résistance aux antibiotiques en proposant une réduction massive de leur utilisation dans les élevages. Elle est aussi la seule à s’inquiéter de la dégradation de la qualité de l’air. Sur ce point, elle propose de réviser la réglementation européenne pour y inclure des seuils plus restrictifs et de lutter contre les pollutions liées aux transports, aux industries et à l’agriculture.

« Anticiper et prévenir, plutôt que de défendre des pratiques curatives et subir ». C’est le crédo du parti Les Républicains qui souhaite investir massivement dans la recherche médicale en coordonnant les efforts de chaque Etat au niveau européen. Sans véritablement préciser ses intentions en la matière, François-Xavier Bellamy s’inquiète de l’explosion du nombre de personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives et souhaite que l’Europe s’engage « sur ce grand projet prioritaire ».

Le Parti communiste appelle quant à lui au développement d’une politique volontariste de prévention et d’éducation à la santé en France et en Europe. Cette politique « passe par un accès des populations à des services fondamentaux : éducation, santé, action sociale, transports, qualité de l’eau, logement, protection de l’environnement, sécurité alimentaire ».

Pour y parvenir, sa tête de liste suggère de refuser les différents traités de libre-échange dans lesquels l’Europe est engagée. Le PC rappelle au passage son attachement à des services publics financés à 100% par la collectivité. « L’union européenne doit agir pour des instances sanitaires internationales transparentes et totalement indépendantes des intérêts des multinationales et des financements privésL».

 

* Envie d’Europe, Europe Ecologie – Les Verts, Génération.s, La France insoumise, Les Républicains, Parti communiste français, Renaissance et Union des démocrates et indépendants.

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