A la suite des États généraux de la bioéthique·, le Comité Consultatif national d’Ethique (CCNE) a rendu ce mercredi 29 mai un avis sur les enjeux éthiques que soulève l’utilisation des « données massives » (Big data) dans le domaine de la santé.
Deux propos préliminaires sont soulevés par le CCNE :
- Premièrement : la donnée de santé ne se limite pas à la donnée recueillie dans un cadre médical (mesures biologiques, caractéristiques génomiques, données cliniques, etc.). En effet, le croisement de plusieurs sources de données sans lien avec la santé peut quand même contribuer à la création d’une information relative à la santé d’une personne.
- Deuxièmement : le contexte technologique changeant nécessite que les dispositifs de protection des personnes soient régulièrement évalués et mis à jour.
L’avis précise ensuite que l’utilisation du Big data brouille les pistes sur plusieurs tableaux. Il est souligné que la séparation entre vie privée et vie publique est de plus en plus ténue avec les croisements de données (ex : géolocalisation du smartphone) rendant possible le profilage.
Le CCNE identifie, et c’est un point très important pour les usagers, que la notion de consentement libre et éclairé, droit fondamental reconnu par tous, est menacé par l’utilisation d’outils technologiques de type big data. Pour faire face à ce risque de dégradation du consentement, le RGPD, corpus réglementaire européen, propose que l’on responsabilise les acteurs : les organisations qui manipulent des données doivent annoncer la couleur et indiquer à l’utilisateur final ce qui sera fait de leurs données. Une démarche de responsabilisation plutôt qu’une logique de contrôle exhaustif a priori. Cependant, fait remarquer le CCNE, encore faut-il que ces organisations soient loyales dans leurs comportements, fassent preuve de transparence dans leur processus, et puissent être contrôlées par des tiers.
Le CCNE estime par ailleurs qu’une « garantie humaine » des différentes étapes du processus de l’analyse des données, est nécessaire.
Ces étapes sont :
- La qualité et l’adéquation des données sélectionnées pour entraîner les algorithmes ;
- L’adéquation du choix des traitements algorithmiques à la question posée ;
- La vérification sur un jeu de données indépendantes de la robustesse et de l’exactitude du résultat donné par l’algorithme.
Le CCNE rappelle que « la relation de soin se fonde sur une relation humaine directe, basée sur la confiance et un ensemble de décisions véritablement partagées entre le médecin et le patient, même si l’informatisation des systèmes de soin est maintenant généralisée ».
Trois principes éthiques peuvent être fragilisés par l’utilisation des données massives :
- Le secret médical, « par la multiplication des informations partagées et échangées entre divers acteurs, dont certains ne relèvent pas du milieu médical » ;
- La responsabilité de la décision médicale, « par le risque d’automatisation que crée la multiplication des logiciels algorithmiques » ;
- La relation personnelle entre le médecin et son patient, « qui est menacée d’appauvrissement avec les innovations attendues du traitement des données massives, le patient risquant d’être réduit à un ensemble de données à interpréter, semblant rendre inutile son écoute. »
Le CCNE rappelle que les technologies du numérique doivent rester une aide à la décision et estime que le temps ainsi gagné devrait être mis à profit pour libérer du temps d’écoute, d’échange, de prise en compte personnelle du patient.
Dans le cadre des protocoles de recherche, le CCNE rappelle que l’enjeu éthique principal est de trouver « le bon équilibre entre le risque d’une sous-exploitation des données limitant des recherches menées dans l‘intérêt général et celui d’un partage des données trop large et insuffisamment contrôlé mettant en cause les droits fondamentaux de la personne ».
Enfin le CCNE précise que l’utilisation de nouvelles technologies en santé hors parcours de soin (réseaux sociaux, applications/objets connectés, plateformes internet etc.), peut porter atteinte à la protection des personnes : informations déloyales, non-respect du consentement à la diffusion, à l’hébergement et à la réutilisation des données de santé notamment.
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