Tandis que les accords visant à faciliter le développement et l’accès aux futurs vaccins contre la COVID-19 se multiplient – notamment dernièrement avec la firme AstraZeneca – les interrogations pleuvent quant à la pression exercée par l’industrie dans les négociations en cours, la sécurité des patients et l’accès équitable aux futurs vaccins à l’échelle mondiale.
Plusieurs initiatives internationales prévoient des accords avec des entreprises pharmaceutiques développant actuellement des candidats-vaccins contre la COVID-19.
En Europe, la Commission vient de lancer la « Stratégie de l’Union européenne concernant les vaccins contre la COVID-19 » et s’apprête à utiliser le fonds d’urgence Emergency support instrument (ESI), doté de 2,7 milliards d’euros, pour passer des contrats d’achat anticipé.
À côté de ça, la France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ont récemment conclu un accord de principe avec la firme pharmaceutique AstraZeneca pour l’achat de 400 millions de doses de son vaccin en développement contre le Sars-CoV-2. Cet accord s’inscrit dans le cadre de « l’Alliance inclusive pour le vaccin » (IVA), qui a pour objectif de soutenir le développement d’un vaccin et de garantir l’approvisionnement de la population européenne « à des conditions équitables ». Il précise que le candidat-vaccin d’AstraZeneca sera vendu « à prix coûtant » pendant la période de la pandémie, les Présidents et PDG de l’entreprise pharmaceutique annonçant un chiffre de 2 euros la dose. Si ce prix était confirmé et appliqué à l’ensemble des pays du globe, il permettrait sans doute de rendre le vaccin accessible au plus grand nombre.
Si l’intention est louable, on peut néanmoins s’interroger sur le bienfondé d’une initiative isolée de 4 états, alors que la stratégie de la Commission européenne et les initiatives internationales comme la Garantie de Marché pour les vaccins contre la COVID-19 (AMC Covax) ont une dimension beaucoup plus globale.
La multiplication des accords visant à faciliter le développement et l’accès aux futurs vaccins nécessite que la plus grande transparence soit garantie quant à leur contenu et à leurs modalités d’application.
Il importe notamment, pour évaluer le juste prix des candidats-vaccins, de tenir compte des aides publiques à la R&D, au développement des capacités de production, mais aussi des termes financiers en cas d’échec des essais cliniques actuellement en cours (outre AstraZeneka, la Commission européenne devrait passer des accords avec les sociétés Sanofi, Pfizer, Novavax, Johnson & Johnson et Moderna).
L’obtention d’un prix juste et équitable doit s’accompagner de la garantie que les vaccins autorisés répondront à des critères d’efficacité et de sécurité exigeants. Les délais de mise sur le marché communiqués par AstraZeneca, qui annonce une mise à disposition du vaccin dès le mois d’octobre si les résultats des essais cliniques sont concluants, expliquent que les associations de patients et d’usagers soient particulièrement vigilantes sur ce point.
Les vaccins, comme tous les produits pharmaceutiques, peuvent être à l’origine d’événements indésirables, qui ne peuvent être détectés que grâce à des études cliniques de large ampleur et ne sont parfois identifiés qu’une fois le produit mis sur le marché. Dans l’hypothèse d’effets indésirables graves, qui en assumera la responsabilité et qui prendra en charge l’indemnisation des victimes ? Le « prix coûtant » négocié avec certains industriels a-t-il pour contrepartie une collectivisation des risques, comme cela avait été le cas durant la gestion de la pandémie de grippe A (H1N1) ?
Toutes ces interrogations légitimes convergent donc vers une demande de transparence totale des accords et négociations en cours avec les acteurs de l’industrie pharmaceutique, sans céder à la pression de la compétition internationale, sans sacrifier la sécurité des individus, et en assurant un accès équitable aux futurs vaccins à l’échelle mondiale.
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