Le 10e baromètre Ipsos/Secours Populaire de la pauvreté est révélateur d’une « société fragilisée, sur le fil de la survie »
Les résultats du dernier baromètre Ipsos/Secours Populaire de la pauvreté, consacré cette année plus précisément à l’accès à la santé, sont globalement préoccupants.
36 % des Français disent avoir des problèmes au moment de payer des actes médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale, 64 % parmi les foyers les plus modestes.
Disposer d’une mutuelle santé est vécu comme financièrement compliqué par 53 % des ménages modestes, et 48 % d’entre eux déclarent ne pas avoir les moyens de se procurer une alimentation saine.
Dans ses permanences d’accueil, le Secours Populaire perçoit une dégradation de l’état de santé de familles, de mères seules, de jeunes, de retraités, de nombreux enfants.
Fait récent, le travail n’apporte plus forcément la garantie d’une autonomie financière : certains salariés ne sont plus à l’abri des privations et peinent également à se soigner.
L’optique et les soins dentaires sont devenus moins facilement accessibles : 35 % des sondés déclarent avoir déjà renoncé à l’achat de prothèses dentaires ou l’avoir retardé de plusieurs mois (4 points de plus par rapport à 2008) ; 30 % ont dû faire de même pour l’achat de lunettes ou de lentilles de contact ; 28 % pour la consultation chez un dentiste (+ 5 points)…
Parmi les Français les plus pauvres (ceux qui appartiennent à un ménage dont le revenu mensuel net est inférieur à 1 200 euros), 50 % ont renoncé à une consultation chez le dentiste ou l’ont retardée… une hausse spectaculaire de 22 points par rapport à 2008 !
Plus d’un quart des personnes financièrement vulnérables disent ne pas pouvoir se rendre chez un dentiste, faute de moyens.
Les parents en situation de pauvreté donnent la priorité aux soins apportés à leurs enfants, au détriment de leur propre santé.
Les Français interrogés sont conscients de l’augmentation inquiétante des inégalités en matière d’accès à la santé : à 68 %, ils jugent qu’elles se sont aggravées au cours des dernières années.
Un sondage qui vient temporiser les chiffres tout récemment publiés par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé) révélant une augmentation sensible de la part des dépenses de santé prises en charge par la Sécurité sociale, et par conséquent une baisse de celles reposant sur les ménages ou leur complémentaire santé.
Ainsi, le 5 septembre dernier, veille de la publication de l’étude du Secours populaire, Marisol Touraine se félicitait de la réduction du reste à charge des ménages depuis 2012 grâce à une volonté politique, des réformes concrètes, qui auraient permis une progression de la prise en charge solidaire des dépenses de santé.
Incontestablement, de nombreuses mesures sont intervenues ces dernières années pour favoriser l’accès aux soins des personnes aux revenus les plus modestes : augmentation des seuils de l’Aide à l’acquisition d’une Complémentaire Santé (ACS), extension aux bénéficiaires de l’ACS de l’interdiction de facturer des dépassements d’honoraires, exonération des bénéficiaires de l’ACS du paiement des franchises médicales notamment.
Pourtant, les faits sont là et le ressenti de ces ménages tel qu’il est retranscrit par les chiffres du Secours populaire sont, eux aussi, bien réels.
La concomitance des communications de Marisol Touraine et du Secours populaire met en évidence la fracture entre les chiffres macroéconomiques et la réalité vécue par les usagers…
« La part des dépenses de santé supportée par les ménages a diminué, pour la quatrième année consécutive, de 0,2 point. Alors qu’en 2011, 9,3 % des dépenses de santé restaient à leur charge, cette part a diminué à 9,1 % en 2012, à 8,8 % en 2013, à 8,6 % en 2014. En 2015, elle s’établit à 8,4%, soit un niveau historiquement bas. » Ainsi, « la baisse depuis 2011 atteint près de 1 point (0,9), soit environ 1,7 Md€ » de gain relatif pour les ménages. « Malgré la progression continue des dépenses de santé, les dépenses à la charge des ménages ont diminué en valeur absolue, de 200 millions depuis 2012 ».
Seul le reste-à-charge après remboursement de l’Assurance maladie obligatoire est ici évoqué. Qu’en est-il vraiment lorsque sont pris en compte les restes-à-charge après intervention des complémentaires santé et qu’on les met en miroir des cotisations à ces organismes complémentaires d’assurance maladie ?
« Ce résultat remarquable est atteint alors même que la part des dépenses à la charge des complémentaires a légèrement reculé »
Dans ce cas, comment expliquer l’augmentation régulière des cotisations aux organismes complémentaires d’assurance maladie ?
« Année après année, depuis 2012, les patients dépensent moins de leur poche pour se soigner ».
C’est aller un peu vite car il faut souligner que les patients dépensent aussi beaucoup pour des prestations non remboursées par l’Assurance maladie obligatoire (soit qu’elles ont été dé-remboursées soit qu’elles ne l’ont jamais été) et pour les cotisations aux organismes complémentaires d’assurance maladie.
« Jusqu’en 2011, le reste à charge des ménages et la part à la charge des complémentaires avaient augmenté, sous l’effet de mesures de franchises, forfaits et déremboursements », qualifiées de « mesures injustes ».
Notons que ni les franchises médicales ni la participation forfaitaire n’ont pour autant été supprimées, même si les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé en sont dorénavant exemptés (au même titre que les bénéficiaires de la CMU-C).
« Cette augmentation de la prise en charge – et donc réduction du reste à charge – concerne la plupart des types de soins, et notamment les soins réalisés en ville, y compris les soins dentaires ».
Mais cela ne tient pas compte de l’ampleur des renoncements aux soins dentaires, qui sont courants comme en atteste le baromètre du Secours populaire… Or, effectivement, s’il n’y a pas de soins… il n’y a pas de reste-à-charge, mais pour la pire des raisons !
« La diminution du reste à charge est également une réalité en matière d’optique. En 2015, les dépenses à la charge des ménages en matière d’optique ont baissé de 165 millions, soit une baisse de 10% ».
Il faudra l’expliquer aux 30% des personnes sondées qui déclarent encore avoir renoncé à l’achat de lunettes ou de lentilles de contact.
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