Des mois de négociations ont abouti, de façon presque inespérée, à un accord pour la signature d’une nouvelle convention régissant les relations entre médecins libéraux et l’Assurance maladie. Quels en sont les principaux éléments du point de vue du patient, et que peut-on en espérer en termes de qualité des soins ?
Des mois de négociations. Et une avancée majeure ce week-end puisque la Fédération médicale de France (FMF) a donné, dimanche, son accord pour ratifier la nouvelle convention négociée avec l’Assurance maladie. Rejoignant deux autres syndicats médicaux, MG France et le BLOC, la FMF a ainsi fait basculer le vote en faveur de la signature qui devrait avoir officiellement lieu jeudi 25 août.
Avec cette nouvelle, c’est la perspective d’un règlement arbitral qui s’éloigne et l’espoir d’une pacification des relations entre les médecins et l’Assurance maladie qui renaît.Car comme de coutume, les négociations ont été ardues. La réunion du 23 juin dernier s’est achevée par une sortie de la CSMF, qui signait « le début de la foire d’empoigne ». Le principal syndicat de médecins reprochait en effet à l’Assurance maladie de n’avoir pas chiffré les mesures discutées lors de ces négociations conventionnelles entamées en février et de son côté, l’Union des chirurgiens et anesthésistes, le Bloc, disait sa déception par rapport à la valorisation de leurs tarifs.
Rassurant, Nicolas Revel, qui représente l’Assurance maladie dans le cadre de ces négociations en tant que directeur général de de la CNAMTS et de l’UNCAM, se montrait alors conscient des tensions mais optimiste avant tout. Et ce malgré le climat de grande défiance qui a marqué ces négociations conventionnelles, avec, notamment, la montée en puissance des voix opposées à la loi de modernisation du système de santé qui prévoit la généralisation progressive du tiers-payant chez l’ensemble des professionnels de santé au bénéfice de tous les assurés sociaux fin 2017. Les ultimes efforts de l’Assurance maladie ont, vraisemblablement, convaincu les médecins…
Que faut-il retenir de ce nouvel accord ?
- A propos des revalorisations
• La consultation chez un médecin généraliste passera de 23 € à 25 € dès le 1er mai 2017, et non de façon graduée en deux étapes comme proposé initialement par l’Assurance maladie.
• Avec l’augmentation des majorations de coordination de 2 euros (cela correspond aux consultations d’un spécialiste vers lequel une personne est orientée par son médecin généraliste, dans le cadre du parcours de soins), ce sont en fait tous les actes de consultation, à la fois pour les généralistes et les spécialistes, qui seront augmentés de 2 euros.
• L’avis ponctuel de consultant (C2) passe de 48 euros à 50 euros.
• Les consultations des enfants de moins de 6 ans sont majorées de 5 euros pour les généralistes de tous secteurs d’activité. Pour les pédiatres, une majoration de 5 euros est prévue pour la consultation des nourrissons de 0 à 2 ans.
• Pour les pédiatres secteur I et secteur 2 OPTAM :
– majoration de 5 euros pour les consultations pour les enfants de 2 à 6 ans et pour les consultations des enfants de 6 à 16 ans qui ne sont pas adressés par le médecin traitant,
– majoration de 4 euros pour les consultations des enfants de 0 à 6 ans, cumulable avec les majorations indiquées plus haut.
• Le médecin traitant qui oriente un de ses patients vers un médecin correspondant qui accepte de le recevoir en moins de 48 h peut majorer sa consultation de 5 euros, et le médecin correspondant de 15 euros, quels que soient leurs secteurs d’activité.
• Il est créé un certain nombre de consultations complexes et très complexes, qui s’ajoutent à la consultation de dépistage du mélanome par le dermatologue, et une revalorisation de certaines consultations complexes déjà listées.
Ces consultations sont valorisées 46 euros ou 60 euros et sont réservées aux médecins secteur I ou secteur II OPTAM.
• Le tarif des actes de chirurgie réalisés par les médecins (secteur I ou secteur II OPTAM) sera augmenté de 20% à compter du 15 juin 2017.
- A propos des différents forfaits
• Un « forfait structure » est créé pour aider au financement d’un secrétariat afin de libérer du temps médical. Il vise à aider les médecins à investir sur des outils informatiques facilitant le suivi des patients, les échanges avec les autres professionnels et structures intervenant dans la prise en charge des patients et à développer les démarches d’appui au patient dans le parcours de soins au sein des cabinets médicaux ou en recourant à des services extérieurs. Le forfait structure pourra atteindre 1 750 euros la première année et 4 620 euros par an et par médecin la 3ème année (montée en charge graduelle jusqu’en 2019).
• Le « forfait patientèle médecin traitant » pour le suivi au long cours des patients se substitue aux différents forfaits existants pour le suivi de la patientèle et à la rémunération du volet de synthèse médicale. Il est indexé sur la patientèle et ses caractéristiques : âge, pathologie, précarité. Tous les patients ayant déclaré le médecin comme médecin traitant sont pris en compte, avec une pondération tenant compte du niveau de complexité de la prise en charge, à partir des critères suivants :
– Enfant âgé de 0 à 6 ans : 6 €
– Patient âgé de 80 ans et plus : 42 €
– Patient de moins de 80 ans atteint d’une ou plusieurs affection de longue durée (ALD) : 42 €
– Patient de 80 ans ou plus et atteint d’une ou plusieurs ALD : 70 €
– Autres patients : 5 €
Le forfait médecin traitant est majoré pour les praticiens ayant plus de 7% de patients bénéficiaires de la CMU-C dans leur patientèle.
Ce forfait est mis en place au titre de l’année 2018 et fera l’objet d’un premier versement au cours du 1er semestre 2018.
- Les aides à l’installation dans les déserts médicaux
Elles se déclinent en quatre volets et sont soumises à condition :
• Aide à l’installation : 50 000 euros en deux versements.
• Aide aux médecins de plus de 60 ans qui aident un successeur : 10% du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables, limitée à 20 000 euros/an, pendant 3 ans.
• Aide aux médecins déjà installés : 5 000 euros par an pendant 3 ans.
• Aide aux médecins allant faire des vacations dans un territoire fragile : 10 % du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables.
Ces aides concernent l’activité médicale en zone démographiquement fragiles. Elles sont interdites aux médecins secteur II non adhérents à l’OPTAM.
- La Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP)
Les indicateurs de qualité des pratiques, fixés en cohérence avec les priorités nationales de santé publique, sont regroupés en trois grands volets (suivi des pathologies chroniques, prévention, efficience) et concernent les médecins traitants, les cardiologues et les gastro-entérologues.
La ROSP 2017 sera au maximum de 1 000 points pour les généralistes, 340 pour les cardiologues et 300 pour les gastro-entérologues, et sera modulée en fonction de la patientèle. La valeur du point étant fixée à 7 euros, la ROSP pourra atteindre 7 000 euros par an pour les médecins généralistes.
- L’option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) en remplacement du Contrat d’Accès aux Soins (CAS) en janvier 2017
L’OPTAM s’adresse aux médecins de secteur 2 (OPTAM-CO est la version destinée aux Chirurgiens et Obstétriciens). En adhérant à l’option, le médecin s’engage à respecter le taux de dépassement moyen qui ne peut excéder 100 % du tarif de la sécurité sociale. L’option comporte en outre le pourcentage d’activité aux tarifs opposables que le praticien s’engage à respecter, ce pourcentage incluant les urgences médicales et les situations particulières des patients bénéficiaires de la CMU-C ou disposant de l’Aide à l’acquisition d’une Complémentaire Santé (ACS) pour lesquels les dépassements sont de toute manière interdits.
Les soins réalisés par les médecins qui adhèrent à l’option bénéficient des tarifs de remboursement identiques aux tarifs en vigueur dans le secteur I.
Des prises en charge de cotisations dues par les médecins sur les trois risques (maladie – maternité – décès, allocations familiales et allocations supplémentaires vieillesse) sont prévues sur les honoraires réalisés à tarifs opposables.
- Le tiers payant
En application de la loi santé, le tiers payant est mis en avant et valorisé par cette convention.
Si le délai de paiement des feuilles des soins électroniques (FSE) excède 7 jours ouvrés, une indemnité est versée par l’assurance maladie dans les conditions définies réglementairement.
- Télémédecine
Un acte de télé-expertise pourrait être créé pour valoriser l’échange d’informations entre le médecin traitant assurant le suivi du patient avant son admission dans l’EHPAD et le nouveau médecin traitant choisi par le patient à l’occasion de son entrée dans l’EHPAD, et ce en lien avec le médecin coordonnateur.
- Prise en charge des cotisations sociales
La participation des caisses aux Allocations Supplémentaires de Vieillesse (ASV) reste des 2/3. Le reste à charge des cotisations d’Assurance Maladie est de 0,1% et les caisses payent 100% de la cotisation au titre des allocations familiales en-dessous de 110% du plafond annuel de Sécurité sociale, puis de façon dégressive jusqu’à 65% pour les revenus supérieurs à 140% du plafond de la Sécurité sociale.
Combien coûteront ces nouveaux engagements ?
A terme, la convention coûtera 960 millions d’euros à l’Assurance maladie et 1,3 milliard au total si l’on compte la participation des complémentaires santé qui contribueront un peu plus au remboursement des consultations et qui pourraient aussi financer le futur « forfait structure », à hauteur de 250 millions d’euros.
Il faudra surtout être attentifs aux effets des dispositions sur lesquelles les représentants de l’Assurance maladie et des syndicats médicaux se sont entendus : l’effort financier consenti permettra-t-il de taire, au moins pour un temps, les mécontentements du monde médical quant à son niveau de rémunération presque toujours décrié, ou encore de répondre au développement inquiétant de la désertification médicale ?
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