le point sur le diagnostic et la rééducation du TDA/H avec un neuropsychologue

Le TDAH, aujourd’hui… et après ?

Si le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est désormais identifié et reconnu, la bataille n’est pas gagnée pour autant. Il reste beaucoup à faire pour faciliter, non seulement le diagnostic, mais aussi l’insertion scolaire et professionnelle des personnes concernées. 

Votre enfant est agité, impulsif voire colérique, incapable de se concentrer et de rester assis sur une chaise, toujours prêt à « zapper » d’une activité à une autre ? Il aura fallu des années de combat pour qu’on ne vous reproche plus systématiquement de trop le gâter et/ou de ne pas savoir le « tenir ».

Si le diagnostic ne s’applique pas, évidemment, à tous les enfants turbulents voire indisciplinés, on sait maintenant qu’une bonne partie d’entre eux souffre d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui peut aussi bien affecter leur scolarité que leurs relations sociales et leur vie de famille. En l’espace de vingt ans, et plus encore depuis dix ans, l’acronyme TDAH est devenu familier, et la pathologie est désormais identifiée en France parmi ce qu’on appelle les troubles neurodéveloppementaux, au même titre que le trouble du spectre autistique ou les troubles Dys.

En septembre 2024, la Haute Autorité de santé (HAS) a même publié des recommandations graduées et complètes de prise en charge du TDAH chez les enfants et les adolescents – celles concernant l’adulte sont attendues pour août 2025. Il était temps : l’association HyperSupers TDAH France les réclamait depuis des années. « Maintenant, c’est cadré, la HAS définit en détail le diagnostic et le parcours de soin, se félicite Daniel Quagliaroli, vice-présent de l’association. Elles s’appuient sur des bases scientifiques et des niveaux de preuves qui permettent de rompre avec certaines bêtises qu’on a pu lire et dire autour de ces enfants. Le TDAH est bien un trouble médical, et pas le fruit d’une éducation ou d’un problème psycho-affectif ». 

Un diagnostic à poser sans tarder

Tout en reconnaissant que le diagnostic est complexe à établir, la Haute Autorité de santé plaide pour qu’il soit posé le plus tôt possible, afin d’éviter une aggravation des conséquences scolaires, psychologiques et sociales du trouble, notamment à l’âge adulte. Les symptômes, liés à des retards de maturation de certaines zones du cerveau, perdurent en effet au-delà de l’adolescence chez les deux-tiers des patients, occasionnant souvent troubles anxieux, perte d’estime de soi, dépression, pensées suicidaires, difficultés relationnelles et addictions (dans 25 à 50 % des cas).

Nicolas, 45 ans, en sait quelque chose. Il a fallu qu’il vive un violent burn out, il y a six ans, pour quitter la multinationale dans laquelle il travaillait et se faire diagnostiquer par un psychiatre : « Ça a été un soulagement de savoir ce que j’avais, dit-il. J’ai été un enfant tête en l’air, toujours un peu ailleurs, avec parfois des crises de colère, et j’ai dû compenser tout ma vie une sorte d’inadaptation au système. A l’époque, on ne mettait pas de nom sur tout ça, c’est dommage car, si ces difficultés m’ont construit, je me serais épargné de l’épuisement et de la souffrance ».

Aujourd’hui, ce cadre supérieur, que le TDAH n’a pas empêché de mener de solides études et d’accéder à des postes à responsabilité, n’hésite pas à parler de « handicap invisible » : « Les gens ne voient pas – a fortiori quand vous arrivez à compenser – à quel point ce trouble éreinte au quotidien. Dans mon travail, les équipes ne comprenaient pas toujours mes réactions, quand j’étais dans la lune, en réunion par exemple. Donner le change était pour moi un effort de tous les instants ».

Comme le TDAH est fortement lié à des prédispositions génétiques, deux des quatre enfants de Nicolas souffrent du même trouble et ont été diagnostiqués d’un TDAH à l’approche de l’adolescence : « Comme j’étais sensibilisé au problème, j’ai tout de suite su à qui m’adresser, mais tout le monde n’a pas cette chance ».

Plusieurs mois pour voir un pédopsychiatre

L’accès à un spécialiste demeure en effet un frein à la prise en charge. On estime aujourd’hui que le TDAH touche environ 5 % des enfants et 3 % des adultes, mais combien d’entre eux échappent au diagnostic, a fortiori quand l’enfant ne souffre que de déficit de l’attention, sans hyperactivité, ce qui rend son trouble moins voyant ? « Si on soupçonne un TDAH chez son enfant, il faut en parler à son pédiatre ou son généraliste, car si le trouble n’est pas forcément problématique à ce moment-là, il peut le devenir un peu plus tard, et c’est mieux d’anticiper d’éventuels besoins à venir, insiste le Dr Mylène Fefeu, pédopsychiatre à l’hôpital parisien Robert-Debré. La souffrance de l’enfant est une alerte : s’il se plaint et éprouve des difficultés dans sa vie scolaire ou sociale, il vaut consulter sans hésiter un spécialiste. » Et dans ce cas, s’armer aussi de patience. A l’hôpital Robert-Debré, le délai d’attente pour être reçu par un pédopsychiatre tourne autour de six mois, précise le Dr Fefeu.

« Il est bien évident qu’avec 5 % de la population atteinte, les psychiatres, qui sont déjà débordés, ne peuvent pas être les seuls à prendre en charge les TDAH, observe Olivier Bonnot, Professeur de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent à l’Université Paris-Saclay et spécialiste du TDAH. Il faut former d’autres médecins à le repérer et le prendre en charge, les pédiatres et les généralistes, en particulier, quitte à adresser ensuite les cas les plus sévères à des centres de référence. Nous avons besoin de médecins de premier recours formés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »

Le sujet avance néanmoins dans le bon sens : depuis quelques années, les troubles du neurodéveloppement (dont fait partie le TDAH), qui n’étaient qu’effleurés jusque-là, sont davantage enseignés aux étudiants en médecine. « Les jeunes médecins seront sensibilisés au sujet », affirme Olivier Bonnot. La formation continue progresse également, avec l’ambition de créer prochainement une formation qualifiante qui permettra de faire éclore une génération de « médecins spécialistes du TDAH, comme on trouve déjà des médecins spécialistes du sommeil, par exemple ».

Une société savante, la Société française du TDAH, a par ailleurs vu le jour en 2024 pour donner de la visibilité au trouble, promouvoir sa prise en charge, diffuser des informations fiables sur le sujet et balayer certaines idées reçues : « On lit encore que le TDAH est un effet de mode, constate le Pr Bonnot, mais c’est un vrai trouble, dont le diagnostic doit être établi par un médecin, spécifiquement formé, sur des critères précis ». D’autant que le TDAH peut nécessiter un traitement médicamenteux (le fameux méthylphénidate, vendu sous les marques Ritaline, Medikinet, Quasym ou Concerta), et que dans plus de la moitié des cas, il s’accompagne d’au moins un autre trouble – trouble du spectre autistique, avec ou sans déficience intellectuelle (TSA), trouble anxieux, ou encore trouble dys, ce qui complique la prise en charge.

Manque de moyens à l’école

Adèle, 7 ans, est dans ce cas, et pour son papa Benoit, bénévole au sein de l’association HyperSupers, « c’est un vrai parcours du combattant. Notre fille va mieux aujourd’hui, car on a trouvé une médication qui lui convient ainsi qu’une équipe de professionnels (psychométricien, orthophoniste, pédopsychiatre…) qui l’aide à travailler ses habilités sociales. Mais son rapport aux autres reste compliqué ».

Comme beaucoup de petites filles (et de femmes, à l’âge adulte), Adèle a longtemps compensé et produit beaucoup d’efforts pour s’adapter à l’école. « Elle tenait à peu près dans la journée, mais en rentrant à la maison, elle lâchait tout et c’était infernal », résume Benoit, qui concède que « l’école n’est pas préparée pour l’accueil de ces enfants, on dépend de la bonne volonté de l’enseignant. S’il est sensibilisé au sujet, ça se passe bien, sinon, c’est très difficile ». Adèle bénéficie aujourd’hui d’un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) individuel, 15 heures par semaine, après un recours gracieux auprès de la Maison départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH).

« L’école a progressé sur le sujet, et le TDAH y est mieux connu aujourd’hui. Mais l’Education manque de moyens, et les AESH, quant on peut y prétendre, ne sont pas spécifiquement formés à ce trouble, remarque toutefois le Dr Fefeu, qui relève que dans le milieu professionnel, en revanche, tout, ou presque, reste à faire pour tenir compte des spécificités des adultes TDAH. « Comme le monde du travail n’est pas adapté, beaucoup d’adultes, consciemment ou inconsciemment, développent des stratégies d’adaptation et de contournement. Ils vont éviter certains environnements ou métiers qui les fragiliseraient, avec une tension ou une hiérarchie trop forte, notamment », ajoute-t-elle.

Une sensibilisation nécessaire dans les entreprises

Rendre l’univers professionnel supportable ne serait pourtant pas si compliqué. « Un salarié TDAH peut juste avoir besoin de quelques aménagements simples, assure Nicolas. Qu’on accepte par exemple qu’il s’isole ou porte un casque de chantier dans l’open-space pour se concentrer plus facilement, qu’on ait de l’indulgence devant une certaine impatience ou s’il est tête en l’air, qu’on comprenne qu’il s’ennuie sur des tâches monotones et qu’il a besoin d’être stimulé… c’est finalement de la pédagogie qu’il faut faire, pour sensibiliser l’employeur à certaines particularités. »

 « Ça bouge un peu, quelques grandes entreprises commencent à former leurs managers au TDAH », avance le Dr Fefeu, tout en reconnaissant que c’est long et pas forcément une priorité. Elles ont pourtant tout à y gagner, car la « différence » a ses avantages : les TDAH sont souvent ultrasensibles et créatifs, des qualités potentiellement précieuses pour un employeur !

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