Quel est le profil des personnes qui s’engagent dans le défi de janvier ? Quelles sont leurs habitudes de consommation ? Quels bénéfices au terme de leur participation ? L’analyse des données recueillies via l’application Mydéfi en 2024 a livré ses premières réponses. Ces résultats donneront lieu à 2 articles appelés à être publiés dans des revues scientifiques. Une chose est sûre : le programme de coaching du Défi de janvier est bénéfique pour tous les utilisateurs qui le suivent.
En 2024, 2 032 personnes, sur les 4 000 qui ont téléchargé l’application Mydéfi, conçue par le Pr Pascal Perney, addictologue, et portée par la Société française d’alcoologie (SFA), ont suivi le programme de coaching du Défi de janvier. La plupart des participants s’étant inscrits entre le 31 décembre 2023 et le 2 janvier 2024, c’est dire qu’ils étaient fin prêts, voire dans les starting-blocks – en dépit d’un lancement tardif de l’application, environ deux semaines avant le désormais fameux mois de janvier sinon sans alcool, du moins avec une pause d’alcool.
Chaque jour, ces quelque 2 000 utilisateurs de l’appli ont rentré leur niveau de consommation, offrant, outre les précisions quant à leur âge et leur sexe, de précieux indices, tant sur leur comportement (quand boivent-ils, comment, quid du binge drinking, etc.) que sur l’évolution de leur consommation. Ces deux sources d’informations, anonymisées bien sûr, feront chacune l’objet d’une publication scientifique. « Nous avons recueilli énormément de données et, avec le Pr Mickaël Naassila, addictologue au CHU d’Amiens et président de la SFA, nous nous sommes rendu compte qu’il n’existait pas dans la littérature scientifique d’articles avec une capacité de données aussi forte que la nôtre », explique le Pr Pascal Perney, chef de l’unité d’addictologie du CHU de Nîmes et coconcepteur de Mydéfi.
Un bénéfice pour tous
Sans tout dévoiler, on peut toutefois préciser que les utilisateurs représentent une population très large, allant de 18 à 85 ans. « La majorité a entre 40 et 60 ans, avec un pic à 50 ans, même si les jeunes entre 20 et 30 ans sont nombreux aussi », rapporte le Pr Perney. Plus surprenante encore, comparé notamment aux chiffres émanant des consultations ou des hospitalisations, l’exacte parité entre les femmes et les hommes : 50 % pour chacun des deux sexes. « Le fait que l’appli soit un outil anonyme peut favoriser chez certaines personnes la levée de quelques freins », analyse le Pr Perney. « On observe aussi que selon l’âge et le sexe, les motivations ne sont pas les mêmes, rebondit le Pr Mickaël Naassila, auteur de J’arrête de boire sans devenir chiant, publié le 2 janvier dernier aux éditions Solar. C’est intéressant, car cela va nous permettre d’adapter nos messages. »
Autre fait notable : si l’engagement dans le défi de janvier concerne toutes les classes d’âge, il n’est pas l’apanage d’un public en particulier. Le défi réunit tous les publics, des personnes le moins à risque de complications à celles qui présentent un niveau de risque élevé et même très élevé. En résumé, 60 % des utilisateurs sont à risque faible, 20 % à risque moyen et 20 % à risque élevé, voire très élevé – ces deux derniers groupes comptant chacun pour 10 %. « Nous pensions qu’il y aurait majoritairement des personnes qui boivent peu, commente le Pr Perney. Elles représentent certes le plus grand nombre de participants, mais le constat est que tout le monde peut s’engager dans le défi de janvier et c’est une victoire énorme en soi. »
Le mot de « victoire » est d’autant moins usurpé qu’au final, tous les participants, quelles que soient leurs modalités de consommation, remplissent les deux objectifs fixés par le programme de coaching : changer ses habitudes de consommation et avoir des jours à zéro (verre). Autrement dit, le bénéfice est commun à tous les groupes, le profit étant le plus marqué auprès des 20 % d’utilisateurs qui ont des consommations importantes, voire très importantes. C’est à la fois logique et arithmétique, mais là où on aurait pu penser que les personnes avec une consommation élevée n’arriveraient pas forcément à bouger notablement, les données recueillies attestent au contraire que c’est tout à fait possible. « On ne doit laisser personne de côté puisqu’une diminution de la consommation est enregistrée dans tous les groupes », souligne le Pr Perney. C’est aussi la preuve que l’appli Mydéfi est plutôt efficace – à confirmer au fil des éditions et également sur le temps long.
« Ouvrir l’enquête »
Ces premières données en appellent d’autres. Le site internet du Défi de janvier a d’ailleurs profité de son relookage pour renforcer les questionnaires destinés aux participants à l’édition 2025. L’objectif est bien sûr de consolider les connaissances des médecins-chercheurs qui animent cet espace et, par-delà, des professionnels de santé, sur la base de résultats rigoureusement scientifiques. « L’option pour cette 6e édition est d’ouvrir l’enquête, affirme le Pr Naassila. Nous voulons aller au-delà des arguments généralement mis en avant pour encourager à réduire la place de l’alcool dans son quotidien, comme les gains en termes de sommeil, de concentration, etc. Via un questionnaire en ligne, nous allons essayer d’en savoir plus sur les motivations des personnes inscrites : pour une meilleure santé ou parce qu’elles ont une consommation qu’elles jugent problématique, et dans ce cas, pourquoi boivent-elles, ont-elles déjà des problèmes, etc. Si elles fument, en profitent-elles pour réduire également leur tabagisme, etc. »
Les interrogations fusent, animées du souhait de « capter » un public le plus large possible. Le Pr Naassila cite l’exemple des femmes autour de la cinquantaine : « Réussir à attraper cette population spécifique, dont on sait, sur la base des données 2024, qu’elle pratique aussi le binge drinking, nous permettrait de rappeler certaines données sur le lien entre alcool et cancer du sein. On a un mois pour communiquer, envoyer des messages et informations ciblées aux utilisateurs, il ne faut pas louper le coche ».
Dans l’immédiat, voici deux indices issus de l’analyse des données 2024 qui aideront peut-être les participants à aller au bout de l’édition 2025. Primo, c’est toujours, sans véritable surprise, en fin de semaine que les consommations sont les plus élevées, avec un maximum atteint le samedi, et cela quelles que soient les modalités de consommation. Secundo, les personnes qui abandonnent le plus volontiers avant la fin du mois de janvier sont les jeunes et les consommateurs à risque le plus élevé de complications. « Avoir une mauvaise journée n’est pas grave, l’essentiel c’est d’aller au bout du défi », rassure le Pr Perney. Et répétons-le, en termes de réduction des consommations, ça marche pour tout le monde. Une bonne raison pour tenir bon !
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