Recherche IRM désespérément

L’édition 2024 de la Semaine de la sécurité des patients met l’accent sur le diagnostic, essentiel pour une prise en charge rapide et adaptée. Dans l’idéal. Car bien souvent, il faut patienter des semaines, voire des mois avant d’obtenir, par exemple, un rendez-vous pour une IRM. Un manque de machines et de personnels, qui induit des retards de prise en charge et des pertes de chance pour les patients.

Quinze jours. C’était le délai d’attente maximal recommandé par le Plan Cancer 2009-2013 pour passer une IRM. Le Plan suivant – courant sur la période 2014-2019 – se montrait déjà moins ambitieux, en fixant une limite de 20 jours. Quant à la récente Stratégie décennale 2021-2030, elle ne fixe plus de délais précis, mais prévoit une action visant à « améliorer l’accès à l’offre d’imagerie médicale, notamment IRM corps entier ». Une ambition rapidement suivie par des annonces concrètes : la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) débloque 10 M€ en 2022 puis 20 M€ en 2023 à destination des agences régionales de santé (ARS) pour qu’elles aident les établissements de santé et les cabinets à s’équiper. A la clé, 27 IRM supplémentaires sur l’ensemble du territoire, pour un total d’environ 1 280, selon la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR). Soit 18,8 machines par million d’habitants, alors que ce taux plafonnait 14,8 par million d’habitants en 2018. Il fallait à l’époque 32,3 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous d’IRM (source : Cemka/Snitem), bien loin des préconisations des Plans Cancer. Avec davantage d’appareils aujourd’hui, la situation s’est-elle améliorée ? Difficile de répondre en se basant sur des chiffres. Comme l’a relevé la Cour des comptes, l’année dernière, les délais de 2018 « sont à ce jour à les seules données disponibles ». Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est donc impossible de mesurer précisément l’évolution de l’accès aux IRM depuis six ans.

Une médecine à deux vitesses

« Quand on ne veut pas avoir de fièvre, on casse le thermomètre, ironise le Dr Jean-Philippe Masson, président de la FNMR pour expliquer l’absence de chiffres officiels. Dans les faits, les problèmes n’ont pas été résolus et les délais d’attente restent anormalement longs. » Les patients qui ont récemment essayé d’obtenir un rendez-vous peuvent en témoigner : en dehors de la région parisienne, l’attente se compte souvent en semaines, voire en mois. Sur la plateforme de réservations de consultations Doctolib, la première disponibilité à Marseille est par exemple en décembre, et il faut attendre mars 2025 pour décrocher une place à Nantes, soit dans six mois ! Face aux délais qui s’allongent, certains établissements ont même dû revoir leurs règles de fonctionnement, à l’image du CHU de Saint-Brieuc qui a décidé, cet été, de ne plus accepter les demandes d’IRM délivrées par des médecins libéraux.

Si les régions sont diversement confrontées à ces difficultés – les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire comptent parmi les plus concernées –, toutes semblent pâtir de délais excessifs. « Les retards continuent à exister dans la prise en charge et les délais à être supérieurs aux recommandations de la Haute Autorité de santé, observe Emmanuel Ricard, porte-parole et délégué au service Prévention et Promotion du dépistage de la Ligue contre le cancer. Ces recommandations ont été posées par des experts : si elles ne sont pas respectées, cela se traduit par des pertes de chances. » Diagnostic initial tardif ou suivi en cours de maladie compliqué à assurer régulièrement…rester éloigné des appareils d’IRM contrarie sans surprise la qualité de la prise en charge. « D’une façon plus générale, les délais de rendez-vous concernent l’ensemble du secteur de l’imagerie, reprend Emmanuel Ricard. Pour de simples mammographies, les patientes doivent parfois attendre 6 mois ou un an. Certaines femmes finissent par renoncer, découragées. On constate de ce fait que les taux de dépistage sont nettement inférieurs dans les zones les moins bien couvertes en équipement. » Au-delà des risques qui pèsent sur les malades, ces difficultés d’accès aux IRM amplifient une inégalité entre ces derniers. « On aboutit à une médecine à deux vitesses, où le critère déterminant n’est pas l’aisance financière mais le fait de compter un médecin parmi ses connaissances, déplore le Dr Masson. Soit un de vos proches peut vous trouver un rendez-vous rapide, soit vous être contraint d’attendre longtemps. »

Logique comptable et pénurie de personnels

Parmi les raisons de cette pénurie d’IRM, il y a d’abord le fait que le nombre d’indications pour cet examen ne cesse de croître. Alors qu’il était initialement centré sur la neuroradiologie, il devient un passage obligé pour de multiples pathologies cancéreuses, cardiaques, abdominales, traumatiques, etc. Dans le même temps, la population augmente et vieillit, multipliant, de ce fait, les maladies et le besoin d’examens. Autre écueil, lorsqu’un centre de radiologie souhaite investir dans une IRM, il doit d’abord obtenir une autorisation de l’ARS. « L’Assurance maladie siège dans la commission d’examen des demandes, précise le Dr Masson et elle a toujours suivi la même logique : éviter d’installer trop de machines pour limiter le coût des actes. » Ou comment reproduire la même erreur que celle commise lors de la mise en place du numerus clausus dans les années 1970. Une réforme du régime des autorisations a certes été adoptée en septembre 2022, qui permet à tout établissement possédant déjà un équipement d’imagerie d’en installer deux autres en panachant (IRM et scanner) sans qu’il lui soit nécessaire d’obtenir une nouvelle autorisation. « Mais nous attendons toujours la lettre d’instruction aux ARS », s’impatiente Jean-Philippe Masson.

C’est enfin du côté de la démographie médicale qu’il faut regarder pour comprendre la complexité d’accès aux IRM. « Il manque entre 18 et 20 % de personnel, souligne le président de la FNMR. La situation est délicate et va encore empirer. Cette année par exemple, le nombre de postes d’internes en radiologie a reculé de 40, on marche sur la tête ! » Se pose également le problème du manque de manipulateurs. Ils sont environ 30 000 en France, dont le tiers a plus de 50 ans. Le nombre de nouvelles recrues formées chaque année reste faible et la répartition des salariés est perfectible, avance le Dr Masson : « Alors que 70 % de l’activité radiologique est réalisée en libéral, 70 % des manipulateurs travaillent à l’hôpital. Ce manque de professionnels est si criant qu’il a conduit certains centres de radiologie à renoncer à installer une nouvelle IRM après avoir pourtant obtenu une autorisation, ou d’autres à limiter leur nombre d’heures d’ouverture ».

Installer plus de machines – il en manque quelques dizaines pour atteindre la moyenne européenne de 20 par million d’habitants – et ouvrir plus de postes : les réponses à l’interminable attente que doivent affronter les patients pour trouver une IRM sont, en théorie, simples. A l’heure où les coupes budgétaires en matière de santé se banalisent, leur mise en place continue, elle aussi, à se faire attendre. Plus que jamais, il faut être patient quand on est malade.

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