Des soins palliatifs précoces pour mieux vivre la fin de vie : l’expérience du CH de Bligny, dans l’Essonne

En France, seuls 30 à 50 % des patients qui ont besoin de soins palliatifs en bénéficient effectivement. Si l’offre de soins a augmenté, principalement à l’hôpital, les inégalités territoriales sont criantes et l’offre de soins à domicile reste insuffisante. En réponse, le CH de Bligny, à Briis-sous-Forges (Essonne), a ouvert en février 2024, en collaboration l’association SPES, un hôpital de jour de soins palliatifs précoces. Coup de projecteur sur cette structure de soins ambulatoires de proximité, la première en Essonne, chargée d’évaluer et d’anticiper les besoins des patients et d’accompagner les aidants. 

Créé début 2024, l’hôpital de Jour (HDJ) de soins palliatifs précoces de Bligny prend en charge en ambulatoire toute personne atteinte d’une maladie grave ou évolutive qui nécessite une évaluation et un suivi pluridisciplinaire, et ce à tous les stades de sa maladie. La prise en charge du patient peut être ponctuelle ou régulière suivant ses besoins et répond à des situations complexes, qu’elles soient médicales, psychologiques ou sociales.

Selon les résultats de l’enquête Opinionway sur Les Français et la prise en charge à domicile, publiée en avril 2024, 73 % des personnes interrogées indiquent préférer une prise en charge à domicile pour leur fin de vie. Eu égard entre autres au vieillissement de la population, il y aura à l’avenir plus de personnes malades à soulager et d’aidants à soutenir. Respecter la volonté des personnes de rester chez elles implique de décentrer la prise en charge palliative et l’accompagnement de la fin de vie des Unité de Soins Palliatifs (USP), aux capacités insuffisantes et aux coûts élevés, vers le domicile.

La création de l’HDJ en soins palliatifs de Bligny répond au besoin d’une prise en charge de proximité, précoce et graduée des patients et des aidants pour un maintien à domicile le plus longtemps possible. « Il est nécessaire de créer des lits de soins palliatifs pour répondre à des patients qui ont des symptômes incontrôlés et ont vraiment besoin d’être hospitalisés en USP, mais pour les autres, afin de respecter leur choix d’être à domicile, il faut sécuriser le domicile », souligne Jean‑Baptiste Méric, directeur médical et médecin oncologue au CH de Bligny.

Agathe Delignières, psychologue référente de l’équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) de l’hôpital, abonde : « Les HDJ en soins palliatifs sont des structures extrêmement importantes à développer. J’ai vu beaucoup d’hospitalisations de personnes en USP ou en service d’oncologie qui n’avaient pas forcément besoin d’être hospitalisées. Ces hospitalisations coûtent cher et ne sont satisfaisantes ni pour les patients, ni pour les familles, ni pour les équipes de soins. » L’HDJ permet d’éviter aux patients d’être hospitalisés en USP pour un équilibrage de leur traitement antalgique. Le suivi et les ajustements de traitements peuvent désormais se faire en ambulatoire.

Une meilleure qualité de vie

Les soins palliatifs sont méconnus et souvent réduits à la toute fin de vie. « En fait, c’est beaucoup plus large que ça, constate Agathe Delignières. Je pense aux maladies neurodégénératives. Bien que la maladie soit incurable, des soins peuvent encore être actifs sur les symptômes et le patient peut encore avoir de longues années de vie, que l’on peut accompagner, en soins palliatifs, de façon à ce que sa qualité de vie soit la plus correcte possible pendant plusieurs années. » Le Dr Méric Jean-Baptiste Méric souligne, pour sa part, que, selon des études, faire intervenir une équipe de soins palliatifs précocement dans le parcours de soins non seulement augmente le confort et la qualité de vie des patients mais aussi leur espérance de vie, car cela permet que les traitements se réalisent mieux, que ce soit pour les maladies neurodégénératives ou en oncologie. Plus la prise en charge en soins palliatifs est précoce, plus elle permet d’anticiper les besoins et de prévenir les crises, d’améliorer le confort et la qualité de vie tout en favorisant le maintien à domicile. « Quand le contexte est sécurisé (aidants solides, cercle de soins bien construit, etc.), on ne va pas forcément avoir besoin d’hospitaliser un patient suivi en HDJ », complète l’oncologue.

En parallèle, le soutien des proches, l’évaluation de la charge qui pèsent sur leurs épaules, l’anticipation de leurs besoins et les solutions de répit proposées font partie intégrante des missions de l’HDJ. « On ne peut pas maintenir une personne en fin de vie au domicile sans anticiper. Si on n’a pas cette culture de l’anticipation et de la prévention, soit on ne repère pas qu’on est à la veille d’un épisode aigu sur le plan médical pour le patient, soit on ne repère pas que l’aidant est au bord de l’épuisement et qu’on va avoir une hospitalisation non programmée un week-end », illustre Françoise Ellien, directrice de l’association SPES et membre de l’instance de réflexion stratégique chargée de préfigurer le plan décennal Soins palliatifs, prise en charge de la douleur et accompagnement de la fin de vie en France 2024/2034.

« Nous suivons un patient en fin de vie atteint de la maladie de Parkinson. Lors de la première consultation, son épouse a compris après avoir discuté avec la neurologue et moi-même que si elle ne s’occupait pas d’elle, elle allait craquer et que le maintien à domicile n’allait pas être possible. Depuis, pendant que son mari reçoit des soins de bien-être à l’hôpital de jour, elle prend du temps pour elle », témoigne le Dr Méric. L’équipe de l’HDJ peut aussi accompagner les familles dans leur deuil, si elles le souhaitent.

Le patient dans sa globalité

À l’HDJ, l’équipe pluridisciplinaire consacre en moyenne une demi-journée à chaque consultation, un temps long qui permet de récolter auprès du patient et de ses proches un maximum d’informations cruciales pour établir avec lui un projet de soins personnalisé. « Lors de la première consultation à l’HDJ, le patient est accueilli dans sa chambre. Nous nous présentons, nous demandons de ses nouvelles, on fait connaissance. On prend tout en compte : le sommeil, la maladie, les inconforts, les centres d’intérêt, les conséquences de sa maladie sur son emploi, ses ressources psychologiques, sociales, spirituelles, bref on essaie d’être un peu exhaustif », explique Yolaine Bocahu, infirmière de l’EMSP de Bligny et titulaire du DU Soins palliatifs.

Pas question de réduire la personne à sa maladie et cette dernière à des ajustements thérapeutiques, aussi nécessaires soient-ils. Massage, hypnose, sophrologie, la relaxation ou une simple écoute, etc., l’accent est mis en soins palliatifs sur la prise en charge globale du patient. « Certains patients sont surmédicamentés à leur arrivée, observe Agathe Delignières. On tâche de revoir cela : les médecins sont attentifs à conserver ce qui est important et à supprimer ce qui n’est pas forcément utile. Les soins de support que l’on propose vont dans le sens d’un meilleur confort des patients. Elles sont très bien accueillies. » Ces outils sont également tout à fait pertinents dans la prise en charge précoce de la dimension psychologique du patient et de ses aidants, que ce soit précocement ou dans les derniers moments de vie. « Dans ce dernier cas, poursuit Agathe Delignières, cela peut être plus compliqué. On imagine aisément que la personne a besoin d’être entourée à ce moment précis, mais a-t-elle besoin de voir des personnes qui sont en dehors de son réseau d’intimes ? La prise en charge précoce permet de connaître une personne et d’être là jusqu’au bout, c’est-à-dire d’être légitime dans l’accompagnement lors des moments plus fragiles de l’existence. »

Au final, seul l’intérêt du patient compte. Que veut-il vraiment ? Quel est son projet de vie ? « On ne sait jamais ce qui est bon pour le patient, c’est lui qui va nous le dire et on s’adapte au maximum », insiste Agathe Delignières. Ce qui conduit, parfois, à une désescalade thérapeutique, si tel est le vœu de la personne en cas de polypathologies, par exemple. « Il faut toujours s’en tenir à ses objectifs. A nous ensuite de faire la médiation entre les objectifs des médecins qui le suivent et ceux du patient », renchérit le Dr Méric. « En soins palliatifs, il ne s’agit pas de ne pas faire d’examen, mais de faire les examens qui ont un intérêt pour le patient », ajoute Yolaine Bocahu.

Orbi et urbi 

La culture propre aux soins palliatifs tend, de ce fait, à se diffuser dans les autres services du CH de Bligny. « Les équipes nous font des retours très positifs de nos interventions, elles se sentent rassurées par notre présence », remarque Jennifer Kennis, infirmière de l’EMSP. Selon Jean-Baptiste Méric, « le compagnonnage est très important dans la dynamique d’établissement. Quand une nouvelle infirmière se retrouve pour la première fois à gérer des patients dans un service où il y a des patients en insuffisance respiratoire, c’est très angoissant. Savoir que dès le lendemain de son arrivée, une collègue va lui proposer d’apprendre deux ou trois choses et de la former à l’hypnose, cela aide à être en confiance. Les équipes le sentent et les patients aussi, évidemment ».

Le personnel soignant dont dispose aujourd’hui l’HDJ permet d’accueillir des patients deux demi-journées par semaine. Certaines expertises et ressources humaines sont mutualisées avec l’USP, l’EMSP et les autres services de l’hôpital. « Pour l’instant, nous avons une majorité d’adressage interne de patients qui sont déjà suivis dans nos services de maladies chroniques. Il faut que le message passe aussi vers la ville et les médecins généralistes », rapporte le Dr Méric. L’objectif d’ici quelques mois est d’ouvrir 10 demi-journées par semaine avec 6 patients par jour en moyenne. Et de le faire savoir : « On voit encore trop de patients atteints d’un cancer qui, pendant des mois, font des dizaines de km pour recevoir une chimiothérapie qu’ils auraient pu recevoir plus près de chez eux, avec une participation plus importante des professionnels de soins palliatifs ou de support », déplore l’oncologue.

Cadre législatif : droits d’accès aux soins palliatifs, dispositifs et accompagnement de la fin de vie

L’accès aux soins palliatifs est un droit en France depuis 1999. Le cadre législatif s’est étoffé depuis afin de renforcer les droits des malades et des personnes en fin de vie. Sont désormais inscrits dans la loi le droit de tous patients à être informé sur son état de santé et à refuser un traitement,l’interdiction de l’obstination déraisonnable, le respect des volontés de la personne lorsque celle-ci n’est plus en capacité de les exprimer et le droit à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès pour les personnes malades qui en feraient la demande et dont le pronostic vital est engagé à court terme.

L’Assemblée nationale examine actuellement le projet de loi n°2462 relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie qui doit permettre à la personne dont les souffrances deviendraient insupportables de pouvoir solliciter une aide à mourir.

En savoir plus   

Le premier MOOC français sur les soins palliatifs permet au grand public et aux personnes concernées par une maladie grave, évolutive ou en fin de vie et leurs proches, d’acquérir des connaissances et des outils pour faire face à des situations compliquées ; aux bénévoles et aux aidants familiaux (8 millions en France) d’améliorer leur compréhension des soins palliatifs et leur offrir des éléments sur lesquels se reposer dans leur pratique d’accompagnement et aux professionnels du soin (aides-soignants, infirmiers, médecins) et de l’écoute (assistantes sociales, psychologues) de parfaire leurs connaissances en soins palliatifs en lien direct ou indirect avec leurs pratiques. Il a été développé par l’association ASP Fondatrice – devenu depuis Etre-là Grand Paris – et par le Centre de Recherche et d’Enseignement Interprofessionnel Bientraitance et Fin de Vie (CREI-BFV).

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