Du 7 au 12 mai, Dunkerque accueille les 30e Jeux nationaux des transplantés et dialysés. Quelque 150 participants, venus de toute la France, sont inscrits à cet événement qui se tient chaque année dans une ville différente. Outre les épreuves sportives, ce rendez-vous est aussi l’occasion de sensibiliser le public au don d’organes.
Cyclisme, natation, athlétisme, bowling, aviron, tennis de table, escalade, etc., au total, ce sont plus de 24 disciplines qui sont à l’affiche des Jeux nationaux des transplantés et dialysés (JNTD) qui, pour leur 30e édition, se tiennent à Dunkerque, dans le Nord. Organisé par Trans-Forme, l’association fédérative française des sportifs transplantés et dialysés, cet événement n’est pas qu’une compétition sportive, c’est aussi, et peut-être surtout, un prétexte pour organiser des temps d’échanges avec le public sur un sujet bien souvent difficile à aborder.
Une vie retrouvée
« On n’en parle pas suffisamment, estime Rémi Blampain, transplanté du rein et coordinateur local pour l’organisation des jeux 2024. Le don d’organes reste tabou, car il est associé à la mort. On ne voit que le côté obscur du don, mais c’est aussi donner la vie : on peut sauver jusqu’à six vies. » Sans oublier le don du vivant, dont le Boulonnais, né avec une malformation rénale qui l’a privé de l’usage du rein gauche, a pu bénéficier : « J’ai eu la chance que ma mère soit donneuse compatible quand mon rein droit a commencé à se dégrader ». Transplanté en 2008, à l’âge de 25 ans, il parle de « vie retrouvée ». Retrouvée, et soutenue par l’activité sportive. Sa première participation aux JNTD remonte à 2016. Alors qu’il patiente dans la salle d’attente du centre de transplantation du CHU Amiens-Picardie, l’œil de Rémi Blampain est attiré par une affiche annonçant la tenue prochaine de Jeux nationaux des transplantés et dialysés à Saint-Priest, près de Lyon. Sportif depuis toujours (basket, badminton, course à pied…), cette découverte l’aiguillonne : il décide de s’inscrire.
Outre la surprise de se retrouver si nombreux et le réconfort de se sentir moins seul, il constate aussi les bienfaits de l’activité physique sur sa santé, qu’il s’agisse de la tolérance aux immunodépresseurs, traitement à prendre chaque jour, ou de la prévention de leurs effets indésirables, notamment en termes de perte de la tonicité musculaire, de risque cardiovasculaire ou de diabète, ou encore du bien-être lié à l’exercice. « Le sport contribue à mon équilibre global », résume-t-il.
Un modèle très inspirant
Si aujourd’hui la pratique de l’activité physique est conseillée en prévention des maladies chroniques, en médecine physique comme psychiatrique, ce n’était pas exactement le cas il y a trente ans, et moins encore dans le domaine de la greffe et de la dialyse. À cet égard, souligne le Pr Sébastien Dharancy, hépatologue, responsable médical du centre de transplantation du CHRU de Lille et secrétaire général de la Société francophone de transplantation, ces jeux ont été, selon ses termes, à l’avant-garde de ce virage qui consiste depuis une dizaine d’années à remettre l’exercice au cœur de la santé, avant même que les travaux scientifiques confirment l’intérêt de cette approche. « Le message de ces 30e jeux est de dire que, quel que soit son état de santé, le sport est très important. Chez les personnes greffées, cela permet de prévenir de nombreuses complications, en particulier métaboliques, mais aussi les cancers (sein, côlon, etc.). Il y a trente ans, on ne savait pas que ces personnes étaient à très haut risque de cancer. Le sport favorise également le sommeil et a un effet anxiolytique avéré. Enfin, sur le plan sociétal et de la qualité de vie, elles peuvent mener une existence quasi normale. Elles peuvent travailler, avoir des enfants, pour ce qui est des femmes, et même faire de la compétition, développe le Pr Dharancy. C’est un modèle très inspirant pour la population générale. »
Quant à savoir si cette exemplarité peut convaincre les Français de s’engager plus largement en faveur du don, c’est une autre question. Mais elle se pose et même en des termes préoccupants. En effet, selon les données fournies par l’Agence de la biomédecine pour l’année 2023, l’activité de greffe n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la pandémie de Covid. L’an passé, 5 634 greffes d’organes ont été réalisées contre 5 901 en 2019 et 6 105 en 2017. Conséquence, 823 patients en liste d’attente sont décédés en 2023 – sans compter toutes les cas considérés comme trop graves pour être greffés et, à ce titre, retirés de la liste. Faute de dons suffisants, et pour s’en tenir à ce seul organe, environ 200 personnes en attente d’un foie décèdent chaque année. « On est tous d’accord pour recevoir, mais on ne donne pas », déplore le Pr Dharancy. Pour rappel, le taux de refus est de 36,1 % – soit une hausse de 9,1 % par rapport à 2022. « C’est un vrai défi, il faut donc continuer à communiquer. Et c’est très bien d’associer le sport, porteur d’énergie vitale et de mouvement, au don d’organes, qui renvoie au deuil, pour marquer cette continuité de la vie à travers le don », poursuit le responsable médical du centre de transplantation du CHRU de Lille.
Une personne généreuse
Placer le don du côté de la vie, cela passe aussi par le témoignage des proches de donneur. Yves Copin, 77 ans, est un de ceux-là. Il interviendra lors de la conférence publique organisée dans le cadre de ces 30e Jeux, sur le thème « Dons d’organes & Transplantations », pour raconter son histoire à la fois douloureuse et lumineuse. En mai 2019, son épouse décède brusquement des suites d’un AVC sévère. Yves Copin est approché par l’infirmière en charge de la coordination hospitalière des prélèvements d’organes et de tissus du CH de Dunkerque où Joëlle a été prise en charge. « Avec mon épouse, nous n’en avions jamais parlé, mais elle était très généreuse et très proche des gens. Compte tenu de sa personnalité, elle ne s’y serait pas opposée. Et comme, par ailleurs, nous n’avions pas eu d’enfant, c’était aussi probablement une façon de donner la vie à des personnes en attente de greffe. Son foie et l’un de ses reins ont été prélevés », confie celui qui, depuis cinq ans, appellent de temps en temps l’équipe de la coordination pour avoir des nouvelles des deux personnes qui continuent à vivre grâce à sa femme. C’est à l’issue de cette épreuve qu’Yves Copin a émis le souhait de participer à des actions de sensibilisation : « Je m’étais rendu compte, à l’époque, en échangeant avec les infirmières coordinatrices, qu’il y avait peu de dons, de l’ordre d’un par mois, et encore… Ce n’est vraiment pas beaucoup ».
Un constat que partagent tous les acteurs de la transplantation. « Je suis surpris qu’il n’y ait pas de sensibilisation au don d’organes prévue dans les collèges et les lycées », observe Rémi Blampain qui se réjouit que des étudiants de l’École municipale d’art (EMA) de Dunkerque se soient emparé du sujet et aient conçu une création qui sera visible durant ces 30e JNTD, avant de faire l’objet d’une exposition dans un espace municipal, sans oublier les représentations de théâtre de rue pour défendre la cause du don d’organes au plus près de la population. Si le vice-champion du monde 2019 de Pétanque – les JNTD se déclinent aussi aux niveaux européen et international – ne portera aucun dossard cette année, accaparé par l’organisation de ces 30e Jeux nationaux, il entend bien mouiller le maillot pour promouvoir le don d’organes et, pourquoi pas, battre des records d’affluence !
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